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Immigration: les enjeux du couple

Par ma pratique et ma collaboration avec différents organismes qui viennent en aide aux immigrants, force m'est de constater que beaucoup de couples ne survivent pas à leur immigration.
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Quand on quitte tout en espérant s'offrir à soi et à sa famille un monde meilleur, on a tellement de choses à voir et à régler, qu'on peut difficilement imaginer à quel point les impacts affectifs du choc culturel vont nous bouleverser. Ces impacts sont nombreux et j'en ai déjà parlé dans un autre papier. Je souhaite m'attarder ici aux impacts affectifs et émotifs qui touchent nos relations intimes: les relations de couple.

Par ma pratique et ma collaboration avec différents organismes qui viennent en aide aux immigrants, force m'est de constater que beaucoup de couples ne survivent pas à leur immigration. Vu de l'extérieur, les raisons peuvent nous sembler évidentes mais elles sous-tendent quand même leur lot de souffrances. Comme en chimie, quand les deux éléments qui, dans un contexte donné généraient un résultat X sont placés dans un autre contexte, ces mêmes éléments génèrent un résultat différent et souvent imprévisible pour les deux antagonistes et pour leur entourage. Parce que le contexte change, la relation change elle aussi forcément. Le couple n'a pas le choix de s'adapter et c'est là que les problèmes commencent.

Dans plusieurs sociétés et cultures, il fait partie du rôle des maris d'être responsable de leur femme, de parler pour elles et de gérer leurs allées et venues, comme ils le feraient s'il s'agissait de leur enfant. Il est évidemment très confrontant pour ces hommes de se retrouver dans une société « égalitaire » comme la société québécoise. Ici, les femmes ont leur voix et on s'attend à les entendre s'exprimer au même titre qu'un homme. Pour le mari qui est confronté à des attentes sociales nouvelles, l'adaptation est difficile et peut déclencher en lui beaucoup de réactions émotives de refus et de jugements qui camouflent difficilement une peur profonde dont il tente, naturellement, de se défendre.

Pour les femmes habituées de se taire, qui n'ont jamais eu de voix réelle dans la société, le fait de constater la liberté des femmes québécoises permet d'entrevoir des potentiels jusque-là inimaginables voire impossibles pour elles. Il devient gênant, infériorisant et inadapté pour ces femmes de se taire comme elles le faisaient dans leur pays d'origine. Les possibilités de se sentir enfin reçue et entendue au même titre qu'un homme, ouvrent pour plusieurs d'entre elles, des horizons nouveaux. Tout à coup, leurs voix comptent ! Elles aussi sont importantes. Non seulement elles comptent, mais les Québécois veulent les entendre « elles » directement, sans intermédiaire.

On peut facilement imaginer les tensions qui peuvent résulter de tels changements et tout ce qu'ils peuvent soulever dans le couple. Pour le mari, le sens même de la définition de son rôle d'époux est remis en cause par le nouvel espace offert à sa femme. Cet homme peut se sentir soudain confronté au cœur même de ses valeurs; de ses notions de bien et de mal. Pour lui, il est non seulement correct et naturel de protéger sa femme en gérant les relations sociales du couple, mais c'est ce que son rôle de mari exige de lui. Ne connaissant pas autre chose, il lui est difficile de se redéfinir à la lumière des mœurs de sa terre d'accueil. Alors quand on traite sa femme « indépendamment » de lui, il a naturellement peur de la perdre. Sa peur active alors à son insu, un réflexe naturel: il peut alors tenter de contrôler sa femme au maximum pour se rassurer lui-même. Cette peur secoue en lui les fondements mêmes de son estime personnelle et de son sentiment d'appartenance à sa culture. L'ampleur de l'enjeu génère alors une réaction de force égale à son émotion refoulée et c'est sa femme qui, plus souvent qu'autrement, en pâtit.

Les immigrants qui arrivent au Québec ont besoin d'être aidés et accompagnés face aux émotions que suscitent le choc causé par les différences culturelles. Selon le pays d'où ils sont originaires, beaucoup de nouveaux arrivants n'ont jamais consulté un thérapeute et se trouvent confrontés par la simple idée de devoir le faire. Les tabous étant fréquents et nombreux, beaucoup d'immigrants n'acceptent pas de divulguer leur affect devant leur partenaire et, encore moins avec un « inconnu » dans la pièce. C'est pourquoi le travail d'accompagnement individuel est favorable dans un premier temps. Individuellement, l'homme et la femme pourront tenter d'aborder leurs enjeux relationnels et se sentir entendus et compris. Déjà, le fait de pouvoir déposer ce qu'on porte et de se sentir écouté et accueilli, libère un lot de tensions lourdes et exigeantes à porter. Le processus d'accompagnement aidant, la personne devient alors mieux disposée pour rencontrer son/sa partenaire et peut-être même poursuivre la discussion à cœur ouvert avec lui ou elle.

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