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Lors du référendum en Grande-Bretagne, le pragmatisme l'emportera-t-il sur les passions?

La campagne du référendum aura été violente et passionnelle. Même si l'issue du scrutin reste encore incertaine, lesdonnent les partisans de l'Union, gagnants; leurs probabilités sont montées à 70%.
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La campagne du référendum aura été violente et passionnelle. Même si l'issue du scrutin reste encore incertaine, les bookmakers donnent les partisans de l'Union, gagnants; leurs probabilités sont montées à 70%. Et les marchés financiers se sont beaucoup relevés depuis lundi soir. Les indécis d'hier semblent avoir choisi leur camp et ont déjà fait pencher la balance.

«La raison pour laquelle nous étions si nombreux à ne pas savoir comment voter, expliquait tout récemment le chauffeur d'un taxi (black cab), c'est que nous avons sincèrement l'impression de ne pas avoir été suffisamment informés. La campagne a été violente et on a cherché à nous faire peur de chaque côté, au lieu de nous expliquer le fonctionnement des institutions européennes, auquel nous ne connaissions rien.»

Des Britanniques, nourris par des médias racoleurs et alarmistes

Beaucoup ici critiquent à juste titre la manière dont la presse a relayé la campagne du référendum. Sans parler des tabloïds comme le Sun, ou le Daily Mail, qui ont parfois adopté un ton digne des pires brûlots anti-européens, même le Times n'a pas trouvé bon de dépasser les poncifs et les anecdotes juteuses sur les rivalités entre David Cameron et Boris Johnson. Quand ce ne sont pas les diatribes insultantes, l'ancien maire de Londres a tout récemment osé comparer les objectifs de l'Union européenne à ceux d'Hitler, ce sont des frayeurs que l'on suscite de chaque côté dans les nombreux débats et émissions radio et télévisées. Un téléspectateur a demandé lundi dernier à David Cameron présent sur le plateau d'une émission de BBC1, s'il n'avait pas l'impression d'être un nouveau Neville Chamberlain, l'homme de la paix de Munich en 1938, lorsqu'il s'agissait de négocier avec l'Union (1).

Les partisans de l'Union évoquent toute sorte de conséquences désastreuses, mais aussi parfois assez mesquines: «Comment prendre les infos au sérieux, lorsque l'on entend en boucle qu'en votant pour sortir de l'Union, nous risquons d'avoir 0,2 point de taxes supplémentaires ou que les plus de 60 ans risquent de perdre la gratuité de leurs titres de transport, reprend le chauffeur de taxi. Ce ne sont pas sur ces détails que l'on peut décider si nous devons rester dans l'Europe ou non!»

«Même les journalistes dits sérieux ne sont pas suffisamment entrés dans le vif du sujet, admet Kenneth Clarke, ancien leader du parti conservateur. Il n'y a pas eu d'articles de fond sur la question européenne, sous prétexte que ce sujet est rébarbatif, que cela ne fera pas vendre la presse. Et le septuagénaire d'ajouter en bougonnant: «David (Cameron) n'aurait jamais dû déclencher le référendum. Le public ne le demandait pas. Il pensait apaiser la branche anti-européenne de son parti. Résultat: même si nous l'emportons, il y aura beaucoup d'égos meurtris.» Ce point est repris par nombre de jeunes conservateurs inquiets pour la cohésion de leur parti: il restera beaucoup de mécontents, quelle que soit l'issue du vote.

Que veulent exactement les partisans du Brexit?

Nombre de conservateurs, surtout les plus âgés, sont partisans de la sortie de l'Union européenne. Cependant certains sont en train de changer de camp à trois jours du scrutin comme Lady Warsi, une des doyenne du parti conservateur outrée par la campagne orchestrée par Nigel Farage, chef du parti UKIP, après qu'il ait dévoilé son affiche montrant une colonne de refugiés et titrant «Breaking Point», point de rupture. «Qui veut voir des menteurs et des tricheurs diriger notre pays? demande-t-elle. Ils fomentent une haine et xénophobie inacceptable.»

Si l'on interroge des esprits moins échauffés comme Lord Owen, l'ancien ministre des Affaires étrangères travailliste, on obtient des explications très rationnelles justifiant l'engouement du camp en faveur de la sortie de l'Union: «une des raisons principales de notre désir de quitter l'Union, explique-t-il, c'est notre crainte de voir l'Europe s'acheminer vers une intégration politique. Nous rejetons absolument le concept des États-Unis d'Europe. Or nous y allons tout droit. Cette évolution semble inéluctable et nous n'avons aucune prise sur elle.»

Mais certains partisans vont plus loin, considérant l'Union européenne comme un échec, ils évoquent les difficultés liées aux crises migratoires et à l'économie pour annoncer l'effondrement de l'Union. «Il est certain que nous assisterons à une dissolution de l'Union à moyen terme explique très sérieusement un médecin à Londres, lui aussi partisan du Brexit, et nous préférons être en dehors au moment où cela se produira. La plupart des membres de ma génération, les plus de soixante ans, sont contre l'Union, mais nous sommes peut-être dans une certaine nostalgie de souveraineté et de grandeur qui va à l'encontre de l'évolution du monde. Les jeunes pensent autrement et semblent en grande majorité en faveur de l'Union.»

Plus généralement, parmi les autres raisons profondes qui animent les partisans du Brexit, on trouve aussi la colère d'un grand nombre de Britanniques d'être envahis par les Européens venus s'installer chez eux depuis la crise de 2008 et dont les pays tardent à retrouver une croissance, l'appréhension aussi devant la vitesse des changements technologiques et du marché du travail. Même si ces craintes sont alimentées par le parti UKIP, elles existent réellement et ceux qui les ressentent doivent être considérés.

Les problèmes liés à l'immigration ne seront pas réglés par une sortie de l'Union européenne

Comme l’écrivait la députée, Jo Cox, quelques jours avant son assassinat, dans un article du Yorkshire Post: : «On peut comprendre que, sans qu'ils soient pour autant racistes ou xénophobes, certains dans notre pays s'inquiètent de l'impact de l'immigration sur nos services de santé, sociaux et sur les emplois... mais ne tombez pas dans le piège de croire que les problèmes liés à l'immigration se régleront par une sortie de l'Union européenne, car ce n'est pas le cas.» Défendant l'immigration contrôlée, Jo Cox avait justement préparé un petit documentaire sur l'Islamophobie qu'elle s'apprêtait à montrer le 29 juin, dans lequel elle disait: «ce qui nous unit est plus grand que ce qui nous divise».

Une méfiance partagée à l'égard des politiques

Du fait de tous ces débordements tout au long de cette campagne, les politiques ont peiné à convaincre et l'on a pu observer une grande méfiance quel que soit le camp choisi. Un des enjeux du vote du 23 juin porte sur la confiance que les Britanniques accordent à leurs institutions et aux hommes et femmes politiques. Sont-ils prêts à laisser leur destin entre leurs mains? Cette question est loin d'être tranchée.

Même les déclarations de la présidente du FMI, Christine Lagarde, en faveur de l'Union ou la visite de Barack Obama annonçant les risques encourus par le Brexit, ont provoqué des réactions de rejet dans les deux camps. L'intervention du président américain a été particulièrement mal accueillie: «Obama a eu la malencontreuse idée d'employer un mot trop britannique dans son discours, m'explique très sérieusement, le médecin de Londres, même les partisans de l'Union y ont reconnu la plume de Downing Street. Lorsque le Président américain, a prononcé le mot typiquement anglais «Queue» au lieu du mot américain, «Line», nous avons tous compris qu'il lisait tout bonnement le discours dicté par notre premier ministre. (2)»

Ce référendum a déclenché une introspection sur la nature et les valeurs qui font la Grande-Bretagne

«Qui sommes-nous et que voulons-nous? demandait récemment Nick Clegg, l'ancien vice-premier ministre de Cameron, en préambule à un débat sur l'Union. Et de répondre: nous sommes un peuple de marchands et de commerçants. Nous avons nos spécificités, mais notre maître mot a toujours été adaptation et pragmatisme.»

À la faveur de ce référendum, l'opinion britannique s'est livrée à toute une réflexion sur le pays et à une réévaluation complète de ses aspirations. Cette remise en cause n'a pas été sans heurts et sans larmes. Elle aura causé bien des frayeurs à tous les Européens convaincus dans le pays, au sein de l'Union et au-delà. Quelle que soit l'issue du scrutin, les Britanniques en sortiront grandis ou affaiblis. L'Histoire dira si l'exercice en valait la peine.

Références:

1. Le premier ministre a très bien répondu à ce téléspectateur assis dans le public. En disant qu'il préférait se comparer à Churchill qui avait tout fait pour travailler main dans la main avec la France et les pays alliés.

2.Le Président Obama aurait dit: «S'ils votent pour la sortie de l'Union, les Britanniques seront relégués à la fin de la queue («If you vote to leave the Union, you will be sent at the back of the queue», au lieu de: «at the back of the line.»

Ce billet de blogue a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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Mai 2017

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