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La communication politique est-elle devenue de la téléréalité?

Si vous n'êtes pas préparé à devenir un «produit» divertissant, vos chances sont très limitées.
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Hier, la communication politique c'était juste une forme de communication spécifique aux affaires politiques. Elle avait pour seule vocation d'aider à l'élection ou à la ré-élection d'une personne. Mais ça, c'était avant. Depuis dix ans, la communication politique est devenue de l'influence marketing utilisant un storytelling persuasif et incitatif proche d'un divertissement scénarisé, avec comme seul but de faire émerger une personne, c'est-à-dire une marque.

Pour vendre une marque, il faut écrire une histoire, faire du storytelling.

Pour imposer cet homme, les communicants vont donc écrire une histoire. Cet homme devra être un caméléon, tout en plasticité sur sa personnalité et son positionnement politique. Cela afin d'acquérir très rapidement le plus grand nombre possible de téléspectateurs.

Quelques fois lesdits spectateurs ne se rendront même pas compte qu'ils ont en fait acquis un sympathique dissimulateur doté d'une arrogance agrémentée d'un zeste de mépris social. Dans ce règne de l'entertainment quotidien produit par des chaînes de nouvelles, la succession de storytelling faisant toujours oublier l'histoire précédente.

Le candidat est lui devenu une image scénarisée retravaillée et modifiée à outrance, image censée attirer la lumière dans ce monde où tout est apparence.

Ces chaînes qui fabriquent en permanence de l'illusion éphémère hypnotisent le consommateur spectateur, homme de l'immédiat, qui ne fait que de s'éloigner de la réalité.

Le candidat est lui devenu une image scénarisée retravaillée et modifiée à outrance, image censée attirer la lumière dans ce monde où tout est apparence.

En fait, depuis 10 ans, grâce aux réseaux sociaux et aux chaînes d'information en continu, nous ne sommes plus du tout dans la communication politique, mais dans le marketing d'influence politique, celui utilisé pour les produits de grande consommation.

Le candidat, un télé-évangéliste

Tous les candidats qui ont réussi depuis dix ans ont en fait intégré les qualités des spin doctors.

Tout est dans la scénarisation de leurs actions, dans la narration, leurs vies privées sont-elles devenues parfaitement modélisées.

Comme les télé-évangélistes, ils passent leur temps à diffuser des messages subliminaux, cela afin d'attirer la lumière et de susciter subtilement une addiction sur eux, leur couple, comme dans les meilleures séries de Netflix.

Ils commencent toujours leurs campagnes en s'intéressant aux couches privilégiées, les post-bobos des métropoles, qui sont des leaders d'opinion.

Une fois ceux-ci conquis, ils s'intéressent alors au grand public, et créent un théâtre itinérant offrant de nombreuses représentations. La mise en scène est travaillée, provincialisée, afin de présenter ce nouvel homme providentiel, enfanté par l'image. Une icône fils de la providence, le sauveur du pays.

Tout est alors question de tempo, de momentum, et nécessite de planifier au minimum un évènement par jour afin de nourrir l'appétit des chaînes de nouvelles qui s'empresseront d'amplifier cette communication souvent vide de sens.

Le candidat se devra d'être l'homme de l'immédiat, l'homme de la téléréalité au quotidien. Il devra donc distraire l'homme du XXIe siècle, devenu un téléspectateur en quête d'imaginaire distrayant.

Les médias, ces caisses de résonnance

L'ADN des rédactions, c'est de délivrer des nouvelles en continu, de fasciner et de retenir l'attention des téléspectateurs. D'où la nécessité pour le candidat d'avoir en stock au minimum un événement et quelques éléments de langage-choc, par jour.

Si le candidat télé-évangéliste a bien fait son travail , une complicité ou alliance politico-médiatique s'installera, cela d'autant plus facilement que les journalistes auront l'impression que cela renforce la reconnaissance sociétale de leur rôle.

Le candidat aurait alors fait place à l'image, il deviendra un divertissement, éventuellement un chouchou, un people, une fiction.

Le candidat amènera alors chaque jour sa nourriture à la bête médiatique. Cela se traduira par des images, des événements, des rebondissements, des compétitions et échanges scénarisés avec les concurrents.

Le candidat aurait alors fait place à l'image, il deviendra un divertissement, éventuellement un chouchou, un people, une fiction.

Bien sûr, il n'y a aucun risque que cette nourriture rassasie les chaînes de nouvelles, qui doivent elles nourrir l'écran 24/24 et 7 jours sur 7. Les magazines et journaux seront eux aussi de la partie, et si la vie du candidat et son conjoint(e) réussissent à fasciner, ces bêtes médiatiques feront l'objet de nombreuses pages couvertures.

Rappelons que les médias ne peuvent pas faire gagner une élection, mais ils peuvent la faire perdre.

Gagnez l'élection

Si vous n'êtes pas préparé à devenir un «produit» divertissant et offrant des sensations et rebondissements ou événements chaque heure, chaque jour, vos chances sont très limitées.

Si vous n'aspirez pas a être un people, à faire des shows en continu, à faire les manchettes, à changer en permanence de scénarios, à nourrir l'appétit évolutif des téléspectateurs, il vaut mieux oublier vos ambitions.

Pour réussir, il vous faudra aussi éloigner les prophètes du lendemain (les «je vous l'avais bien dit») , qui se nourrissent eux des drames ou scandales que les candidats n'ont pas su anticiper la veille.

Enfin, si vous ne devenez pas le divertissement, la fiction qu'attendent les chaînes de nouvelles et autres médias, vos chances seront inexistantes dans notre société post-idéologique de spectacle permanent.

Par contre si vous avez appris votre leçon et que vous êtes doué, vous deviendrez une aubaine pour cette force de frappe que sont les médias. Les commentateurs-débatteurs seront aveuglés par votre vision même si celle-ci est vraiment très éloignée de la réalité.

Pour connaître la genèse de ces pratiques, lire :

Two-step flow of communication de P. Lazarsfeld, B.Berelson, et H. Gaudet

Personal Influence de Lazarsfeld, et de E.Katz

-The Effects of MassCommunication de J.Klapper

Comprendre le marketing d'influence digital :

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