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«Ducepticisme» à l'endroit du Bloc québécois

À quoi bon changer de capitaine si le bateau est en train de couler?
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La nouvelle du retour de Gilles Duceppe à la tête du Bloc québécois suscite de nombreuses réactions. Beaucoup se demandent si ce changement de chef est un bon coup. Certains le condamnent sans même se poser la question. D'autres saluent son retour à la barre du parti. Une question plus importante encore se pose dans les internets: à quoi bon changer de capitaine si le bateau est en train de couler?

Parmi les commentaires qui circulent, on remarque d'abord une incompréhension assez répandue au sujet du statut particulier du Bloc, qui diffère de celui des autres partis politiques fédéraux. On se demande à quoi sert de voter pour ce parti, plaidant que même si le Québec votait majoritairement pour le Bloc, il ne remporterait pas les élections. Et ensuite les Québécois se plaindraient d'être mal représentés à Ottawa...

Le Bloc n'est plus pertinent. Il est inutile, dit-on.

Et si l'on débutait par une petite leçon de politique canadienne 101?

Le Québec compte 75 circonscriptions sur un total de 308 dans tout le Canada. Le Bloc a été créé pour faciliter l'accession du Québec à son indépendance par le Parti québécois, et c'est pourquoi ses candidats se présentent uniquement dans les circonscriptions fédérales québécoises.

Donc, de façon réaliste, d'ici à ce que le reste du Canada se déchire à parts égales entre quatre formations politiques différentes et que le Québec fasse élire 75 députés bloquistes, un scénario improbable, le Bloc ne peut pas remporter d'élection fédérale. Non, Gilles Duceppe n'a pas plus de chances que Mario Beaulieu de devenir premier ministre du Canada.

Reste que, comme ce fut le cas de 1993 à 1997, il est possible pour le Québec d'élire assez de députés du Bloc pour former l'opposition officielle (le Bloc avait remporté 54 sièges en 1993) et ainsi obtenir un minimum de pouvoir au sein du gouvernement fédéral, c'est-à-dire d'être écouté et d'être pris en considération dans la prise de décisions. Une députation forte du Bloc à Ottawa signifie aussi le pouvoir d'agir et de s'opposer en s'alliant à d'autres partis politiques, en cas de besoin.

C'est le pouvoir de dire au reste du Canada que le Québec existe, quoi! Eh oui, c'est bien peu, mais avec son statut de province, c'est à ça que le Québec est réduit dans le Canada.

Donc non, le Bloc ne gagnera pas l'élection d'octobre, ni aucune autre, et il ne souhaite pas non plus y parvenir. C'est là une particularité fondamentale de ce parti qu'il faut saisir avant d'être à même de se prononcer sur sa pertinence.

Ce qu'il faut comprendre ensuite est que le Québec n'est pas mal représenté à Ottawa parce que le Bloc ne forme pas le gouvernement du Canada (ce qui, certains viennent de le comprendre, n'arrivera pas).

Si le Québec n'est pas bien représenté à Ottawa, c'est parce que 304 députés fédéralistes sur 308 ont été élus en 2011. Au Québec, plusieurs ont cru que le NPD ferait passer nos intérêts devant ceux du reste du Canada. Après tout, c'est ce que les candidats néo-démocrates clamaient en campagne électorale, on les comprend bien.

Encore là, c'est mal connaître la raison d'être du NPD, car puisque le NPD cherche à percer dans le reste du Canada, devinez pour qui il travaille.

Pour ce pays qui ne partage à peu près rien avec le Québec.

En 2011, d'autres, et parmi eux de trop nombreux souverainistes, se sont crus de fins stratèges et ont voulu essayer de dérober le pouvoir à Harper et au Parti conservateur (PCC). Selon eux, le NPD avait, et a encore aujourd'hui, les meilleures chances de réussir à déloger les conservateurs du pouvoir.

Malheureusement, ces électeurs remplis d'espoir face au NPD ne réalisent pas que le NPD, tout comme le PCC et le Parti libéral (PLC), ne cherche pas à représenter le Québec à Ottawa. Il ne vise qu'à prendre le pouvoir. Pouvoir qu'il ne peut obtenir et conserver qu'en faisant plaisir au reste du Canada... et en faisant croire aux Québécois qu'il est leur allié. Toutefois, le NPD a bien démontré quelle était sa véritable nature ces quatre dernières années, et il est à espérer que les électeurs québécois ne se laisseront pas duper une seconde fois.

Mais ce qu'il faut espérer par-dessus tout est qu'un jour les Québécois n'auront plus jamais à voter pour le Bloc ni pour aucun parti fédéraliste canadien.

Ce moment arrivera quand assez de Québécois auront réalisé qu'il existe une autre option à cette mascarade électorale qui revient tous les quatre ans. Quand ils en auront assez de se demander vainement si un vote pour le Bloc est un «vote perdu», ou si un vote pour le NPD est un vote stratégique pour mettre à la porte un gouvernement dont on ne veut pas.

Ce jour-là, le Québec aura fait un grand pas. Un pas vers son indépendance. Parce que les Québécois auront compris que la véritable façon de promouvoir et défendre nos intérêts, c'est de se donner les moyens de nous gouverner nous-mêmes. En étant libres.

PS: Je profite de cette tribune pour saluer ce rare geste d'abnégation posé par Mario Beaulieu, qui cède sa place comme chef du Bloc québécois à Gilles Duceppe. Tout comme Jacques Parizeau avait accepté de laisser sa place à Lucien Bouchard. Beaulieu et Parizeau ont donc ceci en commun: ils ont compris ce que ça signifie de «faire passer les intérêts de la patrie avant ceux du parti, et les intérêts du parti avant ceux de l'individu».

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