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François Legault et la politique du faire-semblant

Dessine-moi une chose et son contraire.
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La Presse canadienne

Enfants, on faisait semblant d'être un Indien mort, ce qui nous permettait d'échapper au cowboy qui autrement nous aurait tirés dessus. On «fakait». Ou alors on criait de douleur à s'en fendre l'âme en jouant à la lutte comme on le voyait à la télé. Certaines fois, notre compagnon de jeu inquiet demandait: «Tu "fakes" ou ça fait mal pour vrai?». Toute la ruse reposait alors à jurer que ça faisait «mal pour vrai» pour que l'autre relâche sa prise et qu'on lui saute dessus. C'est à ces jeux de «fake», faire-semblant que me fait penser François Legault.

Il y a à peine trois semaines, le PDG de la CAQ affirmait que son gouvernement expulserait les immigrants qui ne réussiraient pas son test de français ou encore son test des valeurs. En même temps, il refusait de publier, ne serait-ce qu'un exemple de ces tests: «on verra une fois élu». Et il beurrait épais tout cela d'une rhétorique de bon mononcle de famille qui expliquait que ces mesures étaient nécessaires si on voulait favoriser une meilleure intégration des immigrants. Cette intégration allait se faire même si on devait briser des familles dont un des membres serait expulsé pour incompétence de valeurs: pas de problème, disait son non verbal de joueur de poker.

Cette intégration allait se faire même si on devait briser des familles dont un des membres serait expulsé pour incompétence de valeurs: pas de problème, disait son non verbal de joueur de poker.

Mais voilà que s'élevèrent de partout des voix dénonçant ces mesures soit pour des raisons de manquement démocratique, de manquement éthique, ou carrément légales. En court, ces critiques font valoir que l'on ne peut demander aux électeurs de voter pour une mesure qui met littéralement en jeu l'avenir de milliers de personnes sans que l'on en connaisse les tenants et aboutissants: le type d'examen ou de test, la validité conceptuelle et la robustesse statistique de ces tests, le type de questions, les conditions de passation, la note de passage requise pour éviter l'expulsion, les versions adultes vs enfants, etc. Au niveau moral, placer ces personnes dans une zone d'incertitude, les laisser s'installer en terre québécoise et y développer des amitiés, des amours, une vie familiale, y occuper un emploi ou y faire des études pour ensuite leur montrer la porte faute de passer un test tient de la cruauté que seuls des pays glauques peuvent imaginer. Et puis, petit détail constitutionnel, François Legault avait oublié que seul son Canada-de-la-péréquation-honnie peut expulser des immigrants.

Que fait alors François Legault? Il affirme qu'il ne bronchera pas. Jamais. Mais du même souffle il ajoute: «Une personne peut apprendre les cinq, les 10, 15 valeurs par coeur même si elle n'y croit pas» et quelques nanosecondes plus tard: «...il y a quand même un certain engagement qui est pris de la part du nouvel arrivant». Essayez de comprendre: on peut seulement faire semblant d'y croire et en même temps avoir un certain engagement. Dessine-moi une chose et son contraire.

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Même pirouette pour son test de français: «... en pratique, ce qui va être difficile, c'est de réussir le test de français», mais « près de 100% (on se demande ici comment ce comptable est arrivé à ce chiffre) des Québécois de langue maternelle française, y compris la vaste majorité des analphabètes (niveaux -1 et 1 de littératie) qui forment près de 20% de la population québécoise, réussiraient l'évaluation des compétences linguistiques destinée aux nouveaux arrivants, qui se trouve dans les cartons de la CAQ». Autrement dit, alors que la CAQ affirmait que le test n'était pas prêt, François Legault affirme l'avoir dans ses cartons. Qui plus est, ce ne sera après tout qu'un semblant de test, un «fake» que même les plus analphabètes d'entre nous pourraient réussir.

C'est la politique du «fake» à son meilleur.

D'un côté, on dit que l'on va être à ce point sévère avec les nouveaux arrivants que l'on ne va pas hésiter à les déporter s'ils échouent à un test de français ou de valeurs. Cela renforce la base politique de la CAQ. Mais, si par mégarde on a poussé le bouchon trop loin, on ajoute que de toute façon, ce se seront pas de vrais tests, que ce sont des tests bidons que la CAQ n'a pas, mais a, dans ses cartons. On va seulement faire-semblant. Cela sert à calmer le jeu.

À la fin, on ne sait plus ce que va vraiment faire la CAQ, sauf qu'elle pourrait faire quelque chose ou faire semblant de le faire en faisant semblant de croire que le «fake» c'est vrai, mais pas vraiment. Clair non?

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