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Je ne suis pas enceinte, c'est mon ventre, voilà tout

«C'est pour quand?» J'ai mis un moment à comprendre ce qu'il voulait dire. Il pensait que j'étais enceinte. Ce qui n'était pas le cas. Je me suis redressée et j'ai rentré mon ventre. L'homme venait de se mettre un pied bien bronzé dans la bouche.
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C'était la dernière journée complète de vacances que nous passions sur la côte du New Jersey, des vacances durant lesquelles je me suis permis moult beignets bien chauds et frites fraîches à plus d'une occasion. Mon amoureux et moi avons décidé d'aller faire un tour du côté de Cape May. Pour l'occasion, j'ai porté une robe rayée blanche et grise moulante comme un gant de latex.

Tandis que j'attendais ma commande dans un café du coin, j'ai croisé un homme d'environ 40 ans qui m'a regardée et qui m'a souri.

«Vous êtes magnifique», m'a-t-il dit, ses dents encore plus blanches du fait qu'il était incroyablement bronzé.

«Merci», lui ai-je répondu, appuyée sur le comptoir d'une manière plutôt nonchalante, vous savez, ce genre de posture qui fait ressortir votre ventre?

«C'est pour quand?», a-t-il demandé.

«C'est pour quand quoi?», rétorquai-je.

J'ai mis un moment à comprendre ce qu'il voulait dire. Il pensait que j'étais enceinte. Ce qui n'était pas le cas. Je me suis redressée et j'ai rentré mon ventre. L'homme venait de se mettre un pied bien bronzé dans la bouche. Mon amoureux m'a lancé un regard qui voulait dire «Oh! merde...» et est resté coi. Il n'est pas bête.

J'ai quitté le café remplie d'émotions de toutes sortes (toutes provoquées par mon égo). J'étais confuse. J'enseigne le yoga depuis 12 ans, je bois un smoothie vert tous les jours et j'ai le métabolisme d'un cheval de course.

Et, à ce point-ci de mon billet, vous avez envie d'arrêter votre lecture, car vous n'avez pas envie de lire un autre billet de blogue écrit par une femme en pleine forme qui se plaint d'être trop ronde. Je vous rassure: ce n'est pas le cas ici. Vous pouvez poursuivre votre lecture.

Ensuite, je me suis sentie irritée par cet homme ridicule qui semblait vouloir gâcher ma journée avec son commentaire déplacé. Pourtant, j'étais aussi consciente qu'il ne pouvait gâcher ma journée que si je le lui permettais.

Puis, je me suis sentie inquiète. Cela m'a surpris parce que j'ai toujours aimé mon corps. J'ai pris des courbes avec l'âge et il m'est arrivé de me sentir un peu inquiète à ce sujet, mais je n'ai jamais souffert de mon apparence - et je suis consciente que c'est quelque chose d'assez rare. Pourtant, pour la première fois en 34 ans, j'ai attaché ma veste autour de ma taille pour cacher ce ventre qu'un seul homme avait cru être celui d'une femme enceinte.

C'est alors que j'ai réalisé un truc: ma confiance en image corporelle dépendait de sa validation par la société. Je me sentais bien dans ma peau parce que, pendant toutes ces années, je correspondais à un stéréotype. Hommes et femmes validaient mon corps et je n'y voyais que du feu. Conséquemment, même si j'étais confiante, cette confiance ne reposait que sur des facteurs externes, et, croyez-moi, ce genre de confiance est fourbe. Dès lors qu'un changement se produit, ce qui arrive invariablement, celle-ci s'écroule parce qu'elle n'a jamais été réelle. La vraie confiance vient de l'intérieur.

Et puis d'abord, d'où vient donc ce diktat du ventre plat? Fut un temps, il n'y a pas si longtemps, où l'on célébrait les femmes voluptueuses et c'est encore le cas dans de nombreuses régions du monde. En Occident, toutefois, le ventre plat règne en roi et maître. Depuis des années, j'ai croisé un grand nombre de femmes aux courbes magnifiques engoncées dans des Spanks afin de cacher cette si précieuse partie d'elles-mêmes: leur ventre.

Non seulement est-ce inconfortable, mais cela restreint gravement notre énergie. Lors d'un séjour de 6 semaines en Inde, on m'a enseigné à ne jamais dormir avec une bande élastique autour de ma taille afin que mon énergie puisse circuler librement. L'énergie de cette partie de notre corps agit sur notre sexualité, sur l'argent, le plaisir et notre capacité à nous adapter. Chez les femmes, cette partie de notre corps est le lieu sacré où nous donnons la vie et, pourtant, nous avons été conditionnées non seulement à la couvrir, mais à la suffoquer.

Je n'ai aucune objection à vouloir se mettre en forme et perdre un peu de poids au niveau du ventre, mais je crois aussi qu'il est vital de comprendre le pourquoi. C'est pour cela que le fait d'avoir ressenti toutes ces émotions sans demander la validation de mon amoureux a été très révélateur et libérateur. Je savais que sa validation ne me serait d'aucun secours: nous devons nous valider nous-mêmes. Nous devons accepter notre corps. Nous devons par contre également être honnêtes envers nous-mêmes et avec les autres, tout particulièrement lorsque nous sommes en position de leadership.

En tant qu'enseignante de yoga, je sais que les gens prennent exemple sur moi et mon corps. Or, si je ressens des doutes au sujet de mon corps, mais que je projette une image de confiance, je ne leur rends pas service, car l'impression qu'ils se font n'est pas réaliste. Je suis une personne vers qui les gens se tournent pour les guider, et mon honnêteté est mon plus grand atout à ce chapitre. La plupart d'entre nous sont entourés d'au moins une personne pour qui nous sommes un modèle, que ce soit nos enfants, nos étudiants, nos collègues de travail, nos employés ou nos amis. Je crois qu'il est primordial de réaliser l'image que nous voulons leur donner de nous-mêmes.

À l'heure où nous évoluons dans un monde qui, de plus en plus, nous dicte comment nous devrions nous sentir et comment nous devrions paraître, et qui de surcroît nous impose une vision très stricte de la beauté, il est d'autant plus important pour chacun d'entre nous de nous demander si nous acceptons cette vision. Le temps est venu pour chacun d'entre nous de créer notre propre vision. Dans mon cas, cela commence par dire la vérité, aimer notre corps et ne pas craindre notre ventre. On le constate de plus en plus tandis que de plus en plus de vedettes s'opposent aux retouches photo et que les musiciens composent des chansons sur la redéfinition de ce qu'est la beauté. Nous ne pouvons toutefois pas compter uniquement sur les vedettes. Le changement doit venir de l'intérieur de chacun de nous.

C'est pour cela qu'après quelques grandes respirations, j'ai souri et détaché la veste que j'avais attachée autour de ma taille. J'ai décidé de laisser mon ventre vivre. Je ne me sentais pas totalement en confiance, mais j'ai été honnête envers moi-même, et si vous me posez la question, je vous répondrai que l'honnêteté, c'est vachement sexy.

Ce blogue, publié à l'origine sur Le Huffington Post (États-Unis), a été traduit de l'anglais par Sébastien Chicoine

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