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Aller à l'urgence

Le petit chiale. Tu n'oses pas sortir et perdre ta place. Il y a des bébés qui pleurent, des vieux qui morvent et toussent. T'as chaud. T'es fatigué. À ce moment là, tu te demandes à quoi servent tes impôts.
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Le kid revient de l'école et il est malade. Tu fais ton possible avec ta bouteille de Tylenol et des câlins. Tu passes la nuit debout. Le lendemain matin, bien brûlé parce que le petit malade a réveillé le reste de ta progéniture, tu appelles Info-Santé et on te dit de consulter ton pédiatre. Un pédiatre? T'as failli exploser de rire. T'en as pas de pédiatre! Tes enfants sont sur la liste, mais tu sais bien que tes chances qu'ils aient un pédiatre avant leurs 18 ans sont aussi minces qu'ils gagnent le gros lot.

Alors tu dois aller à la clinique, la clinique «sans rendez-vous».

Tu prends ta journée off à la job, à tes frais, parce que tu as déjà pris tes journées de maladie pour la pneumonie du plus jeune. Tu décides de consulter le site Bonjour santé, question de trouver un rendez-vous dans une clinique sans rendez-vous. Ouais, c'est niaiseux de même: un rendez-vous dans une clinique sans rendez-vous...

Aucune chance pour toi. Pas de place, à moins de faire deux heures de char. Tu te dis que ça, ça va être moins long que d'attendre. Tu pourrais aussi aller au privé, mais tu devrais débourser 145 $ avec les frais d'ouverture, mais comme tu as déjà payé deux fois cette année pour un doc au privé, cette fois-ci tu ne peux plus. Alors tu décides d'aller t'asseoir dans la salle d'attente de la clinique la plus proche de chez vous.

La salle est pleine. Tu te rends compte que ce n'est pas un magazine que tu aurais du apporter à ton kid, mais les 7 tomes de Harry Potter avec ta glacière pleine pour survivre jusqu'au moment ou tu vas voir le doc.

Le petit chiale. Il a faim, mais tu n'oses pas sortir et perdre ta place. Il y a des bébés qui pleurent, des vieux qui morvent et toussent. T'as chaud. T'es fatigué. À ce moment-là, tu te demandes à quoi servent tes impôts.

Tu te mets à penser. Anyways, t'as juste ça à faire penser. Cette année, tu as dû emprunter 1 000 $ à ta mère pour payer l'évaluation neurologique du plus vieux (qui est TDA) parce qu'au public, ça aurait pris une bonne année, et que l'école et le médecin voulaient cette évaluation avant de lui faire un plan pour l'aider. Ensuite ta grand-mère, dont tu es l'aidant naturel, ne bénéficiait d'aucun service du CLSC: tu as dû te résoudre à la placer parce que tu ne pouvais plus payer, à tes frais, quelqu'un pour t'aider. Il y a aussi l'ortho pour le plus petit. À 3 ans il parlait difficilement et tu devais le faire évaluer pour avoir droit à la «prématernelle langage» l'an prochain. Un autre 600 $ parce qu'au public, la dame du CLSC te l'a dit, c'était rêver que de croire qu'il pourrait en voir un avant un an. Il y a tellement de services que tu n'as pas eus, auxquels tu devrais avoir droit, que tu en oublies même quelques-uns: le gynéco pour les tests annuels qui datent de 3 ans, le dermato pour un grain de beauté devenu vraiment gros et douloureux, le psy pour le plus vieux, un médecin de famille pour ta famille, sans compter les services scolaires inexistants pour ton enfant qui en a vraiment besoin.

Et là, tu te mets à penser aux impôts et aux taxes que ta famille paie chaque année. Plus que 60 000 $ par an. Tu ne sais pas le montant exact, mais tu trouves que c'est beaucoup pour une famille qui doit toujours trouver des alternatives payantes pour avoir des services.

On appelle le nom de ton enfant. Trois heures et demie. Trois heures et demie pour voir le médecin.

Tu sors de là après 6 minutes. Si ce n'est pas réglé dans 7 jours, faudra aller à l'hôpital pour plus de tests.

Les jours se ressemblent. Nuits blanches, fatigue, enfant qui ne va pas mieux, ne pas rentrer au travail, boss qui chiale. Au bout de 6 jours, au bord de perdre ta job, tu décides d'aller à l'hôpital.

Tu regardes les statistiques du matin sur internet pour l'occupation des urgences. Tu vois que l'hôpital pour enfants n'est pas trop occupé. En plus, comme c'est «pour enfants», ça devrait bien aller. Tu dors un peu pour survivre à l'attente. En après-midi, tu te pointes à l'hôpital. La salle est pleine. Tu te dis qu'il y a dû avoir une superépidémie de gastro dans toutes les garderies autour, parce qu'à 9 heures ce matin, le site web disait que c'était presque vide, et là c'est pire qu'un wagon de métro à quatre heures.

Deux heures pour passer au triage. Trois de plus pour voir le doc. T'en peux pu. Comment est-ce possible? Je veux dire... il doit y avoir un problème. Les deux fois où tu es allé au doc en Ontario et les trois fois aux États-Unis, tu n'as jamais attendu plus de 30 minutes. Il doit bien avoir de quoi qui ne fonctionne pas. Tu te dis que tu aurais dû prendre ton char, faire une heure et demie de route vers Plattsburgh, aller à l'hôpital et revenir, et ça aurait été moins long. Ben non, tu t'es dit que tu paies déjà assez d'impôts, tu devrais avoir un minimum de services.

Au triage, tu demandes s'il y aura des prises de sang. Tu t'en doutes bien. En fait, c'est évident. L'infirmière te dis «oui», mais après avoir vu le doc. Après? Hé... Tes expériences dans les hopitaux des États-Unis t'ont appris que si tout est fait avant, le doc a les résultats en main lors de l'examen. Et l'infirmière a un minimum de connaissances, elle a un bac plus 10 ans d'expérience. Elle te dit «Oui, je sais qu'il y aura des prises de sang, mais c'est comme ça, moi je ne peux rien décider, c'est plate hein?»

Plate? Attends c'est pas plate comme c'est «plate» là. T'es brulé, ton kid est malade depuis une semaine, t'as deja attendu à la clinique, passé des nuits blanches, attendu au triage, et là tu t'en vas attendre un autre 3 heures... Plate???? Ce n'est pas plate, ç'a juste pas de crisse de bon sang! Tu lui expliques que le doc de la clinique t'a dit de venir ici pour radio, prises de sang, scan, etc. Donc pourquoi ne pas en faire une partie avant? «C'est comme ça, on peut pas.»

OK. Alors tu attends deux heures avant le triage et trois heures avant de voir le doc. Attends, pas le «vrai» doc: l'étudiant. Il passe une demi-heure à examiner pour dire que le «vrai» médecin s'en vient. Le médecin arrive. Il prescrit tout ce que tu avais dit à l'infirmière du triage. Mais malheureusement, les résultats arriveront dans une heure et demie ou deux heures, donc il faudra attendre les résultats, «on va vous revoir après».

Les heures où tu as attendu après le triage, ça aurait pu être les heures où les résultats arrivaient. Mais non, c'est trop simple, ça. Fait que ç'a pris au total 7 heures et demie pour voir un doc et avoir des résultats de labo et de radiographie.

Là, tu penses à Barrette. Tu te demandes s'il attend aussi longtemps quand c'est le temps de se faire soigner. Tu penses à Couillard aussi, et tu te demandes s'il a déjà passé proche de perdre sa job parce que ses enfants étaient malades. Tu te demandes s'il a déjà passé 10 heures en une seule semaine dans des salles d'attente remplies de monde qui toussent et morvent, pour faire voir son enfant. Tu penses aux dirigeants de ces hôpitaux-là. Tu penses aux gestionnaires. Tu penses à l'austérité. Tu penses à tes impôts. Tu penses à ton vote. Tu penses au gouvernement. Tu penses aux montants enlevés sur ta paie. T'es en crisse.

Ton kid sourit, t'espères que ce sera mieux quand il va venir avec ses enfants.

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Mai 2017

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