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Maudite maladie mentale

La santé mentale, c'est l'affaire de tous. Il faut en parler et briser les préjugés.
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Jean-Marc à toujours l'air fatigué. Je pense qu'il est sur un lendemain de brosse à longueur de semaine. Sa blonde vient de le laisser. À cause de ça, il doit être tout le temps sur le party. C'est clairement ça, le matin, je le vois shaker après son troisième café. Quand t'as besoin de trois cafés le matin, c'est parce que tu ne dors vraiment pas. Moi, ça m'énerve. Que Jean Marc soit sur le party toute la semaine OK, mais là, c'est moi qui dois faire une partie de sa job. Je suis écœuré. Ce n'est pas vrai qu'il va s'amuser tous les soirs pendant que moi, je rush. Je vais avertir le boss. Il va finir par la perdre sa job, pis ça va lui apprendre. Too bad.

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La nuit, je n'arrive pas à dormir. Quand mon sommeil devient un peu profond, je me réveille en sursaut. Mon cœur bat à 147 ou 153 à la minute dans ces moments-là. Je le sais, je les ai comptés. Je les compte tout le temps dans ces moments-là parce que je pourrais faire une crise cardiaque. J'ai chaud, je suis en sueur. Je suis fatigué, mais je ne m'endors pas. Je repense à ma blonde qui vient de sacrer son camp pour la huitième fois, à mon chien qui ne fait pas assez d'exercice, à ma job qui va mal, à ma sueur excessive qui pourrait bien cacher un cancer, à mes battements de cœur irréguliers. Crisse, il est déjà six heures. Anxiété de marde.

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Karl, il est bête comme ses deux pieds. Je l'endure parce que c'est le chum de mon amie, mais sinon, oublie ça. En plus, ça a l'air qu'il est un peu malade. Ça paraît qu'il n'est pas sain, sain. Quelqu'un de normal ne resterait pas chez-eux pour écouter le hockey quand on l'invite à écouter la game en gang. Ben non, lui, il faut qu'il nous fasse chier et qu'il scrappe la soirée en décidant à la dernière minute de rester chez-eux avec sa blonde. Sa blonde justement, elle n'est pas ben, ben mieux d'accepter ça. Moi je lui dirais en maudit : « Tu viens avec moi, ou ça va aller mal», pour voir s'il n'est pas capable de se forcer un peu.

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Quand je passe devant un pont, c'est comme un fantasme: j'ai le goût de me jeter en bas. C'est comme si ça me libérerait. Je n'arrive pas à être vraiment heureux comme les autres. Le soleil qui brille, je ne le vois pas. Les oiseaux qui chantent, je ne les entends pas. Ma blonde me dit que ça va bien aller. Ça fait 10 ans qu'elle me dit ça. Elle me dit de sortir, de voir du monde, mais moi, le monde, ça ne me tente pas de leur jaser, de les voir. Je ne veux pas que mes amis, ou ceux de ma blonde voient que je ne vais pas bien. Je suis bien tout seul. Je ne retire pas de plaisir à échanger avec les autres. Je n'ai pas envie de faire semblant que tout va bien. Je ne veux pas jouer la game. J'aime mieux rester tout seul. Surtout pendant un down. Puis durant un high, je suis mieux de rester tout seul parce que je deviens fendant. Je pense que je suis meilleur que les autres. Je leur coupe la parole. Je suis désagréable. Puis en plus, si je sors, je flambe trop de cash. Tu vois bien, high ou down, aussi bien que je reste tout seul. Le pont, il m'appelle pour me délivrer de cette maudite bipolarité.

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Annik est tellement bonne. Elle fait 26 affaires en même temps. Elle travaille dans un gros bureau d'avocats. Je pense que c'est le plus gros à Montréal. Tu vois que c'est une bonne avocate. Souvent, elle travaille jusqu'à minuit puis la fin de semaine, elle joue au tennis, fait son bénévolat, joue du piano. Elle prend ses courriels tout le week-end pour que son boss soit content. Sérieux, j'aimerais ça être comme elle: efficace, drôle, toujours belle, toujours de bonne humeur. En plus elle s'est acheté la dernière BMW. Vraiment top. Une fille seule avec une grosse maison et un beau char. T'sé, quand t'as toute pour toi. Maudite chanceuse. Attends, en plus, elle trouve le temps de s'entrainer et de se faire un nouveau chum. Wow !

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Je ne sais pas comment reprendre sur moi. J'ai 36 ans, viarge ! Voir que je ne peux pas me contrôler. J'ai beau faire de l'exercice, boire de l'eau, écouter des films drôles, sortir... Ça ne marche pas. Quand je sors avec mes amies, je vais aux toilettes pour relaxer sur le bol et essayer de ne pas pleurer. Qu'est-ce qui a bien pu arriver pour que je me retrouve comme ça. Tout allait bien. Ma grosse job, mon nouveau poste, ma nouvelle belle maison, mon beau char, mes amies, ma famille, mon équipe de tennis, mon bénévolat, mes cours de piano, mon chien, mon nouveau chum, j'ai tout pour être heureuse. Mes amies font moins d'argent que moi et c'est moi pleure toute la nuit. C'est moi qui ai de la misère à me lever pour aller travailler. C'est moi qui pense que je ne m'en sortirai jamais. Crisse, c'est moi qui ne suis pas heureuse. Avocate et pas capable de reprendre sur elle. Maudit que je suis conne. Faut juste que je reprenne le dessus. Mon médecin dit que je suis en dépression. Moi je pense que ça va bien aller. Anyway, je n'ai pas le temps pour faire une dépression. Faut juste que je me contrôle et que je voie le bon côté des choses. Le bon côté des choses, c'est ça. Focus Annick.

La santé mentale, c'est l'affaire de tous. Il faut en parler et briser les préjugés.

Bianca Longpré, épouse d'un homme qui vit avec la bipolarité et dont certains proches vivent avec l'anxiété et la dépression.

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