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La naissance prématurée côté papa

Lors d'une naissance, on demande des nouvelles du bébé, souvent des nouvelles de la maman, mais rarement du papa.
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Mon compagnon et père de ma fille Adrien Burdet a écrit un texte quelques mois après la naissance prématurée de notre bébé, pour «poser ses valises» et coucher sur le clavier ses émotions et son ressenti. Il l'a depuis repris et décidé de témoigner de son expérience de «parent de préma», aux journées de la prématurité organisé par l'ANECAMPS et aux Journées des soignants (JDS) organisées par l'association SOS PREMA. Je vous publie ici le texte qu'il a partagé durant ces journées sur le thème «les premiers pas en néonat», ces 21 minutes de la vie d'un papa de bébé prématuré...

Le 16 septembre 2015, à 16 heures, ma compagne se rend en urgence à la maternité de niveau 3 du CHU situé à 80 km de chez nous suite à la fissure de la poche des eaux. Jusque là, la grossesse se déroulait normalement. Après plusieurs examens, nous sommes admis en salle d'accouchement: notre fille devrait arriver bientôt.

Durant la nuit, je m'éclipse pour voir la sage-femme et lui demande comment se passera l'arrivée de notre fille. Je voulais m'assurer que ma compagne était prévenue qu'Olivia serait certainement emmenée dans une autre salle dès sa naissance.

Il est 06H35, la porte du sas s'ouvre, la sage femme vient contrôler le col comme elle l'a fait toutes les heures depuis notre arrivée. «La tête est là! Ne poussez pas!» «Appelez le pédiatre tout de suite» «il me faut du monde ici!».... «ne poussez pas on n'est pas prêt...!» Il y a encore une minute on était les deux vaseux en plein sommeil, et tout s'accélère...

À peine deux poussées après, Olivia naît, il est 06H41, elle est toute bleue, pas de cris... A peine le temps de la voir, notre fille part avec le personnel dans une autre pièce pour être réanimée... D'un coup nous nous retrouvons à trois dans cette salle... la sage-femme et nous.... Cette dernière essaie d'aider à l'expulsion du placenta, elle nous parle mais je n''écoute pas, je réponds machinalement par un sourire.

Tous mes sens sont en alerte, j'essaie de percevoir chaque bruit afin de tenter de distinguer un pleur de notre fille (drôle d'idée dans une maternité!), signe qu'elle serait en vie... en vain. Toujours pas de pleurs, les minutes s'écoulent...

Il est 07H02, le sas s'ouvre de nouveau, un homme, le pédiatre «votre fille va bien, elle respire mais a besoin d'une assistance respiratoire, je dois la monter en réanimation, le papa peut venir la voir...» Pas le temps de pleurer ni même d'être soulagé, j'embrasse ma femme et suis le pédiatre, notre fille est minuscule, elle a un bonnet sur la tête, sa peau s'est rosie, les yeux ouverts, je fais une photo pour la maman.

Le pédiatre me rassure, elle va bien mais elle a besoin de soins en urgence... Je le laisse continuer... il me dit «Si on peut, on ira avec la couveuse voir la maman...». Je m'empresse de rejoindre la maman avec ma photo, la seule chose que nous avons d'elle... Je la lui montre, la rassure enfin j'essaie... Je préfère garder sous silence l'éventuelle venue du pédiatre avec notre bébé, au cas où il ne puisse pas...

Quelques minutes après, on est rejoint par le pédiatre, nous sommes enfin réunis tous les trois... puis direction le service de réanimation....

Il est huit heures, je sors prévenir la famille. Père de deux enfants, c'était un rituel que j'appréciais, le privilège d'annoncer la naissance d'un petit bébé. Mais là, les larmes sont omniprésentes, j'ai la voix chancelante, je laisse tomber l'idée d'appels et j'envoie un texto groupé:

«Olivia est née ce matin a 06H41 à 32 SA. Pour le moment elle respire seule avec une sat à 100 %. Elle vient d'être transférée en réa pour une aide respi non invasive. La maman se porte bien aussi».

Je passe tout de même un appel, j'explique. «Oui mais elle va bien quand même?» je n'en sais rien, je n'arrive pas à rassurer mon interlocuteur, impossible... je suis terrifié, rempli d'inquiétude... Alors comment je pourrais rassurer dans ce cas-là les autres... je ne peux pas....

Un café avalé, je retourne auprès de la maman, quelques bisous après, je me lance à l'assaut du CHU, j'essaie de trouver la réa des nourrissons, mais je me perds... Je vois une blouse blanche, une secrétaire, je lui demande la réa néonat'.... Elle commence à m'expliquer mais rapidement elle laisse tomber et me conduit jusqu'à l'entrée du service... Était-ce de la compassion, de l'empathie, de la pitié, je ne sais pas mais j'étais enfin devant le service grâce à elle.

Je lis les diverses instructions, je me lave les mains mets un masque, une sur-blouse et me lance, je vois une infirmière; «Bonjour je suis le papa d'Olivia». Elle m'invite à patienter dans la salle des parents pendant qu'elle va se renseigner. Le regard hagard, j'aperçois des affiches d'association de prémas, les coordonnées de psy, des témoignages de parents...

Puis enfin une nouvelle infirmière vient me chercher, elle se présente, elle commence à m'expliquer les fils, les sondes, les pousses seringues, la perf... J'observe le scope, la fréquence cardiaque, la sat, la tension... tous ces chiffres qui me parlent... si j'avais su que cela serait mon, notre quotidien à nous trois pendant plus de 4 semaines..., cette machine prend la place de notre fille, elle nous relie à la réalité.

La maman est hospitalisée en gynécologie, loin de la réa. Quelques heures après on demande à l'infirmière si la maman peut aller en réa pour rencontrer notre fille. «Oui mais il faut un fauteuil roulant.» Me voilà parti à la recherche de celui-ci. J'arpente les couloirs de l'hôpital pendant presque 1 heure puis trouve le saint-graal. Je fonce en gynécologie, j'aide ma femme à s'asseoir puis nous nous rendons à la réa.

Sur place, l'IDE propose à la maman le peau à peau. Ma femme refuse suite au choc subi, notre fille est trop petite, trop fragile, trop de fils... J'accepte, puis la maman rassurée la prend en peau à peau également à son tour.

Il y a encore 24 heures, je quittais mon travail précipitamment, jetais trois affaires dans un sac, ne sachant pas à quoi m'attendre. Je me retrouve maintenant loin de chez moi avec une liste de choses à faire: prendre un RDV pour déclarer la naissance, commander un tire-lait à la pharmacie, rapporter diverses choses à ma compagne, organiser la garde de nos 4 ainés, ...

Lors d'une naissance, on demande des nouvelles du bébé, souvent des nouvelles de la maman, mais rarement du papa. Une naissance prématurée est traumatisante pour le papa également. Nous n'avons pas le droit de flancher.

Ce billet est également publié sur Le Blog de Carla.

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