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Kyrgios, exemple à ne pas suivre

L'Australien Nick Kyrgios a fini par franchir la ligne rouge dont il se rapprochait depuis des mois et s'est mis joueurs, suiveurs et fans à dos. Un très bon test pour le circuit.
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L'Australien Nick Kyrgios a fini par franchir la ligne rouge dont il se rapprochait depuis des mois et s'est mis joueurs, suiveurs et fans à dos. Un très bon test pour le circuit.

"Je sais que c'est assez commun dans d'autres sports, normal même. Mais pas dans le nôtre." Roger Federer a pointé ce qui pourrait commencer à se jouer sur le circuit ATP. Depuis la fin des exploits de John McEnroe ou Jimmy Connors, et encore plus depuis la prise de pouvoir du Big 4, les limites de l'acceptable ont été parfaitement définies. Le tout sans gommer les individualités ni museler les caractères bien trempés. L'exemple d'en haut s'est propagé dans toutes les strates. Pourquoi avec tant d'efficacité ? Parce que ça marche. Les titres, les dollars, les commanditaires, des millions d'admirateurs dans le monde entier : Star système et âge d'or, mode d'emploi.

On sent bien ici et là de l'électricité, on attrape au vol quelques remarques ou regards de travers, et de temps en temps quelques attaques feutrées émaillent les conférences de presse. Mais c'est tout. Dans la grande majorité et surtout dans le haut du panier, on a des garçons bien élevés, professionnels, avec un cerveau qui tourne bien.

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(Crédit: ATP WorldTour)

Alors forcément, le "Kokkinakis a baisé ta copine" de Nick Kyrgios à Stan Wawrinka lancé en plein match à Montréal a été une onde de choc. L'Australien cumulant les abus cette saison, le vase a débordé. Le joueur de 20 ans avait pourtant tout pour plaire et assurer l'avenir: il est spectaculaire, n'a peur de personne et a du charisme. Mais dès qu'il met un pied sur le court, il prend tout le monde pour cible et les insultes volent sans que les arbitres ne sévissent. Quelques avertissements ici et là, alors que la disqualification démangeait. Et comme sa famille omniprésente laisse faire ou même encourage, il ne sait pas s'arrêter à temps. Cela ne pouvait que mal finir. Jusque-là Kyrgios ne s'en était jamais pris à un adversaire alors le bruit des vestiaires était "il est jeune, il va se calmer et puis avec nous tout se passe bien." Tout cela, c'est du passé ! Rien de tel pour achever de braquer le vestiaire que de balancer des attaques sur qui couche avec qui.

Les propos de Wawrinka ont d'ailleurs tout dit des dommages internes provoqués.

Kyrgios est ici indéfendable, comme pour ce qu'il fait subir aux officiels, comme pour avoir hurlé "je n'ai pas envie d'être là" pendant le quart de Coupe Davis, ou pour la façon souvent odieuse avec laquelle il mène ses conférences de presse. Mais en frappant sous la ceinture avec un manque de classe stratosphérique, il a rompu la dernière digue. Dans ceux qui comptent, il n'y a qu'Andy Murray, qui a pris l'Australien sous une aile fraternelle depuis des mois, pour tenter de calmer le lynchage.

C'est malheureux tout ça. Le plus important c'est que Nick retienne la leçon. En tennis il y a des choses qui ne se font pas. Mais Nick n'est pas si mauvais. Il est jeune et grandit sous les projecteurs, beaucoup de négativité lui tombe dessus: ce n'est pas facile à gérer. Il a fait quelques conneries, il va apprendre et devenir une meilleure personne.

Pour le reste du Big 4 et une grande majorité des autres joueurs et joueuses, l'avertissement est aussi clair que la tolérance zéro qui va désormais s'appliquer.

Rafael Nadal: "l'âge n'est pas une excuse"

Sur le circuit, on est ensemble dans les vestiaires toutes les semaines alors c'est plus facile si on s'entend bien. Ce qui est arrivé là n'aide pas du tout. Et l'âge n'est pas une excuse : je suis arrivé à 16 ans, Novak à 17, Andy à 18. Ce n'est pas une question d'âge, mais de respect. Il a tort et j'espère qu'il va commencer à le reconnaître. C'est nécessaire s'il veut rester sur le circuit. Il est peut-être un futur n°1 mondial, mais aussi bon que vous soyez la chose la plus importante reste d'être quelqu'un de bien, de mériter le respect.

Novak Djokovic:

Il va apprendre de la manière la plus difficile et j'espère qu'il ne recommencera pas. On passe tous par de fortes émotions pendant un match, je le comprends, mais ce qu'il a fait n'est pas juste. Il a du talent et de la personnalité, mais pour moi c'est important qu'il y ait du respect entre les joueurs et envers notre sport. Il n'y a aucune excuse pour ce qu'il a dit.

Roger Federer:

On est tous d'accord pour dire que cette fois il a dépassé les bornes. On n'est pas habitué à ça ici. C'est normal que le circuit lui tombe dessus et lui explique que continuer comme ça ne va pas être possible. Toute cette histoire n'est pas bonne pour notre sport, pas bonne pour tout ce que de nombreux joueurs ont essayé de construire, pour la bonne image qu'on donne.

Le conseil des joueurs a condamné les propos de l'Australien, soutenu l'ATP pour la sanction imposée (12 500 dollars d'amende et l'ouverture d'une procédure disciplinaire) et espère d'autres mesures. Les instances de la WTA aussi ont vu rouge en voyant Kyrgios lancer en pâture une jeune joueuse dont l'identité ne faisait aucun doute pour les suiveurs et n'était pas difficile à trouver pour quiconque ayant accès à un moteur de recherche.

Kyrgios a réussi cette fois à cocher toutes les cases: vulgaire, sexiste, agressif, incapable de montrer le moindre respect, incapable de se contrôler. Ses excuses n'ont pas éteint l'incendie.

"I would like to take this opportunity to apologise for the comments I made during the match last night vs Stan...

Posted by Nick Kyrgios on jeudi 13 août 2015

Même la presse australienne - déjà échaudée par les frasques de Bernard Tomic - l'a laissé tomber, en parfaite harmonie avec l'opinion publique.

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(Crédit: The Courier Mail)

Pour le bien de Kyrgios, qui s'est lamenté cette saison de ne pas être devenu un joueur NBA, il va falloir cesser cette crise d'ado, sous peine de devenir un paria et de gâcher tout son potentiel. Il reste un cas isolé, mais si la réponse ne se fait pas régulièrement ferme, cela ne durera pas. Quelques jours plus tard à Cincinnati, l'arbitre a ainsi dû séparer Thanasi Kokkinakis et Ryan Harrison. Kokkinakis - qui est plutôt un garçon agréable - s'en serait bien passé après avoir été jeté sous le bus par son pote Kyrgios!

Enfin, on aimerait aussi que les instances se saisissent vraiment du cas de l'Ukrainien Sergiy Stakhovsky - membre du conseil des joueurs - qui est dans le rouge depuis bien plus longtemps que Kyrgios. Sa dernière sortie pendant Wimbledon comme dernier exemple :

Je ne mettrais pas ma main au feu par rapport aux jeunes qui arrivent, mais dans le top 100 de l'ATP, il n'y a pas d'homosexuels. Sinon, on le saurait, c'est un circuit fermé. Vous voyez, chez nous, il y a une ambiance normale. (...) Même s'il y a eu des rumeurs sur Gasquet, Nadal et même Federer. (...) Quasiment la moitié des joueuses sur la WTA sont des lesbiennes, vous vous rendez compte ! Il est certain que je n'enverrais pas ma fille jouer au tennis.

L'ATP a fermement condamné ces propos et ouvert une procédure disciplinaire. Le mépris de Stakhovsky pour le tennis féminin est un classique, sa croisade contre l'égalité des gains touchant à l'obsession, et voilà qu'il ajoute les propos homophobes à sa panoplie. Ces écarts répétés méritent d'être pris au sérieux, à moins d'accepter qu'ils aient désormais leur place sur le circuit, ouvrant la brèche au sabordage de l'héritage actuel.

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