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Lecture: «En attendant Bojangles» de Olivier Bourdeault

Fut un temps où toutes les maladies mentales s'appelaient «folie».
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Éditions Finitude

«Certains ne deviennent jamais fous. Leur vie doit être bien ennuyeuse. - Charles Bukowski

C'est l'histoire d'un amour magique. Un amour passionné, fou. Un amour vrai. C'est l'histoire d'une grande fête perpétuelle. Il y a Louise, femme-enfant, et son amour Georges qui la rebaptise chaque jour, à sa demande. Il y a Mademoiselle Superfétatoire, une grue de Numidie, grand oiseau exotique au long cou qui déambule à travers l'appartement comme à travers les pages, provoquant stupéfaction à chaque passage. Il y a ce brillant enfant qui nous raconte la passion de ses parents, qui dansent. Qui dansent partout, tout le temps. Sur une seule chanson : « Mr. Bojangles », de Nina Simone.

I knew a man Bojangles and he'd dance for you in worn out shoes

Silver hair, ragged shirt and baggy pants, that old soft shoe

He'd jump so high, he'd jump so high, will he likely touch down ?

Mr. Bojangles, Mr. Bojangles, dance.

Et il y a la folie.

La racine de cette folie, c'est Louise. Extravagante, elle s'exprime en rimes la plupart du temps, ne travaille pas parce que c'est bien trop ennuyant, demande à son garçon de lui inventer des histoires chaque fois qu'il rentre de l'école, organise de grandes réceptions festives, dirige une maison sans règle, déforme la réalité tout le temps.

« Le problème, c'est qu'elle perdait complètement la tête. Bien sûr, la partie visible restait sur ses épaules, mais le reste, on ne savait pas où il allait. »

Des choses graves racontées sur un ton qui pétille. En attendant Bojangles, ça se peut pas comme c'est beau.

Je l'ai lu dans un souffle par un trop beau dimanche de printemps. Ce premier dimanche où tout le monde caresse le même rêve : sortir et peut-être oser retirer la veste pour une heure ou deux. Moi, j'étais enfermée et ne pouvais lâcher le trésor. J'ai même, alors que tout le monde faisait semblant d'avoir chaud en calant une bière au soleil, développé une certaine obsession : j'ai lu et écouté toutes les entrevues données par l'auteur. Toutes celles que j'ai trouvées, du moins. Et je suis douée dans la maitrise de Google. Je trouve tout ce que je cherche. Tout. Parfois, ça occasionne des regrets, mais c'est un autre sujet. J'ai appris qu'Olivier Bourdeaut s'était lancé dans l'écriture de ce roman sans plan. Les personnages, les événements qui le constituent lui sont venus au fil de l'écriture. Il n'avait en tête que quelques mots et l'état d'esprit qu'il voulait lui donner. C'est pas un peu fou, ça, Olivier?

Fut un temps où toutes les maladies mentales s'appelaient « folie ». Peu importait le trouble, tous les fous enfermés au même endroit. Maintenant qu'on en connait davantage sur le sujet, la folie est passée dans le langage familier. On traite l'autre de fou le moindrement qu'il pose un geste un peu hors-norme. Est fou celui qui part à Cuba sur un coup de tête, qui décide de monter seul son nouveau meuble IKEA ou qui se part une batch de sauce à spagatt à dix heures un mardi soir. On prête même à la folie, la plupart du temps, une intention positive. La folie, c'est bubbly. La folie, c'est le lâcher-prise, c'est la liberté.

Eh que t'es donc fou.

Je suis folle de toi.

Let's go, on fait une folie.

Puis un jour la folie frappe. La vraie. Et elle s'empare de la capacité de jugement et de la santé de quelqu'un qu'on aime.

On n'a vraiment plus le goût de se traiter de fous.

Le problème avec la folie, c'est qu'elle ne flotte jamais en surface bien longtemps. Elle finit tôt ou tard par faire balancer le sujet dans les profondeurs, par l'amener avec elle de l'autre côté du vrai. C'est là qu'on remarque sa présence, bien souvent.

Mesquine folie.

He said I dance now at every chance at honky-tonks for drinks and tips

But most of the time I spend behind these county bars, 'cause I drink so bit

He shook his head, yes he shook his head, I heard someone ask him, please,

Mr. Bojangles, Mr. Bojangles, dance, dance, Mr Bojangles, dance.

*D'autres chroniques littéraires et beaucoup plus, à lire sur le blogueMes introversions - par Caroline Dubois

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