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Le fiasco de la communication politique

Au cours des cinq dernières années, la communication des politiques a muté. Cela bien sûr à cause des réseaux sociaux, le nombre de médiums et de contenus ayant explosé.
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Brexit, Trump, Hofer, Renzi, LePen, depuis quelques mois nous vivons aux É.-U., en G.-B., en France, ou ailleurs des campagnes présidentielles ou référendaires totalement hors sol, souvent désaxées, pour ne pas dire surprenantes. On pourrait en déduire que l'heure n'est plus, semble-t-il, aux « spin doctors » omniscients et ayant du «vécu» qui définissaient une stratégie, et dont ils mesuraient l'évolution par des sondages. Maintenant, c'est place à l'improvisation, et à une réactivité néo-créative opportuniste, sachant que celles-ci pourraient être vraiment destructives, et dangereuses pour la démocratie.

Seules quelques campagnes semblent suivre un long fleuve tranquille et cela lorsqu'il y a une aide discrète et temporaire des médias. Si on regarde l'indicateur identifiant les bulles médiatiques, qui d'un côté, mesure les « parts de voix » du candidat X dans les médias «mainstream», c'est-à-dire le taux d'articles qui citent son nom dans le titre, et de l'autre, mesure ses «parts de voix» sur les grands réseaux sociaux, c'est-à-dire le taux de contenus émis par les gens au sujet du candidat. Si on note pour le candidat X que le taux/indicateur dans les médias est très significativement supérieur au taux sur les réseaux sociaux. Cela signifie que les médias s'intéressaient alors beaucoup ce candidat X avant que sa campagne prenne au cœur de la population. Les médias ayant fait alors volontairement ou involontairement par un effet grégaire, la promotion du candidat X.

Mais si un nouveau buzz prenait vie, il est assez probable que les médias reviendraient à l'exercice dit du «Pilpul». Les très bons journalistes maîtrisent cette gymnastique intellectuelle, qui relève du postulat suivant : que les contradictions et les différents avis émis ne peuvent être qu'apparents. Ces journalistes résoudront facilement cette contradiction, et convaincront facilement les électeurs que les deux avis émis ne sont pas contradictoires. Vous avez adoré X, désormais, je vais vous faire adorer Y et cela sans me contredire.

Les campagnes seraient donc devenues folles. Les programmes auraient disparu des reportages, et on se mettrait désormais à apprécier les candidats charmeurs beaux gosses sans idéologie ? Ou alors, la presse en péril, ne choisirait maintenant que des candidats pouvant générer du buzz pendant x années ?

Les communicants professionnels, seraient eux devenus victimes du « Dégagisme-Sortez les sortants ». Les célèbres monstres sacrés, John Podesta, Stéphane Gobeil, Craig Oliver, Adam Schiff, Stéphane Fouks, Anne Méaux, Robert Zarader, ou Jacques Séguéla et leurs successeurs auraient donc perdu la main ?

Mais, tout d'abord, qu'est-ce que la communication politique ? C'est «l'outil» qui permet une confrontation constructive des discours contradictoires des trois acteurs considérés comme légitimes lors d'élections. Ces acteurs sont les hommes politiques, l'opinion publique, et les journalistes. C'est là toute l'originalité de la communication politique, gérer les dimensions souvent contradictoires et complémentaires d'une démocratie de masse volatile. On l'oublie souvent, mais les journalistes sont l'un des trois acteurs légitimes lors d'élections démocratiques.

À quoi reconnait-on un bon communicant politique ?

Il ou elle, est tout d'abord fidèle, mais aussi discret et surtout capable d'autodérision, faculté vraiment nécessaire à cet exercice qui peut facilement donner la grosse tête, et vous éloigner de la majorité des électeurs.

Durant ses années d'études, de préférence en fac publique, ce communicateur aura dû côtoyer des anars, des trotskistes, des fachos, des communistes. En résumé, il aura du tout simplement passé son temps avec des étudiants brillants et ratés, issus de toutes les couches de la société.

Camaraderie, gueuletons, pétards, matchs de foot, cinémas et dragues, auront dû aussi faire partie de la formation de ce qui est/étaient de bons communicants politiques.

Car, il ne faut surtout pas oublier que pour qu'un candidat soit élu, il a besoin de millions de voix.

Et rappeler que le candidat devra obtenir plus ou moins 50% des voies des professions libérales, des cadres, des professions intermédiaires, des employés, des ouvriers, des retraités, mais aussi des artisans, commerçants et chefs d'entreprise. Le communicant devra donc connaitre assez bien toutes ces strates de la société.

On est alors trop éloigné de leurs émotions, souvent reptiliennes, un déterminant pour les électeurs dits volatils.

En résumé, si on n'a pas côtoyé au cours de sa vie, lieu de résidence, enfance, études, sports, emploi, la plupart de ces classes sociales, on ne maîtrise pas la sensibilité de la plupart des dites classes sociales. On est alors trop éloigné de leurs émotions, souvent reptiliennes, un déterminant pour les électeurs dits volatils. (Lire : Les Démons de Dostoïevski)

Certains communicants politiques doivent aussi cesser de se prendre pour des gourous, à « grosse tête », roulant en voitures de luxe. S'ils sont bons, ils doivent d'abord n'être que de simples accompagnateurs, aidants le candidat à se retrouver et à anticiper. Ils doivent aussi, et surtout, faire parler le candidat, se faire confier ses secrets, faiblesses, et casseroles ou conflit d'intérêts. Ils doivent aussi écouter, s'imprégner et ne pas se laisser influencer. Ils doivent enfin avoir les avis arrêtés et spontanés d'une personne normale, vivant dans un environnement normal, et disposant de revenus normaux !

Les communicants doivent absolument être aussi indépendants financièrement, et, ils ou leurs entreprises, ne doivent pas être des «obligés du pouvoir» ou d'un parti. L'indépendance permettra de faire valoir leurs désaccords. Enfin, et c'est la clé, ils ne doivent surtout pas appartenir au cercle des conseillers politiques.

Ces communicants ne doivent pas non plus être des technos venant des quartiers favorisés, ayant étudié dans les meilleures écoles privées, des experts, souvent hyper intelligents, qui se noient avec volupté dans les chiffres et sondages et renâclent à revendiquer les approches sociétales réalistes.

En conclusion

Au cours des cinq dernières années, la communication des politiques a muté. Cela bien sûr à cause des réseaux sociaux, le nombre de médiums et de contenus ayant explosé. Cela a rendu l'électorat encore plus volatil. Aujourd'hui, on ne peut donc plus assommer l'électeur de slogans, ou d'éléments de langage. La société étant très segmentée, les partis n'ont plus de poids prépondérants, et la communication est devenue participative ! Des réunions et stand-ups « au déboulé » relativement improvisés feront la différence. Le vainqueur sera celui qui aura su s'entourer d'équipes jeunes, spécialisées par couches de la population, et, si le candidat est bon, c'est le numérique qui fera la différence. Celui-ci ne devra surtout pas venir de la politique, l'impératif c'est qu'il vienne du secteur alimentaire.

Sinon, le candidat sera vite ringardisé, car il aura oublié de parler aux laissés pour compte, aux pauvres et déclassés qui ont de la peine à faire les fins de mois. Toutes ces populations qui se vengeront sur les réseaux sociaux, et s'acharneront d'une manière enragée à lyncher ces hommes qui ne les ont pas entendus. Ces actions « violentes » sur les réseaux où tout est possible, et tout est permis, influenceront aussi une partie des classes moyennes favorisées.

Conclusion bonus :

Et pour votre culture, relisez Le Prince de Machiavel écrit vers 1450 ! Ces variations naissent premièrement d'une difficulté naturelle : à savoir que les hommes changent volontiers de maître, pensant améliorer leur sort, et cette croyance leur fait prendre les armes contre leurs princes ; ce en quoi ils se trompent, car ils s'aperçoivent ensuite, par expérience, qu'ils s'en trouvent plus mal.

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