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Perdre un foetus, y'a rien là!

Hier j'ai lu la nouvelle d'une femme qui a fait une fausse couche et qui s'est présentée à l'urgence. Jusque là, c'pas vraiment une nouvelle. Une fausse-couche, bien que ce soit un évènement extrêmement triste, ce n'est pas matière à faire un article.
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Hier, j'ai lu la nouvelle d'une femme qui a fait une fausse couche et qui s'est présentée à l'urgence. Jusque là, ce n'est pas vraiment une nouvelle. Une fausse couche, bien que ce soit un évènement extrêmement triste, ce n'est pas matière à faire un article.

Le hic, c'est que cette femme, arrivée au triage s'est fait renvoyer, par un infirmier sans cœur, dans la salle d'attente. En pleurs, elle a perdu son bébé dans les toilettes de l'hôpital.

J'ai pensé à la situation. J'ai discuté. J'ai réfléchi. Je n'ai jamais perdu de bébé, mais j'ai des enfants. Je me suis mise dans la situation.

Je veux un bébé. Je tombe enceinte. Après trois mois je pense à son nom. J'en parle à tout le monde. Je pleure la nuit en pensant que je vais être maman. J'achète des vêtements.

Puis un matin je perds du sang. Je vais à l'hôpital. Je ne suis pas conne. Je sais bien qu'avec tout le sang que je perds je ne suis plus enceinte. Je pleure. Je ne suis sûrement plus maman. Je vois l'infirmier sans cœur. Il me renvoie dans la salle d'attente. Je pleure. Je perds du sang. Je braille devant tout le monde. J'étais maman. Je vais aux toilettes et mon bébé s'échoue au fond de la toilette. Une toilette. Mon bébé termine sa vie au fond de la toilette. Je suis à genoux et je braille. Je tire la cloche d'urgence. Rien. Je pleure en regardant mon bébé.

Voilà c'est fait, j'écris puis je braille.

Je me suis mise à sa place.

Mais moi je n'ai pas perdu mon bébé. Je suis en tabarnac. Je suis en tabarnac qu'une femme ait perdu son bébé et ait été traitée de la sorte.

On pourrait blâmer les services de santé en entier. On pourrait blâmer un ministre. On pourrait blâmer les coupures. Moi, je blâme l'infirmier du triage. Vous pouvez me sortir toutes les raisons du monde. L'empathie, ça ne s'achète pas.

L'empathie : capacité de ressentir les émotions de quelqu'un d'autre, d'arriver à se mettre à la place d'autrui. L'empathie cognitive consiste à comprendre les idées d'un autre et l'empathie émotionnelle à partager ses sentiments. Contraire : égocentrisme, égoïsme, apathie.

L'empathie et le jugement sont, après les connaissances, les qualités les plus importantes d'un professionnel de la santé. L'empathie permet de soigner, de traiter de façon humaine, peu importe les moyens. Avec du jugement et de l'empathie, on transforme un robot qui donne des soins et applique des règles en infirmier et infirmière.

Certains diront que la patiente aurait dû être transférée en obstétrique, ou qu'une salle devrait être aménagée pour les femmes enceintes. Oui, tout cela est vrai, mais si l'infirmier et/ou le personnel qui l'a côtoyée avaient eu le moindrement d'empathie et de jugement, cette femme n'aurait pas été traitée comme un animal qu'on met à la porte. Parce qu'une femme qui perd un enfant, en plus de souffrir physiquement, vit un deuil et est en détresse psychologique. Et ça, peu importe ce qu'en pense un infirmier sans cœur du triage.

Si l'infirmier avait pris 45 secondes pour lui demander comment elle se sentait, s'il avait été empathique, il ne l'aurait pas retourné dans la salle d'attente. Oui, un infirmier possède ce pouvoir d'user de son jugement et de faire preuve d'empathie envers ses patients. Combien de temps cela prend-il ? Disons quatre minutes. Quatre petites minutes. Une minute trente pour l'écouter, deux autres pour demander au préposé si la salle des familles (endroit pour les familles endeuillées est utilisée) si une civière est libre, au pire un fauteuil dans le corridor. Et finalement un 30 secondes pour se féliciter d'avoir pris cette décision.

Parce que perdre son bébé ce n'est pas rien. Parce que prendre trois ou quatre minutes de plus, ça peut tout changer. Les infirmiers et infirmières au triage sont énormément sollicités, mais oui, mais, ils ont l'obligation de procurer des soins humains. L'ordre des infirmiers et infirmiers du Québec place l'humanité et l'autonomie professionnelle dans ses valeurs les plus importantes.

L'humanité

L'humanité dans les soins se traduit notamment, par la générosité envers l'autre, la tolérance et la solidarité. Elle permet l'empathie et l'attention à l'autre dans son unicité.

L'autonomie professionnelle

L'autonomie professionnelle se traduit par la capacité de prendre des décisions dans l'intérêt du client, en toute objectivité et indépendance, d'en être imputable et d'en rendre compte. (Voir à ce sujet le site de l'OIIQ)

J'espère que cet incident fera réaliser à tous les soignants, du préposé au médecin, que l'empathie est une valeur fondamentale dans la pratique de leur profession. Que cette valeur permet soigner dans le respect. Et que la responsabilité du jugement incombe à chacun, peu importe son titre. Parce que même si c'est la règle de faire attendre une femme qui perd son bébé, dans une salle bondée de monde, l'empathie et le jugement permettent de transgresser cette règle sans cœur.

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Mai 2017

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