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Tomber dans l'oubli: une réponse à Wade Rowland

Je présume que M. Rowland a lu notre stratégie. C'est quelqu'un de sérieux. Nous devons assumer une certaine part de responsabilité dans le fait qu'il ne la comprend pas. Je vais donc clarifier ce que je crois être des malentendus.
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Le 3 juillet dernier, Wade Rowland publiait un billet sur son blogue au Huffington Post Canada.

Il faut d'abord comprendre que Wade Rowland est un érudit. Il écrit souvent et passionnément sur l'avenir de la radiodiffusion publique au Canada, dans ce blogue et ailleurs. Et pas uniquement pour se plaindre. Ayant déjà travaillé à CBC, dans un passé lointain, il propose régulièrement des visions différentes de la radiodiffusion publique. Je m'intéresse donc toujours à ce qu'il écrit.

Dans son dernier article, il s'est inspiré de Thomas Hobbes, philosophe du 17e siècle, pour affirmer que la haute direction de CBC/Radio-Canada (donc moi, j'en suis un des vice-présidents) et son Conseil d'administration devraient démissionner, puisque nous sommes en train de procéder au « démembrement graduel de l'entreprise ».

Personne n'a véritablement besoin de Hobbes pour savoir que, si la stratégie visait le démembrement de la Société, nous devrions effectivement démissionner. Ce qui me déconcerte, c'est qu'il ne semble pas l'avoir compris (le plan, je veux dire). Il semble par contre maîtriser Hobbes.

Je présume que M. Rowland a lu la stratégie. C'est quelqu'un de sérieux. Nous devons donc assumer une certaine part de responsabilité dans le fait qu'il ne la comprend pas. Il est tombé sur certaines phrases qui lui semblaient résumer toute la stratégie. Je vais donc clarifier ce que je crois être des malentendus.

M. Rowland affirme que notre stratégie préconise « un abandon brutal de la radiodiffusion traditionnelle ». Bien évidemment, ce n'est pas ce que prévoit le plan. Nous avons tenté d'expliquer clairement dans la section portant sur le contenu que, non seulement nous n'avons pas l'intention de toucher à nos réseaux de radio parlée, mais que, dans les prochaines années, nous allons investir prioritairement dans nos grilles de télévision aux heures de grande écoute. Après tout, ces plateformes sont la quintessence même de la radiodiffusion traditionnelle. Sur les cinq ans que durera le plan, cette stratégie continuera d'être le moyen de toucher le plus grand nombre de Canadiens et notre première priorité de programmation.

Nous avons aussi beaucoup parlé, il faut le dire, des formes que prendra la consommation de contenu chez les Canadiens et de l'importance des services mobiles numériques dans l'avenir. Ce virage semble inéluctable et, malgré nos défis financiers, nous avons bien l'intention d'être là pour répondre à leurs besoins.

C'est notre contenu d'information, tant local que national, qui évoluera le plus rapidement vers les plateformes mobiles. Déjà, plus de la moitié de nos nouvelles en ligne sont consommées sur un appareil mobile. La prochaine génération de contenu mobile sera conçue pour cet environnement et non créée pour un écran de télévision et adaptée pour le mobile. La semaine dernière, James Harding, directeur des Nouvelles et des Actualités à BBC, a qualifié le mobile de quatrième révolution après la radio, la télévision et Internet. Il a annoncé que la technologie mobile transformera l'information à la BBC, sans se substituer aux habitudes traditionnelles, mais plutôt en les complétant. Nous en sommes arrivés à la même conclusion une semaine avant lui.

Dans notre stratégie Un espace pour nous tous, il ne s'agit pas d'abandonner nos auditoires sur les plateformes traditionnelles au profit des auditoires des services numériques. Il s'agit plutôt de nous délester des infrastructures lourdes pour privilégier le contenu et la programmation. Nous dépenserons moins pour nos immeubles, notre infrastructure et nos services de soutien. Nous mettrons résolument l'accent sur les plateformes mobiles et d'autres innovations technologiques, et nous investirons de manière plus importante dans la programmation qui touche le plus de Canadiens et qui a le plus d'impact sur le plan culturel.

Pour étayer son affirmation selon laquelle nous procédons au démembrement graduel de CBC/Radio-Canada, M. Rowland dresse une liste de ce qu'il appelle des « amputations récentes ». Il répertorie 10 activités, sur les 15 dernières années, que nous avons soit éliminées, soit réduites, soit faites différemment. Il omet de mentionner que, depuis la fin des années 1990, nous sommes passés d'une offre de neuf services à une offre de 30 services aux Canadiens et, que, pour la première fois en 40 ans, nous avons étendu notre présence locale dans sept nouvelles communautés. Nous offrons beaucoup plus de contenu aux Canadiens aujourd'hui qu'hier, et nous le faisons d'une manière plus efficace. L'idée selon laquelle nous ne devrions jamais arrêter de faire des choses qui appartiennent au passé ou selon laquelle nous ne devrions pas faire de choix pour suivre l'évolution des besoins des Canadiens, voilà, à mon sens, la véritable recette « pour tomber dans l'oubli ».

La stratégie que nous avons annoncée en juin conçoit notre institution non pas comme un musée chargé de la préservation d'objets anciens, mais comme un incubateur de culture, où les choses devraient se transformer et évoluer constamment, à peu près au même rythme où le pays lui-même change. Lorsque les Canadiens modifient de manière radicale leur rapport à la culture et la société, nous faisons partie de cette nouvelle expérience, et cette expérience vient et devrait transformer la manière dont nous remplissons notre rôle.

En appelant à notre démission collective, M. Rowland affirme de manière explicite que CBC/Radio-Canada n'a pas suffisamment de moyens pour remplir son mandat tel qu'il le définit, et sous-entend qu'une démission de masse, au-delà de sa charge émotionnelle et cathartique, aurait quelque utilité.

Il est vrai que, comparativement à ses pairs, CBC/Radio-Canada est très mal financée et que, par conséquent, il y a des choses que nous ne pouvons pas faire, même si les Canadiens en seraient les grands bénéficiaires. Il est vrai aussi que le modèle de financement sur lequel s'appuient les radiodiffuseurs généralistes privés et publics depuis des décennies ne fonctionne plus et doit être réinventé. Avec plus de financement, nous serions en mesure d'offrir plus de services de meilleure qualité aux Canadiens. Et nous pourrions nous transformer plus rapidement.

M. Rowland se trompe lorsqu'il pense qu'avec le financement dont nous disposons, nous ne pouvons pas créer quelque chose de magnifique, qui a une valeur véritable pour les Canadiens. L'avenir ne se résume pas à être figés dans la défensive ni à jeter aux quatre vents tout ce que nous faisons de formidable depuis des années. Il s'agit plutôt d'expérimenter et de ne pas avoir peur du changement.

Notre choix est le suivant : nous pouvons soit trépigner, exiger plus d'argent et menacer de tout quitter si nous ne l'obtenons pas - ce qui est vain -, soit concentrer toutes nos énergies sur les choses qui sont les plus importantes pour les Canadiens et les accompagner dans le monde de demain, où héritage culturel et innovation iront de pair. Pour savoir quel choix nous avons fait, lisez notre plan.

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