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J'ai testé un des pires sites de rencontres

Derrière le marketing bien agencé de ces sites, la réalité est toute autre. Prenant mon courage et mon clavier à deux mains, je décide de m'inscrire sur ce que je considère être un des pires sites existants...
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Ce billet a également été publié sur le site friponfriponne.com

Le célibat, cette merveilleuse aventure. Plus de temps pour ses amis, pour créer, pour se ressourcer, savoir qui on est et où on veut aller. Mais aussi: le célibat, cette situation pourrite. Plus de sorties, plus de rencontres avec des mecs maqués mais "tu-comprends-avec-ma-meuf-c'est-compliqué-en-ce-moment", plus de frustration sexuelle, plus de dimanche en nuisette (ou pyjama, au choix) à regarder six épisodes de Oz à la suite. En mangeant du muesli. Je ne vais pas faire ma Bridget Jones, et vous lister jour par jour les déconvenues d'une célibataire trentenaire parisienne. Je vais vous parler d'un livre merveilleux d'humour et d'information, misere-sexuelle.com, Le livre noir des sites de rencontres, de Stéphane Rose, sorti à la Musardine il y a quelques semaines. Stéphane Rose nous avait déjà donné beaucoup de plaisir, avec Défense du poil, son pamphlet anti-épilation intégrale définitive et pro-diversité pubienne. Il nous régale cette fois-ci avec une enquête sur les sites de rencontres.

Je ne suis jamais allée sur un site de rencontre de ma vie. Je n'ai rien contre a priori, mais l'idée de remplir une fiche me décrivant en quatre lignes, et de rentrer des critères pour l'homme rêvé m'a toujours rebuté. Si j'avais dû rentrer des critères, je n'aurais jamais rencontré les hommes que j'ai aimés. Je n'aurais jamais tapé "divorcé avec enfants en bas âge", "homme vivant à 500km", ou encore "barbu légèrement obsédé". Je ne suis pas folle, vous savez. Et pourtant ces histoires ont été merveilleuses.

Je découvre donc avec misere-sexuelle.com ce fabuleux monde. Fabuleux au sens éthologique et sociologique. Comme cela est décrit dans cet article du Huffington Post, Stéphane Rose y analyse les différents profils de personnes connectées, les différents sites, les différentes névroses liées à leur usage. Sans juger personne (lui-même avoue avoir été un fervent consommateur), il décortique tout cela avec drôlerie et empathie. "Ils m'ont tour à tour promis l'amour ou le plan cul du siècle, voici ce que j'y ai trouvé", annonce-t-il dans sa préface. Et ce qu'il a trouvé, c'est du cynisme 2.0, une consommation névrotique et narcissique des relations humaines, beaucoup de fautes d'orthographe, et une montée des sites communautaires. Il y a un site pour tous les goûts: pour les gens qui mangent bio (amours-bio.com), pour les gens beaux et friqués (attrativeworld.com) et même pour les gays de droite (droiterencontre.com). "Un handicapé noir musulman de droite doit-il s'inscrire sur Handivox ? Miss Ebene ? Mektoub ? Droite Rencontre ?" s'interroge l'auteur. En ce moment dans le métro, les Parisiens ont la chance d'avoir sous leurs yeux, en quatre par trois, la campagne de Gleeden, le site de rencontre extra-conjugale pour femmes. Quel cynisme. L'infidélité n'a pas attendu internet pour exister, et je ne prône pas du tout la fidélité pour des questions morales, mais faire passer l'infidélité pour un truc cool, branché et source totale d'épanouissement personnel, un truc de "girl power", tout cela pour faire payer une blinde les consommateurs et consommatrices (oui, les sites de rencontre coûtent cher), cela dépasse mon entendement. C'est nier et profiter de la misère affective, pas seulement sexuelle, de nombreuses personnes dans notre société contemporaine. Et quand cette misère affective et sexuelle est au sein du couple, et bien non, ce n'est pas "cool". C'est triste. Réac moi ? Non je ne crois. Eternelle romantique peut-être, et sûrement éternelle optimiste sur la possible re-érotisation et re-découverte de l'autre au sein du couple.

Derrière le marketing bien agencé de ces sites, la réalité est toute autre. Prenant mon courage et mon clavier à deux mains, je décide de m'inscrire sur ce que je considère être un des pires sites existants : Sugardaddy.fr.

Un sugardaddy (papa gâteau), pour ceux qui ne le savent pas, est un homme généralement vieux et riche, qui cherche une femme généralement jeune, belle et pauvre. Leur promesse, sur leur site, est claire :

"Vous êtes un homme à l'aise dans la vie ? Vous êtes quelqu'un d'occupé et aimez les jeunes femmes attirantes et ambitieuses ? Vous êtes une jeune femme qui veut se faire dorloter ? Vous cherchez un partenaire mûr et élégant qui vous gâte ?".

Voilà. On ne peut être plus clair. J'aime bien leur notion, très 1950, de l'ambition féminine... Je me connecte donc, en décidant de me présenter sous mon vrai profil. Je n'ai pas 22 ans, ne fais pas 1m80, et ne suis pas attirée par les papys riches, mais bon, je veux savoir qui sont les gens qui vont sur un site aussi clairement, pour le coup, réactionnaire.

Première étape : créer son profil. "Rédigez un texte vous décrivant au mieux". En quatre lignes donc. Question d'après : ma taille mon poids ma silhouette. Hum, je devais m'y attendre, on n'allait pas me demander si j'aimais le cinéma de David Lynch (pour info je n'aime pas) et les romans de Jeffrey Eugenides (pour info j'adore). Je ne me suis pas pesée depuis des mois, donc bon, pifomètre. Plus loin : Cigarette. Au choix, "je ne fume pas", "je fume de temps en temps", "je fume trop". Je décide de dire la vérité : "je fume trop." Tant pis si cela rebute le papy friqué control freak, il me paiera une cure de désintox à Los Angeles, mince alors. "Alcool". Là, je mens : "je bois de temps en temps". Au bout de plusieurs questions, je suis saoulée. Meilleure nourriture, meilleure série... Pour meilleur site web, j'écris : "Le Huffington Post", car je suis une lèche-cul. En parlant de cul, très peu de choses sur l'intimité, les fantasmes, ou les envies des uns et des autres. Ce sont des questions d'agence matrimoniale, alors qu'en bannière du site apparaissent des messages de membres (ou faux membres, qui sait) très racoleurs: "envie d'une soirée cokine ce soir", "quel suggardaddy m'offre le resto et plus si affinité ?". Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout et demander quel endroit du corps vous préférez embrasser, quelle musique vous donne envie de, qu'est-ce que vous aimez manger avant et après l'amour, quel est votre tag porno préféré, quel dirty word vous excite, quelle position vous donne le plus de plaisir, quel est votre premier émoi érotique, celui qui vous émeut encore 20 après, etc. Ce serait plus sympa et plus révélateur que "série préférée".

Je choisis de mettre une photo, assez classique, mais je comprends vite, à coup de pop-ups, que pour qu'elle soit visible, je dois payer. Je pars voir les profils des hommes : plusieurs n'ont pas mis de photos. Soit ils sont moches, soit ils sont radins. De mauvais augure pour un suggar daddy. En parcourant les photos, je reconnais quelqu'un. Oups. Je ne sais plus d'où. Quelqu'un croisé à une soirée à Pigalle ? Un client de mon ex agence de communication ? J'ai envie de balancer la photo à des potes, pour leur demander, mais je me dis que ce n'est pas très très sympa.

Je découvre l'option "offrir un cadeau"! Ah ben enfin, parlons sérieusement. Je me fous du luxe mais aime quand même bien les escarpins et les bas en soie Cervin. Je clique dessus. Déception. Les cadeaux, ce sont des émoticônes.

Super cadeaux...

Super, je vais recevoir un nounours... Sur mon profil, je peux suivre ma "popularité ces 30 derniers jours ". Retour au collège. Sauf qu'au collège, il n'y avait pas de Jean-Michel, 47 ans, commercial, qui aimait, en nourriture, "la quiche", et en série "l'Agence tout risque". Une heure après mon inscription, premier message. Je regarde le profil de "sexyman58", très premier degré. À "personne qu'il aime", il a écrit Silvio Berlusconi. Ah oui quand même. C'est du lourd. Deux heures après, "machinbeaubrun vous a envoyé un kiss" ! Cela me fait une belle jambe. Je lui renvoie quoi, moi, un "high five"?

Sur mon profil, j'ai indiqué, pour déconner (même si c'est vrai) que je collectionnais les boules à neiges. Je reçois un message d'un homme, qui me dit, très sérieusement, que cela l'a touché, car lui collectionne les allumettes. Je lui réponds : "Oh comme dans Le Diner de cons"? Il me répond qu'il n'a pas vu le film. Ah zut, on avait commencé une vraie relation là, on avait un truc en commun.

Je reçois d'autres "kisses" et "messages" les jours suivants. Marrant, aucune personne sur ce site ne correspond au profil "Vous êtes un homme à l'aise dans la vie etc." Il y a plein de mecs de 25 à 35 ans qui sont aussi l'aise dans la vie que moi dans mes baskets quand je porte un jean slim et des ballerines. Il y a en bien un ou deux qui se la pètent, comme celui-ci dans "objet préféré", qui indique : "mon yacht de 25m". Oh mon dieu, c'est tellement sexy. Quelque part je suis assez rassurée, que ce machin de sugardaddy ne soit qu'une façade, qui reflète un site de rencontres lambda, avec sa dose de gens normaux et de tarés.

A propos de taré, je tombe sur un qui en tient une couche: "depuis le décès de notre maman à 91 ans, je suis curateur de mon petit frère de 60 ans... bientôt, et encore puceau ! Propriétaire d'une partie de pavillon, possibilité de pique-niquer seule ou en couple de filles. Assumez vos fantasmes en tenue de bonne, pour 1 heure de ménage". Ben ouais mec, tu me fais rêver, je vais aller dans ton pavillon, avec une copine, on va débarquer en petites culottes, dépuceler ton frère et faire le ménage gratos.

Aaaaah. Autant le livre de Stéphane Rose m'a valu de nombreux fous rires, autant là je sens que ce site va très vite m'attrister. Cela tombe bien, trois jours plus tard, je reçois un mail du site, m'indiquant que mon abonnement s'est arrêté. Car en tant que jeune et jolie femme pauvre, je n'ai pris qu'un abonnement à 5€. Mal foutu, leur truc. Je serais eux, pour aller jusqu'au bout, je ferais en sorte que ce soit Jean-Michel qui me pait mon abonnement. Mais peut-être que celui-ci est trop occupé à faire des quiches. Tant pis, je vais retourner dans la vraie vie. Celle où on ne me demande pas de résumer ma vie en quatre lignes.

Chers fripons, chères friponnes, restez tout de même connectés. La rencontre artistique, et érotique, est partout, dans la vie réelle. Oui, je fais du teasing, moi aussi je sais faire du marketing.

Le solitaire invétéré

Les profils qu'on trouve sur les sites de rencontre

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