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Comment Obama peut redonner de l'espoir

La campagne présidentielle manque cruellement d'idées nouvelles. Les candidats n'ont fait que remâcher les mêmes discours fatigués, ne donnant aucun sentiment d'engagement. Les choses pourraient changer si le Président Obama considérait avec un peu plus de sérieux son discours d'acceptation à la convention et plaçait enfin "une chose qu'on nomme la citoyenneté" au cœur de sa campagne.
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La campagne présidentielle manque cruellement d'idées nouvelles. Les candidats n'ont fait que remâcher les mêmes discours fatigués, ne donnant aucun sentiment d'engagement.

Les choses pourraient changer si le Président Obama considérait avec un peu plus de sérieux son discours d'acceptation à la convention et plaçait enfin "une chose qu'on nomme la citoyenneté" au cœur de sa campagne. La citoyenneté, a-t-il alors expliqué, est "un mot au cœur de nos fondations, l'essence même de notre démocratie".

Mais quand nous passons du discours à la réalité, les institutions qui ont abrité la citoyenneté américaine sont déjà mortes ou en train de mourir. Le Vietnam a tué le service militaire ; la participation des gens à des jurys civils est rare ; l'école publique est attaquée de toute part. Pour beaucoup de gens, l'acte civil le plus significatif est le moment où ils montrent leur passeport à la frontière pour pouvoir entrer de nouveau dans le pays. Une fois qu'ils sont revenus à la maison, il leur est tout à fait possible de vivre sans avoir à gérer les autres comme des citoyens - des collègues ou des professionnels, d'accord ; des gens avec qui vous partagez une croyance, d'accord ; mais des citoyens réfléchissant ensemble à notre situation difficile en tant qu'Américains ?

Si le Président est sérieux par rapport à la citoyenneté, il doit mettre en place une nouvelle réforme de son agenda, pour maintenir l'esprit démocratique au 21ème siècle.

Commençons par le problème de l'argent dans la politique. Avec l'arrivée des super PAC, nous n'essayons même plus de cacher notre ploutocratie émergente sous une apparence démocratique.

Pour réformer le système, nous avons besoin d'idées nouvelles : donnez à chaque électeur une carte de crédit spéciale contenant 50 dollars qu'ils peuvent dépenser seulement dans les campagnes d'élections fédérales. Ils peuvent dépenser leurs "dollars patriotes" en les envoyant aux candidats et aux organisations politiques via un site internet sécurisé, dirigé par la Commission des élections fédérales.

Plus de 130 millions d'Américains ont été voter en 2008. S'ils avaient aussi dépensé des dollars patriotes subventionnés par le gouvernement, leurs dons auraient largement dilué le pouvoir des 3 milliards de dollars dépensés par tous les candidats fédéraux lors des dernières élections - une somme certaine d'augmenter massivement cette année.

Ce programme réanimerait la politique de la citoyenneté au quotidien. Les collectes de fonds deviendraient une affaire de communauté - un déjeuner pour 100 personnes pourrait ainsi générer 5 000 dollars de dons ! Ces efforts de sensibilisation provoqueraient des centaines de millions de discussions. Qui devrait avoir l'argent ? Lequel est un charlatan et lequel se fait vraiment du souci pour le pays ?

Mon livre Voting with Dollars, écrit avec Ian Ayres, donne les détails de tout ce plan, mais dans le but actuel, je voudrais insister sur une grosse limitation de notre proposition. Une fois que les citoyens auront transmis leur "argent patriote" les candidats continueront de dépenser cet argent à coup de slogans à effet sur des questions brûlantes. Les finances patriotes faciliteront la circulation de ces slogans, en insistant sur des thèmes de grande inquiétude pour les citoyens ordinaires. Mais nous vivrions alors toujours dans une démocratie de petites phrases et cela ne suffit pas.

Le prochain défi sera de fournir aux citoyens les outils dont ils ont besoin pour aller au delà des campagnes médiatiques. Un exemple modèle est le jury : douze hommes et femmes arrivent ne sachant rien, mais ils apprennent beaucoup au cours du procès. Après avoir entendu les arguments des deux parties, et en avoir débattu ensemble, ils en ressortent souvent - voire invariablement - avec des conclusions parfaitement censées.

La tâche ici serait de créer un fonctionnement similaire en politique. En travaillant avec mon ami Jim Fishkin, professeur de sciences politiques à Stanford, nous sommes parvenus avec un plan pratique basé sur une nouvelle technique, le Deliberative Polling. Celle-ci a été testée dans 70 endroits à travers le monde, de l'Australie à la Bulgarie, de la Chine au Danemark, et d'Austin à Philadelphie.

Chaque étude a invité un échantillon scientifiquement choisi de citoyens à passer un week-end ensemble pour débattre d'une question politique essentielle. Avant d'arriver, les participants répondent à un questionnaire standard qui délimite leurs connaissances et leurs positions sur ce sujet. Ils répondent ensuite au même questionnaire une fois qu'ils ont achevé leurs délibérations.

En comparant les réponses avant et après, Fishkin et son équipe de chercheurs, ont remarqué que les participants avaient ainsi gagné une bien meilleure connaissance du sujet, changeant même d'opinion en cours de route. Avoir 5 à 10 % de personnes ayant changé d'avis étaient courant. Tout aussi important, les participants sortaient de cette expérience en ayant bien plus confiance en leurs capacités citoyennes.

Ces expériences soutiendront ensuite une seconde étape dans le nouvel agenda citoyen. Notre livre, Deliberation Day, prône la création rapide d'une nouvelle fête nationale, deux semaines avant les élections nationales. Les affaires cesseront un temps, et les citoyens se réuniront pour discuter des questions majeures soulevées par les candidats leaders aux présidentielles ou au Congrès. Personne ne sera obligé de s'y rendre mais, comme lorsqu'on est convoqué pour faire partie d'un jury civil, les participants recevront une dispense de travail pour ce jour d'acte citoyen.

Le jour des délibérations commencera par un débat télévisé retransmis nationalement entre les deux candidats, qui discuteront traditionnellement des sujets principaux. Puis les citoyens débattront à leur tour par petits groupes de 15 personnes, et plus tard lors d'assemblées plénières. Les petits groupes reprendront là où le débat télévisé s'est achevé, disposant d'une heure pour définir les questions laissées sans réponses par les candidats. Tout le monde se réunira ensuite en une assemblée de 500 citoyens pour entendre des représentants locaux des partis majoritaires répondre à ces questions.

Après le déjeuner, les participants répèteront la procédure du matin. A la fin de la journée, ils auront été au delà du didactisme du débat télévisé des candidats, s'appropriant des sujets et des choix auxquels est confrontée la nation. Les discussions commencés le jour des délibérations se poursuivront dans la dernière ligne droite jusqu'au jour des élections, attirant des dizaines de millions d'Américains dans un dialogue national toujours plus intense.

Si le jour des délibérations réussit, la démocratie des petites phrases s'arrêtera. Les candidats auront des motivations puissantes pour créer des "publi-reportages" plus substantiels. Les journaux télévisés feront largement écho aux sondages à la sortie des urnes montrant comment le jour des délibérations a influé sur les préférences de vote - donnant le ton à la campagne jusqu'au jour des élections. Il y aura toujours de la place pour la personnalité des candidats, mais le nouveau système recentrera l'attention là où elle devrait être : sur les questions déterminantes pour le futur de l'Amérique.

L'impact du jour des délibérations sera encore plus grand s'il est combiné avec les dollars patriotes. Les deux réformes mises ensemble permettront aux électeurs de considérer plus sérieusement leur devoir de citoyens dés le début de la campagne. Les candidats entreront davantage en contact avec eux, ne serait-ce que pour solliciter leurs dollars patriotes. A mesure que le jour des délibérations approchera, les candidats utiliseront leur argent pour des publi-reportages plus longs, pour permettre à leurs partisans de défendre leur cause intelligemment auprès des citoyens. Et le jour des élections, les électeurs iront aux scrutins avec une bien meilleure idée des enjeux.

Ma prochaine proposition, élaborée avec Ian Ayres, poursuit l'agenda citoyen au-delà des élections, vers le débat politique actuel. En dépit de la vitalité de la blogosphère, la dure vérité est que le web est en train de détruire le vrai journalisme. En détruisant le modèle traditionnel des journaux papiers, l'Internet génère des coupes dévastatrices dans les entreprises de presse, tant au niveau des états, qu'au niveau national et international.

On ne doit pas attendre de la blogosphère qu'elle prenne le relais. Le grand reportage n'est pas à la portée du premier venu. Cela demande de l'expérience, des contacts et des dépenses. Cela demande aussi des journalistes ayant une maîtrise affûtée de l'écriture à destination du pour le grand public, et des rédacteurs qui savent reconnaître le besoin de maintenir une crédibilité à long terme pour leur journaux. Sans un nouveau modèle pour le journalisme, l'Internet va dégénérer dans un cauchemar post-moderne, avec des millions de discours creux, sans égard pour la vérité des faits.

C'est là qu'intervient le système de bons d'informations du citoyen. Dans ce scénario, les internautes font un clic d'appréciation chaque fois qu'ils lisent un article contribuant à une meilleure compréhension de la politique. Ces "votes" de lecteurs sont ensuite transmis à un Centre national de fonds pour le journalisme, qui compenserait l'entreprise d'informations à l'origine de l'article selon un simple calcul : plus de clics égalent un plus gros chèque venant du Centre.

Quelques restrictions de base seront cependant appliquées. La plus importante : le gouvernement ne participera pas aux subventions pour des diffamations. Le Centre de fonds n'enregistrera que de nouvelles organisations prêtes à souscrire une assurance anti-diffamation, indemnisant les gens dont la réputation aura été injustement mise à mal par des reportages mensongers. Les journalistes devront donc s'engager à faire de sérieuses vérifications d'informations.

Le Centre de fonds devra s'assurer que le citoyen souhaitant apporter son soutien à un article est bien une personne réelle, et non pas un programme d'ordinateur créer pour gonfler les statistiques de l'article. Il devra donc passer quelques secondes à taper des mots ou syllabes aléatoires. Même si ce temps peut paraître sans importance, il servira à faire la différence entre les citoyens et les cyniques. Après tout, le lecteur ne recevra aucune récompense pour "perdre" son temps, jour après jour, à faire des clics pour des articles méritant un soutien public. Il participera seulement si, en tant que bon citoyen, il souhaite passer du temps au vaste projet de créer un dialogue public animé.

Si vous souhaitez en savoir plus, consultez mon livre, Decline and Fall of the American Republic. Le point essentiel est de voir comment cette initiative vient compléter l'agenda citoyen mis en place par les autres livres, Voting with Dollars and Deliberation Day. Comme les dollars patriotes, le système de bons permet de décentraliser le soutien des citoyens engagés. Comme le jour des délibérations, il permet de mettre en place un contexte crédible pour exercer sa citoyenneté, mais cette fois, sur une base quotidienne.

Nul besoin d'exagérer. Je ne suis pas en train de faire renaître une version mythique de l'Athènes de Périclès. Je ne suis pas en train de demander aux Américains d'aujourd'hui d'enfiler des toges. Je leur demande juste d'envoyer des dollars patriotes à une commission électorale et des clics pour des articles à une fondation du journalisme, et aussi de parler à leurs voisins dans des centres communautaires locaux - ce tout en passant le plus clair de leur temps à gagner leur vie et à mener une vie personnelle épanouissante. Je ne réclame pas "le meilleur des mondes", mais une Amérique où les mots courageux du Président Obama ont une signification réelle.

Même avec les mille milliards de déficits actuels, nous pouvons nous permettre d'investir dans la citoyenneté. Les dollars patriotes devraient coûter environ 7 milliards de dollars durant les élections présidentielles, 3 milliards durant les élections du Congrès. Si 50 à 70 millions d'Américains se présentent le jour des délibérations, cela coûtera encore 2 milliards pour organiser la dizaine de milliers de centres communautaires pour tout le pays. Le Centre national de fonds pour le journalisme aurait un grand impact if si les clics des citoyens pouvaient amener 1 milliard de dollars par an aux sites journalistiques. Ramenés à une base annuelle, tout cela ajouterait un peu moins 5 milliards aux dépenses, un prix peu élevé pour maintenir la démocratie au 21ème siècle.

Si le Président prend ses mots au sérieux, de nombreux républicains pourraient répondre favorablement à sa demande. Même dans ces temps partisans, un agenda citoyen pourrait servir à réunir tous les Américains.

Bruce Ackerman est un "Sterling Professor" en droit et sciences politiques à Yale.

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