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Comment l'hypnose a influencé mon travail d'écrivain

Dans mon nouveau livre,, il y a un personnage qui va initier David, le héros, à l'hypnose et à la méditation. J'ai envie de rendre les gens curieux, de leur dire: «il y a un truc qui peut peut-être vous intéresser».
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Un salon du livre, près de Bordeaux en 1991. Peu de temps après la sortie des Fourmis, peu de monde se presse devant moi, ni devant mon voisin de table, hypnotiseur. C'est ainsi que j'ai pour la première fois été sensibilisé à l'hypnose. J'ai demandé à mon voisin de m'apprendre ce qu'il faisait, et à la fin de la dédicace, j'ai proposé à mes lecteurs s'ils souhaitaient participer à une expérience. L'hypnotiseur a mis une jeune femme entre deux chaises et a commencé sa session, sur le principe de « proposition-acceptation » : une idée est suggérée à l'hypnotisé qui va l'expérimenter. J'ai trouvé cela spectaculaire.

J'ai à mon tour voulu essayer l'expérience et ai demandé à un ami hypnotiseur de faire une session avec lui. Une troisième personne m'a ensuite fait découvrir l'hypnose: Alexandro Jodorowsky. J'ai alors découvert le rêve accompagné, qui a ensuite donné lieu à un livre, Le livre du voyage. Un tout petit livre qui fonctionne comme une séance de relaxation pour le lecteur.

À partir de là, quand j'ai fait la promotion du livre, j'ai proposé aux gens qui étaient à la conférence, cette séance d'hypnose légère. Toujours sur le principe de proposition-acceptation, que j'applique maintenant à beaucoup de choses dans ma vie. Je propose aux gens d'imaginer qu'ils sont sur une île paradisiaque. Soit ils le font, ou soit ils ne le font pas. Si vous le faites, l'ile paradisiaque va apparaître, et pour chacun elle va être différente.

Et c'est aussi ça le principe du roman. C'est pour ça que ça m'intéresse.

Quand l'on écrit « il avait devant lui la plus belle des femmes », il y aura plein de femmes différentes en fonction des lecteurs, forcés d'être imaginatif dans leur lecture. Mais comme dans l'hypnose, chacun a son libre arbitre et peut refuser de se projeter. Quand l'ont dit à un enfant « tiens toi droit à table », on peut choisir de le voir comme un ordre, ou comme une façon de ménager son dos. C'est quelque chose qui ne nécessite pas de gros effort. On choisit de se tenir droit, on choisit de voir une belle femme, on choisit d'imaginer une île...

Mon ami hypnotiseur m'avait proposé, lors de la séance, de « voir » un film comique. Je me suis alors mis à rire. Puis, il m'a dit « il y a un moustique qui te gratte ». Mais je ne me suis pas gratté, car m'a mère m'avait dit étant petit : « ne te gratte pas quand un moustique te pique ». Ce qui montre qu'on peut toujours choisir de refuser. Cela s'applique à beaucoup de choses dans la vie. Si l'on dit à quelqu'un « je te lance comme sollicitation de ne faire que très bien dormir cette semaine », pour ceux qui sont réceptifs et on envie de bien dormir, cela aura plus de chance de marcher que pour les autres.

Tout ceci m'intéresse particulièrement en tant que romancier, de trouver des points communs entre un récit oral ou écrit, qui aboutit à l'imaginaire. En ce sens, l'hypnose m'a aidé à améliorer mon art de raconter, dans la mesure ou je joue depuis plus avec la capacité de création du lecteur.

Si j'écris « il avait devant lui un spectacle étonnant », chacun va voir quelque chose d'étonnant, mais de différent. Il y a une phrase que j'aime beaucoup, pour commencer un roman: « Il ouvrit la porte et recula de surprise ». On ne sait pas encore qui il est ni ce qu'il voit, mais tout le monde, en huit mots, a déjà imaginé quelque chose.

Bien sûr, il y a l'hypnose en tant que thérapie, que ce soit pour arrêter de fumer ou autre, mais je pense qu'elle fonctionne sur le même principe de proposition-acceptation. Si on veut que cela marche, cela pourra marcher. Si on est certain que l'on va résister, cela ne va pas marcher. Je n'aime cependant pas le mot « hypnose », car il y autour tout le côté « prise de pouvoir », « manipulation ». Je lui préfère cette idée de « proposition-acceptation », moins jolie, mais qui veut dire qu'il n'y a pas d'obligation que cela marche.

J'ai encore plus découvert l'hypnose en lisant Freud. Il explique qu'il ne s'agit pas d'une science car cela ne marche pas sur tout le monde. Pour moi, cela marche sur 20% des gens, qui y sont naturellement réceptifs. Ceux qui ne sont pas dans la peur. L'élément qui fait que cela ne marche pas, ceux qui se disent « on va me forcer à être tout nu, à faire le chien », ceux qui ont peur d'être ridicule, sont ceux qui sont dans la crainte. Dès qu'il y a de la peur, l'hypnose devient inutile. Il y a des gens, de ce que je comprends, sur qui bien entendu il ne faut pas le faire. Ceux qui ont des problèmes psychologiques de type paranoïa ou schizophrénie. C'est une technique qui n'est pas universelle, mais qui peut avoir des répercussions spectaculaires.

J'ai moi-même bien entendu beaucoup testé l'hypnose, pour comprendre « de l'intérieur ». J'ai vu apparaître, lors d'une séance d'auto-hypnose l'une de mes vies antérieure. J'étais comme au cinéma. Je ne suis ni scientifique ni mystique, je suis romancier. Ainsi, ce système m'a fait apparaître un rêve extraordinaire et inspiré des récits.

Je ne suis pas dans le questionnement « vrai ou faux ». Je suis dans le questionnement « est-ce que cela me fait du bien ou pas ». J'applique ce raisonnement à beaucoup de choses. Il n'y a jamais rien de sur. Y compris en sciences. Il n'y a aucune donnée scientifique où l'on peut dire « jamais personne ne contredira cette théorie ». L'hypnose fait partie de ces éléments qui ont des détracteurs et d'autres pour lesquels cela fait beaucoup de bien. Chacun doit trouver ce qui lui correspond. Là encore, c'est proposé, à chacun de disposer. Le drame ce serait que l'hypnose soit obligatoire. Mais c'est une forme de relaxation. Je fais également de la méditation. L'hypnose c'est pour faire un rêve accompagné. La méditation c'est pour nettoyer l'écran ou il y aura le rêve.

Dans mon nouveau livre, La voie de la terre, il y a un personnage qui va initier David, le héros, à l'hypnose et à la méditation. J'ai envie de rendre les gens curieux, de leur dire: "il y a un truc qui peut peut-être vous intéresser", comme le ski nautique pourrait vous intéresser. Pour certains ça va marcher et pour d'autres non.

Bernard Werber est l'invité du 2e colloque sur l'hypnose samedi 27 septembre au théâtre Adyar, Paris.

À paraître: La voix de la terre, de Bernard Werber, aux éditions Albin Michel

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