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Le Maroc a-t-il les moyens de ses ambitions économiques?

À l'heure où le roi Mohammed VI entame une tournée africaine qui doit le mener au Sénégal, en Côte d'Ivoire puis au Gabon, la question de la montée en puissance économique du Royaume chérifien en Afrique intrigue nombre d'observateurs.
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Flickr: Marc Veraart

À l'heure où le roi Mohammed VI entame une tournée africaine qui doit le mener au Sénégal, en Côte d'Ivoire puis au Gabon, la question de la montée en puissance économique du Royaume chérifien en Afrique intrigue nombre d'observateurs. Ces derniers regardent avec intérêt ce pays sans ressources pétrolières déployer ses banques, ses assurances, ses télécoms, ses constructeurs ainsi que ses entreprises de service au sein notamment de la zone ouest-africaine. Pour autant, ce pays a-t-il les moyens de son ambition économique africaine?

Le Maroc a toujours entretenu des rapports séculaires et commerciaux avec ses voisins d'Afrique subsaharienne. Absent de l'Organisation de l'Unité Africaine -actuelle UA, qu'il a pourtant contribué à fonder- depuis les années 80 suite à l'intégration du Front Polisario dans cette dernière, le Royaume entretient depuis un vaste maillage diplomatique africain et a substitué à sa présence dans l'organisation continentale un multilatéralisme actif et un bilatéralisme volontaire. Cette situation particulière fait que l'on assiste depuis quelques décennies à une reconfiguration de la politique étrangère marocaine dans la région marquée par une dynamique de coopération multidimensionnelle avec l'ensemble des États d'Afrique subsaharienne.

L'arrivée au pouvoir de Mohamed VI en 1999 affirmera encore plus cette vocation africaine du Maroc et sa traduction en diplomatie active en direction du sud. Entre 1999 et 2009, le roi du Maroc se rend au Bénin, au Burkina Faso, en Gambie, au Niger, en République Démocratique du Congo, au Congo Brazzaville, en plus des pays alliés traditionnels du Maroc tels que le Sénégal, le Gabon, le Cameroun ou encore la Guinée.

Ces visites s'accompagnent d'une mutation de la coloration des délégations qui accompagne le roi, incluant beaucoup plus de membres du monde des affaires, et s'inscrivant dans la doctrine de diplomatie économique que porte le Maroc en Afrique depuis le nouveau siècle.

Les prémisses de cette nouvelle diplomatie apparaissent dès 2000, lorsque le roi Mohamed VI décide lors de la conférence du Caire, du sommet Europe-Afrique, d'annuler la dette des pays africains les moins avancés, dont il exempte, entièrement, les produits de droits de douane à l'entrée du Maroc. Il convient de préciser qu'il s'agit d'une exonération unilatérale, le tout dans le cadre de l'initiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE).

À cela s'ajoutent les conventions signées qui portent essentiellement, l'une sur le principe de non double imposition et l'autre sur l'encouragement et la protection de l'investissement.

L'ampleur des projets inaugurés dans plusieurs pays africains, et auxquels le Maroc a pris part, sont un autre gage qui atteste de la détermination du Maroc à mener à bien une politique plus cohérente, plus volontariste et surtout plus solidaire en Afrique subsaharienne. Soucieux de promouvoir l'implantation de ses entreprises, le Maroc n'oublie pas de s'impliquer fortement en matière d'aide au développement, puisqu'il alloue chaque année à ses voisins africains 300 millions de dollars dans le cadre de l'Aide publique au développement (APD), ce qui représente presque 10% du montant de ses échanges commerciaux avec l'Afrique.

Ceci s'est accompagné d'une poussée significative des entreprises marocaines sur le continent en dix ans: Maroc Télécom compte ainsi quatre licences GSM outre celle du Royaume. La banque BMCE a racheté Bank Of Africa (présente dans 16 pays). Attijariwafabank est quant à elle présente dans dix pays africains après avoir racheté pas moins de cinq autres banques. Nouvelle venue, la Banque Centrale Populaire s'est quant à elle rapprochée de la banque Atlantique en 2011. Au niveau du transport aérien, la Royal Air Maroc dessert désormais quasiment l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest et s'est même essayée à racheter des compagnies nationales.

Il ressort de ceci que la performance marocaine en Afrique est incontestablement tractée par l'essor du secteur privé. En 2009, le magazine Jeune Afrique posait ainsi la question de la percée du Maroc face à l'Afrique du Sud pour prendre le leadership économique en Afrique. En effet, dans le "top 500" des entreprises du continent 75 sont marocaines, 26 tunisiennes et 22 algériennes; la même année le Maroc plaçait 19 nouvelles entreprises dans le classement.

Certes, face au Maroc, l'Afrique du Sud se positionne comme un leader économique sur le continent africain. Toutefois, la pandémie du Sida, la précarité du logement, la pauvreté, la persistance des inégalités entre noirs et blancs, une classe moyenne surendettée et le contexte sécuritaire très risqué sont autant de faiblesses qui menacent la paix sociale et peuvent conduire à une implosion au sein de la "rainbow nation". Depuis les événements de Marikana en août 2012, les grèves se sont succédé (miniers - transporteurs) faisant planer sur l'Afrique du Sud le spectre de la paralysie de l'activité économique. Ces grèves révélatrices d'un malaise social couplé à un ralentissement de la croissance (2,5% prévue pour 2013) ont justifié pour certaines agences de notation la dégradation de la note du pays de BBB+ à BBB.

La percée économique du Maroc en Afrique a fait de lui un challenger de l'Afrique du Sud. Pour autant, peut-il transformer cette position en celle de leader? Au regard de sa taille démographique, ses performances économiques sont certes plus qu'honorables. Du point de vue de son PIB (autour de 100 milliards $), il peut se comparer à l'ensemble des pays de la CEMAC et de l'UEMOA. Pour autant, cette percée économique africaine est elle pérenne? Certains en effet soulignent que le Maroc a du mal à sortir de sa politique de "champions nationaux" , dans laquelle seules les grandes entreprises sont amenées à prévoir un déploiement international. Également, d'autres soulignent qu'il reste cantonné dans des secteurs où il dispose d'un avantage compétitif indéniable: banques, assurances, finance, bâtiment, etc.

Se pose donc la question de la diversification des acteurs de la stratégie de conquête économique de l'Afrique par le Maroc. Ceci semble être en partie à l'ordre du jour de la visite actuelle de Mohammed VI en Afrique, qui s'inscrit dans une dimension régionale, au-delà de l'approche bilatérale.

Cette visite assurera de fait plus de cohérence entre la géo-économie et la géopolitique, à un moment où cette région du monde connaît de profonds bouleversements du fait de la crise malienne. Convaincu que l'économie ne peut se passer de solidarité, le Maroc tente de tracer la voie d'une approche particulière et différente, souhaitant faire entendre sa petite musique sur le continent.

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