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2017, les néo-bobos ont pris le pouvoir

Cette nouvelle classe qui est « adorable » aura le pouvoir pendant 10, 15, 20 ans. Il va falloir vous y habituer !
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Hier, vous reconnaissiez assez facilement les bobos -- ces bourgeois bohèmes --, mais aujourd'hui si vous vous retrouvez dans une soirée organisée dans un superbe condo de l'hypercentre « boboïsé », et que vous abordez des questions de société, de politique, vous ne reconnaîtrez plus vos bobos, car ils sont devenus néo-bobos.

Ces nouveaux bobos sont les enfants de parents ayant le désir de conserver une utopie, propre aux années 1960-1970, des parents « protecteurs » qui se souciaient avant tout de la réussite de leurs enfants. Ces parents leur ont transmis des valeurs de solidarité, de respect, et d'ouverture sur le monde. Ils ont surtout incité leurs enfants à l'expression de leurs personnalités. Cela s'est traduit en fait par une obsession de réussite !

Si nous voulons être précis, il faudrait aujourd'hui qualifier les bobos de « néo-bobos proudhonistes » ou « néo-bobos high tech-start upers ». Ce groupe social qui s'est énormément enrichi depuis son apparition dans les années 1970 est vraiment devenu maintenant le cliché des « Bobos in Paradise » de David Brooks. Ils possèdent de beaux et coûteux véhicules électriques, car ils sont bien sûr écologiques, ils possèdent aussi de superbes résidences parfaitement isolées, passent leurs vacances dans des pays ayant une forte vocation « sustainable », portent des lunettes en écaille véritable, bannissent les OGM, inscrivent leurs enfants dans les meilleures écoles ou universités privées. En résumé, ils prônent souvent l'écologie intégrale à la manière du bien aimé pape actuel.

Ceux que Michel Clouscard définissait comme bourgeois libéral libertaire, économiquement à droite, et idéologiquement à gauche, et qui se prétendaient du peuple tout en possédant un gros patrimoine et d'importants revenus, ont en fait discrètement pris le pouvoir par procuration depuis 2016.

Ils sont écologistes, urbains, arrogants, etc. résultats d'une mutation positive des yuppies des années 1980, dont le mode de vie bourgeois s'était hybridé avec les valeurs bohèmes de la contre-culture des années 1960-1970. Ces « néo-bobos proudhonistes » ont en fait adopté la « philosophie » de Pierre-Joseph Proudhon : « L'anarchie, c'est l'ordre moins le pouvoir. » Ils adorent l'ordre qui leur profite, et haïssent de plus en plus le pouvoir et les hommes qui le représentent.

Rappelons que Proudhon, économiste et sociologue français, théoricien du socialisme, est considéré comme un des premiers penseurs libertaires. Sans jamais cesser de se prévaloir de l'anarchisme, sa philosophie politique et sociale prit une orientation toujours plus libérale.

Proudhon affirmait que « le véritable révolutionnaire est essentiellement libéral ». En jouant sur pratiquement tout le registre du paradigme libéral sans jamais perdre de vue son idéal égalitaire (mais non pas égalitariste) de justice sociale fondée sur la mutualité volontaire des services, Proudhon parvient au soir de sa vie à proposer un authentique individualisme libéral de progrès pour tous, populaire et libéré de son atavisme « bourgeois » : un libéralisme de gauche anti-collectiviste et antiétatique. En quelques mots, la définition de nos néo-bobos 2016-2017.

Le « proudhoniste », comme le « néo-boboiste », est un pragmatisme, autrement dit le contraire d'un idéalisme. Les parents des néo-bobos étaient idéalistes nominalistes, leurs enfants sont eux réalistes.

Rappelons aussi, que Proudhon et son programme politique profondément individualiste et antiétatiste prônaient la liberté de conscience, la liberté de la presse, la liberté du travail, la liberté de l'enseignement, la libre concurrence, la libre disposition des fruits de son travail, la liberté à l'infini, la liberté absolue. Liberté partout est toujours ! La liberté, donc, rien de plus, rien de moins. Le laisser-faire, laissez-passer dans l'acception la plus littérale et la plus large ; conséquemment, la propriété, en tant qu'elle découle légitimement de cette liberté. Vous reconnaissez les néo-bobos ?

En résumé, Proudhon était foncièrement anarchiste, individualiste et antiétatiste. On nommerait cela aujourd'hui l'anarcho-capitaliste-libertarien ou néo-boboisme. Un homme qui n'a pas la mentalité d'un homme du peuple et qui jusqu'à très récemment votait à gauche, alors que depuis 2016 il s'est rapproché de la droite assez naturellement traditionaliste !

Qui sont donc ces « néo-bobos proudhonistes » qui ont pris le pouvoir ? En Amérique du Nord, on en trouve beaucoup à Wall Street qui sont les fils d'ardents communistes ou socialistes. On pourrait aussi citer les enfants de Trump ou de Clinton (pouvoir par procuration. Au Canada, on citera bien sûr le fils Trudeau.

En France, les ex-bobos « nominalistes » vivaient dans un monde mythifié plein de migrants à accueillir, de criminels en voie de réinsertion et de nourritures bonnes pour le corps et l'esprit. Néanmoins, un monde essentiellement « not in my garden »... Les néo-bobos proudhonistes sont devenus eux des « réalistes », on y retrouvera Macron, Zemmour, Onfray, Finkielkraut, ainsi que quelques très fortunés patrons de presse, ou issus de la finance, de la mode ou de l'IT. Une presse formatant nos esprits afin que nous, startupers, directeurs artistiques, créatifs, journalistes, féministes, anticonsuméristes, soyons conviviaux, que nous aimions nos voisins, les immigrés.

Le néo-bobo proudhoniste est pour l'identité heureuse de l'homme et de la femme, mais contre l'égalitarisme qui fragilise les hommes dans leurs virilités. Il n'achète que de produits locaux, est souvent végane, fait du yoga ou du Pilates, se déplace assez souvent en vélo, en hiver dans une doudoune super luxe, alors que le bobo de gauche utilisait un deux roues motorisé. Il a trois enfants, il fait aussi assez souvent son pain, ses jus de gingembre carotte, et il est très attaché au recyclage, mais voyage en business class.

Cette nouvelle classe qui est « adorable » aura le pouvoir pendant 10, 15, 20 ans. Il va falloir vous y habituer !

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Mai 2017

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