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Burn-out aggravé chez les travailleurs sociaux: l'effet Barrette

La réforme échevelée, centralisatrice et abusive de ce politicien imbu de pouvoir aura conduit à une désorganisation des services sociaux dont les intervenants, gestionnaires et enfants confiés aux services de protection de la jeunesse auront peine à se remettre.
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Dans un article paru sous la plume de Marie-Lise Rousseau dans Le Devoir du 13 février, on nous apprend que les travailleuses sociales sont au bout du rouleau.

Je connais bien l'univers de ces professionnelles que j'ai fréquentées à de multiples reprises alors que, chercheur à l'UQAM, je dirigeais un programme de recherche portant sur la maltraitance envers les enfants. On leur demande de régler tout ce qui dans la vie des familles et de leurs enfants n'a pas été réglé avant leur intervention. Autrement dit, leur mission est de résoudre l'ensemble de ce que les autres institutions, les organismes, les services n'ont pas réussi à régler avant eux et avant qu'un enfant ou un jeune ne soit signalé aux services de protection.

Ces professionnels, femmes et hommes souvent jeunes, interviennent dans un contexte d'autorité qui les oblige, sous peine de sanction professionnelle, à évaluer rapidement les plaintes et à faire des recommandations dans le but de protéger les enfants. De ce fait, ils sont souvent craints et méprisés par les familles qui font l'objet de signalement. Ils sont fréquemment pointés du doigt dans les médias ou parce qu'ils en font trop ou parce qu'ils n'en font pas assez et doivent assumer personnellement des risques très importants. Sans compter le temps, l'énergie et l'espoir souvent déçu lorsqu'ils doivent comparaitre en Cour dans un système juridique qui louvoie constamment entre la protection de l'enfant et les droits parentaux.

Ils sont fréquemment pointés du doigt dans les médias ou parce qu'ils en font trop ou parce qu'ils n'en font pas assez et doivent assumer personnellement des risques très importants.

Au début des années 2000, un doctorant de l'UQAM, Christian Dagenais, s'est intéressé à la question suivante: de quelle crise parle-t-on lorsqu'on affirme que les travailleurs sociaux interviennent dans des situations de crise? Il a posé la question à des groupes d'intervenants en protection de la jeunesse à partir d'une technique qui permet de dessiner des cartes représentant les enjeux nommés par les participants à la manière de cartes géographiques à reliefs.

Le contenu de ces cartes nous a jeté par terre: c'est le stress vécu par les travailleurs sociaux qui définissait le plus lourdement ce que c'était que d'intervenir dans une situation de crise. Cela allait de l'anxiété ou de l'insécurité des intervenants face aux parents, au sentiment d'impuissance ressenti devant la situation, en passant par la pression à agir vite, coincés entre la pression d'efficience administrative et celle de protéger les enfants signalés, souvent sans les ressources nécessaires. Ils disaient se sentir seuls, en manque d'appui des autres établissements, confrontés de surcroit à des milieux familiaux peu coopératifs et souvent rebelles.

Et pendant que durant la journée vous tentez de régler un cas de votre mieux, 250 autres sont signalés à la Protection de la jeunesse. Un bon 35% à 40% de ces signalements seront assez substantiel pour qu'on les retienne pour examen plus approfondi. Et ce volume, largement alimenté par les intervenants sociaux de première ligne eux-mêmes débordés, ne cesse de croitre d'année en année sans que les intervenants de la Protection de la jeunesse puissent y faire quoi que ce soit. Belle recette pour un burn-out.

Et puis, comme si cela n'était pas assez, voilà que le désormais ministre-dont-la réforme-est-terminée en remet.

Le grand public est de plus en plus, et de mieux en mieux, informé des méfaits de la réforme de ce ministre plénipotentiaire sur le personnel paramédical et médical. On commence désormais à découvrir les effets désastreux de sa vindicte mégalo-centralisatrice sur le personnel des services sociaux.

On commence désormais à découvrir les effets désastreux de sa vindicte mégalo-centralisatrice sur le personnel des services sociaux.

Multiplication des mandats, réduction massive du personnel des gestionnaires comme s'ils n'étaient bons qu'à changer les piles de dossiers de place dans le mépris de leur rôle de soutien clinique, permutation de postes chez les gestionnaires restant à la va-vite et à la sauve-qui-peut, beau programme de réforme que celui-là. Conséquence: des intervenants plus que jamais laissés à eux-mêmes qui croulent sous les demandes pressantes et le manque de soutien. Ajoutez à cela la disette financière mortelle imposée à l'Association des Centres jeunesse du Québec maintenant disparue, et vous avez une communauté d'intervenants désormais anomique, privée d'un accès essentiel et organisé aux pratiques innovantes et inspirantes de leurs collègues.

La réforme échevelée, centralisatrice et abusive de ce politicien imbu de pouvoir aura conduit à une désorganisation des services sociaux dont les intervenants, gestionnaires et enfants confiés aux services de protection de la jeunesse auront peine à se remettre.

Avril 2018

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