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Le gouvernement Couillard dérive-t-il vers la dictature démocratique?

Toutes les sphères de l'action publique sont happées par le filtre déformant de la politique. Le processus démocratique de la prise de décision passe un mauvais quart d'heure dans la moulinette de Couillard et de sa garde rapprochée.
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Si nous reconnaissons qu'il y a des réformes à réaliser dans le domaine de la santé comme dans plusieurs autres champs de l'action publique au Québec, dont ceux de l'éducation et de la gouvernance des territoires, cela ne saurait être accompli du seul exercice du pouvoir de l'État.

L'enivrement d'un gouvernement majoritaire

Le mode autoritaire pratiqué par le gouvernement, qui n'accorde aucune place au dialogue et à la concertation avec les parties concernées par les changements, traduit un virage tout aussi inquiétant que surprenant dans le paysage de l'administration publique au Québec.

Alexis de Tocqueville (philosophe français, 1805-1859), dont les enseignements s'avèrent particulièrement judicieux par les temps qui courent, nous mettait en garde, dans son ouvrage De la démocratie en Amérique (que les Couillard, Barrette, Moreau, Coîteux et cie devraient lire impérativement) contre le danger de la « dictature démocratique ».

Dans ce petit traité de la démocratie en Amérique, il exposait comment la recherche de liberté et d'indépendance par idéal démocratique pouvait conduire à des formes réinventées de dictature et à de nouvelles servitudes. Le gouvernement Couillard en fait l'inquiétante démonstration. N'est-ce pas le propre de la dictature de s'imposer en détenteur de la vérité, d'être sourd aux appels au dialogue et de s'arroger tous les pouvoirs pour que soit appliqué ce qui a été décidé par la volonté absolue de l'autorité en place ?

Enivrée par sa majorité et dopée par la suffisance et l'arrogance de plusieurs ministres occupant des postes clés, l'équipe Couillard gouverne par force d'autorité évacuant les outils démocratiques que sont le dialogue, la consultation et la concertation. On opte plutôt pour le fait accompli, le décret, le bâillon à l'Assemblée nationale. Et j'apprends ce matin que les ministres ne pourront plus s'adresser aux journalistes sans avoir été préalablement briefés sur les positions du gouvernement concernant les sujets d'actualité.

Toutes les sphères de l'action publique sont happées par le filtre déformant de la politique. Le processus démocratique de la prise de décision passe un mauvais quart d'heure dans la moulinette de Couillard et de sa garde rapprochée.

Et de belles pièces de résistance sont à venir : le renouvellement des conventions collectives de la fonction publique, la préparation du prochain Pacte fiscal Québec-municipalités, la gouvernance locale et régionale, les mesures de lutte contre la pauvreté, etc.

Quant au projet de loi 20 qui doit notamment régler les plus gros problèmes du réseau de la santé, soient la rémunération et les conditions de travail des médecins pour une meilleure accessibilité à des services de qualité, il faut s'attendre à un spectacle de haute voltige. Par-delà les hausses de ton et les engagements à saveur déterminée et rassurante, la coalition des trois docteurs jouera de solidarité corporatiste pour protéger un système dépassé et décrié (rémunération à l'acte) afin que soient maintenu un ensemble de privilèges, à contrario des attentes pour un régime moderne, efficace et juste. Un régime qui ouvrirait aussi la porte à une pleine collaboration des autres professionnels de la santé (pharmaciens, infirmiers et infirmières, etc.) et à une utilisation optimale des installations et équipements médicaux dans les hôpitaux et les cliniques publics.

Dans l'attente d'un sursaut

Comment expliquer ce décrochage, cette dérive dans l'exercice d'une gouvernance démocratique des affaires publiques ? Les principaux acteurs politiques en cause portent une part importante de responsabilité (du fait de leur suffisance, de leur arrogance, de leur mépris des règles établies....), mais il y a peut-être plus. Les autres protagonistes de la scène publique, les intellectuels, les représentants et leaders de la société civile, les élus locaux et régionaux, les étudiants..., sont-ils devenus à ce point insouciants et indifférents, engoncés dans une certaine respectabilité confortable que toute analyse de la situation est désormais obscurcie et toute critique tétanisée ?

La société québécoise traverse une période morose. Elle se cherche de nouveaux repères. Il lui faut se ressaisir, mais les leaders pour un avenir radieux ne se manifestent pas. La conjoncture qui porte actuellement la candidature de PKP à la chefferie du PQ annonce-t-elle le renouveau social-démocrate attendu ou plutôt le renforcement de la tendance du tout-économique et d'une gouvernance autocratique ? Il faut espérer la surprise, voire le miracle !

Y aura-t-il un sursaut de prise de conscience, un réveil de la marmotte au printemps? Y aura-t-il des discours et des argumentaires inspirants, des convictions contagieuses pour faire réagir, mobiliser et susceptibles de contrer la dérive en cours?

Je désespère de la société québécoise et de nos dirigeants qui s'avèrent plus que jamais opportunistes, corporatistes, « courtermistes », dépourvus de projet de société au-delà du déficit 0. Quelle misère ! Et on s'étonne du cynisme ambiant.

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