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David contre Goliath, ou quand Gastem poursuit la municipalité de Ristigouche

Il est évident qu'une poursuite démesurée comme celle de Gastem est avant tout une manœuvre d'intimidation. Il s'agit ici de faire un exemple de Ristigouche-Sud-Est, d'intimider et de forcer la soumission d'autres municipalités qui seraient tentées de protéger leurs sources d'eau potable.
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La nouvelle tourne en boucle sur Radio Gaspésie. Malgré leurs efforts pour préserver une apparence de neutralité journalistique, la frustration pointe dans le ton des annonceurs. Les citoyens à qui j'ai eu l'occasion de parler font écho à ce sentiment.

Suite à l'adoption d'un règlement municipal pour la protection de l'eau potable, un petit village de Gaspésie est poursuivi pour 1.5 million par la pétrolière Gastem. Abandonnée par Québec, la municipalité gaspésienne de Ristigouche doit se tourner vers une campagne de financement populaire pour faire face aux procédures judiciaires.

Moi qui comptais laisser mon indignation à la maison pendant mes vacances, semble-t-il que j'ai bien mal choisi mon moment.

Les pétrolières poursuivent leur offensive en Gaspésie

Après Pétrolia qui avait poursuivi victorieusement la ville de Gaspé pour faire invalider un règlement similaire sous prétexte qu'elle outrepassait son champ de compétences, c'est au tour de la pétrolière Gastem de traîner la petite municipalité de Ristigouche devant la justice.

De tels règlements pour la protection de leurs sources d'eau potable, adoptés par de nombreuses municipalités de la vallée du St-Laurent, ont pour but de bloquer l'exploration et l'exploitation des gaz de schistes sur leur territoire (l'extraction des gaz de schiste par fracturation hydraulique nécessitant l'injection dans le sous-sol de produits considérés comme toxiques).

Contrairement à Pétrolia, qui attaquait la légalité même d'un tel règlement, Gastem réclame à Ristigouche un dédommagement pour les sommes déjà investies dans un projet de forage qu'elle ne souhaite par ailleurs plus poursuivre.

Ristigouche abandonnée par Québec

La municipalité de 167 habitants, fonctionnant avec un budget de moins de 300 000$ par année, est incapable d'assumer les frais de la poursuite.

Comme le révélait Alexandre Shields dans Le Devoir du 29 juillet, malgré les appels à l'aide répétés de la municipalité et après que le maire ait interpellé directement le ministre des Affaires municipales Pierre Moreau, Québec ferme la porte à toute assistance de sa part dans le dossier. Selon ce dernier, il n'est pas possible pour Québec de s'immiscer dans un dossier déjà judiciarisé.

Laissée à elle-même, la municipalité doit donc se tourner vers une campagne de financement, à laquelle je vous invite fortement à contribuer si vous en avez l'occasion, pour récolter la somme de 225 000$ qu'elle considère nécessaire pour pouvoir assumer sa défense.

Les intérêts des citoyens pas une priorité?

Loin de moi l'idée de suggérer que le fait que Gastem soit présidée par un ancien ministre libéral ait influencé la décision de Québec de ne pas apporter son aide à la municipalité. Souvenons-nous que le gouvernement péquiste ne s'était guère montré plus coopératif dans le dossier Gaspésia.

Reconnaissons également que le gouvernement Couillard a proposé le premier règlement provincial sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP) fixant à 500 mètres la distance minimale entre un site de forage et une source d'eau potable. Trop peu, trop tard diront certains.

Si le jugement dans le cas de Pétrolia contre la ville de Gaspé a confirmé, d'un point de vue légal du moins, qu'il n'est pas des champs de compétences d'une municipalité de statuer sur la protection de ses sources d'eau potable, cette décision n'en demeure pas moins inique.

Comment est-il possible de dire à des citoyens qu'ils n'ont pas de droit de regard sur la manière dont seront gérées leurs principales sources d'eau potable? Comment leur demander de faire une confiance aveugle à une entreprise privée dont la seule motivation reste le profit pour garantir une exploitation sécuritaire? Comment peut-on accepter la soumission de la justice et de nos gouvernements à des intérêts corporatistes au détriment de la volonté populaire avec une telle facilité?

De l'intimidation

Il est évident par ailleurs qu'une poursuite démesurée comme celle intentée par Gastem est avant tout une manœuvre d'intimidation. Il semble clair qu'il s'agit ici de faire un exemple de Ristigouche-Sud-Est, d'intimider et de forcer la soumission d'autres communautés qui seraient tentées d'adopter ou de faire respecter de tels règlements à l'avenir.

Gare à qui oserait entraver l'exploitation des richesses que nous font miroiter les apologistes des gaz de schiste. Au diable les dangers potentiels, semble-t-on dire aux résidents des communautés affectées.

Je n'ai certes pas les connaissances nécessaires pour me prononcer catégoriquement pour ou contre l'exploitation des gaz de schiste en toutes circonstances. Il me semble pourtant évident que toute communauté devrait avoir le droit d'instaurer les règles qui lui apparaissent nécessaires pour garantir la qualité de l'eau potable de ses citoyens. Il ne s'agit pas ici d'un caprice, mais bien de la protection de la ressource à la base de la vie.

Les exemples d'irresponsabilité de la part du privé dans la protection des ressources naturelles, particulièrement en ce qui a trait à la gestion de l'eau potable, sont trop nombreux pour que l'on puisse se fermer les yeux.

Nous avons non seulement le droit, mais le devoir de faire entendre notre indignation et d'apporter notre support aux communautés victimes de l'intimidation corporatiste et de l'indifférence de nos gouvernements.

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