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Saint Dallaire (partie 2)

On a décrété qu'il y avait eu génocide des Tutsis avant même d'avoir rigoureusement fait enquête. En fait, on ne voulait pas savoir ce qu'il s'était vraiment passé.
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Ce billet est le deuxième d'une série de six textes du même auteur sur Roméo Dallaire et le génocide du Rwanda. Pour lire tous les autres billets, cliquez ici.

Au risque de vous décevoir, sachez que personne n'a vraiment compté et identifié les cadavres en 1994, au Rwanda. Les os empilés ne disent pas s'ils ont appartenu à un Tutsi ou un Hutu. On a décrété qu'il y avait eu génocide des Tutsis avant même d'avoir rigoureusement fait enquête. En fait, on ne voulait pas savoir ce qu'il s'était vraiment passé.

C'est ainsi qu'on comptait légitimer le pouvoir du Front patriotique rwandais (FPR), qui avait attaqué le Rwanda en 1990, y avait massacré beaucoup de monde et avait causé le déplacement d'une partie importante de la population. Avant le génocide, la guerre déclenchée par le FPR avait fait des milliers de morts et avait chassé de chez eux un million de personnes, soit environ 15 % de la population du pays. Ces déplacés croupissaient aux portes de Kigali, dans des camps d'où l'on sortait une centaine de cadavres par jour. Mais, malgré ses crimes, il fallait que le FPR ait l'air d'une brigade de joyeux rebelles. C'est pourquoi l'histoire du génocide des Tutsis est apparue.

Le dogme imposé par le FPR

Le nombre de morts que l'on brandit sans cesse, c'est-à-dire de 800 000 à un million de Tutsis et de « Hutus modérés », ne repose sur aucune évaluation sérieuse. Les cadavres n'ont généralement pas été identifiés puisqu'ils ont été abandonnés aux vautours ou jetés à la hâte dans des fosses communes ou dans des cours d'eau. Ils ont aussi parfois été déterrés pêlemêle, transportés en cachette, puis enterrés de nouveau ailleurs ou exposés sous forme d'ossements dans des centres commémoratifs, où ils sont tous devenus des Tutsis, comme par magie.

L'ex-procureure du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) Carla Del Ponte précise que le régime du FPR ne lui a jamais donné l'autorisation d'ouvrir une seule fosse commune pour compter les corps. Évidemment, elle n'a pas non plus été en mesure de les identifier ou de les soumettre à des expertises médicolégales. Personne n'a donc pu recueillir des preuves matérielles et scientifiques permettant de déterminer qui étaient les auteurs des tueries, qui en ont été les victimes, de quoi elles sont mortes et à quel moment.

À partir de 1998, les chercheurs Christian Davenport et Allan C. Stam se sont rendus à maintes reprises au Rwanda et ont pu analyser des montagnes d'information : rapports d'organismes humanitaires, cartes montrant l'emplacement des troupes, renseignements de la CIA, témoignages d'anciens du FPR, etc. Ils se sont aperçus que l'histoire du génocide des Tutsis comportait de graves déficiences logiques et mathématiques. Voici un extrait de leur article What really happened in Rwanda?, publié en 2009 :

Notre deuxième constatation provient d'une comparaison entre les données du recensement de 1991 et l'information sur les violences que nous avons recueillie. [...] Le Rwanda comptait environ 600 000 Tutsis en 1991, et environ 300 000 auraient survécu aux massacres de 1994, selon l'association de rescapés Ibuka. Par conséquent, si le nombre total de morts se situe entre 800 000 et 1 million [...] plus de la moitié des personnes tuées étaient des Hutus.

Soulignons qu'après avoir pris le pouvoir, le régime du FPR a toujours refusé de compter le nombre de Tutsis vivant au Rwanda. Immédiatement après avoir présenté cette information pour la première fois lors d'une conférence au Rwanda, Davenport et Stam ont été expulsés du pays par le FPR et se sont vu interdire d'y retourner, ce qui ne les a pas empêchés de faire d'autres constatations troublantes, dont celle-ci :

Les tueries dans la zone sous l'emprise des forces armées rwandaises (FAR) semblaient croitre en intensité lorsque le FPR faisait des gains de territoire. Au moment où le FPR avançait, les tueries à grande échelle augmentaient. Lorsque le FPR arrêtait, les tueries diminuaient beaucoup. [...] Conformément à ce qu'ont toujours prétendu les FAR, elles auraient pu mettre fin à la plupart des tueries si le FPR avait stoppé son invasion [ce qui est contraire] à l'affirmation du régime Kagame, selon lequel le FPR continuait son invasion pour faire cesser les tueries.

Des témoins oculaires et des rapports incriminants

Les résultats des analyses de Davenport et Stam sont corroborés par des témoins oculaires externes, comme Marcel Gérin et Gloria Martinez, qui ont été capturés par le FPR et ont failli y laisser leur peau. Alors qu'ils étaient prisonniers, en avril 1994, ils ont assisté à des massacres de masse commis par les soldats du FPR, y compris des enfants-soldats. Le journaliste belge Peter Verlinden a recueilli les témoignages de Marcel Gérin et Gloria Martinez, qui affirment avoir vu de leurs yeux des centaines de cadavres flotter sur des lacs et des rivières et avoir « roulé [en voiture] dans le sang et les cadavres entre Kabarondo et Kibungo, sur 30 km ». Ils précisent que ces cadavres n'étaient pas des victimes des « extrémistes hutus », mais bien des victimes du FPR. Les médias canadiens ne s'intéressent pas à Christian Davenport, Allan C. Stam, Peter Verlinden, Marcel Gérin et Gloria Martinez.

Il existe en outre des documents apparemment inconnus des journalistes habitués à nous seriner les récits de victimisation des Tutsis plus ou moins acoquinés à Paul Kagame. Ces documents très incriminants pour ce dernier concordent avec les analyses sérieuses et les témoignages crédibles. Il s'agit, par exemple, d'un rapport de l'ONG Refugees International et du fameux rapport Gersony, dont les États-Unis et l'ONU ont caché l'existence pendant des années, mais qui a finalement été retrouvé par l'ancienne procureure Carla Del Ponte, seule titulaire de ce poste à s'être montrée intègre. Par ailleurs, dans une lettre écrite à Paul Kagame, en mai 2009, un groupe de sept détenus du TPIR souligne, avec détails à l'appui, que de nombreux morts prétendument tutsis enterrés ou exposés à Kigali sont en réalité des victimes majoritairement hutues du FPR.

Il ne fait aucun doute qu'au cours de l'année 1994, le FPR, protégé par les États-Unis et leurs alliés, a commis des massacres de masse qui n'ont jamais fait l'objet d'aucune poursuite judiciaire et qui sont occultés par les médias. Ces massacres sont parfaitement conformes au comportement criminel du FPR et de Paul Kagame jusqu'à aujourd'hui. D'abondantes preuves matérielles montrent indubitablement que, depuis 1990, sur une période d'un quart de siècle, le FPR n'a pas arrêté de massacrer des Rwandais et des Congolais, avec la complicité jamais démentie des grands moralisateurs qui, en avril de chaque année, « se souviennent » du « génocide des Tutsis », mais pratiquent l'amnésie volontaire concernant les millions de victimes hutues et congolaises du FPR.

EN COMPLÉMENT :

En avril 1994, Marcel Gérin et Gloria Martinez sont capturés par le FPR et sont témoins de ses massacres. Reportage de Peter Verlinden.

En 1994, à Goma, un million et demi de Hutus ayant fui le FPR s'entassent sur la roche volcanique à Goma. Les cadavres sont déversés dans des fosses communes au rythme de 2 000 par jour. Reportage de Jim Wooten.

Cinq mythes sur le génocide des Tutsis

Mythe 1 : Le génocide était planifié.

Depuis le début de ses travaux, en 1995, le TPIR, qui a jugé 75 accusés et dont le budget pour 2010-2011 seulement était de 245 millions de dollars, n'a trouvé aucune preuve de planification d'un génocide des Tutsis par des extrémistes hutus influents, au cœur de l'État rwandais. Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé, puisque le TPIR n'a jugé que des Hutus et n'a jugé aucun membre du FPR. Le colonel Bagosora, le « diable » de Roméo Dallaire, a été lavé de l'accusation « d'entente pour commettre un génocide ».

Mythe 2 : L'Akazu.

Cellule de planification du génocide prétendument constituée autour du président Habyarimana et de sa femme, Agathe, l'Akazu n'a en fait jamais existé. Les auteurs de cette fiction l'ont admis devant le TPIR, au cours du procès du beau-frère de Juvénal Habyarimana, Protais Zigiranyirazo, qui a été complètement lavé de toute accusation et libéré après 8 années de détention. Il était défendu par l'avocat montréalais John Philpot. L'un des auteurs de la légende de l'Akazu, Faustin Twagiramungu, ex-premier ministre du Rwanda sous le régime du FPR, a répété dernièrement à la télé que lui et d'autres opposants politiques hutus du régime Habyarimana avaient inventé l'Akazu, qui signifie « maisonnée » en kinyarwanda, dans le but de discréditer le président et son entourage. Pourtant, pendant des années, à grand renfort de faux témoignages organisés par le FPR, on a laissé entendre au TPIR que c'était l'Akazu qui avait préparé le génocide.

Mythe 3 : La milice Interahamwe était aux ordres des génocidaires hutus.

Cette milice avait été formée pour défendre le Rwanda en état de guerre, mais elle était en fait dirigée par un Tutsi, Robert Kajuga, qui aurait été un agent du FPR, selon Aloys Ruyenzi, un ancien membre de la garde rapprochée de Paul Kagame. Les membres de la milice Interahamwe auraient ainsi pu être manipulés par Kagame pour commettre divers massacres de Tutsis pouvant être imputés aux « extrémistes hutus ».

Mythe 4 : La RTLM a propagé la haine des Tutsis en prévision du génocide.

La Radio-Télévision Libre des Mille Collines (RTLM) n'appelait personne au génocide avant la mi-avril 1994, c'est-à-dire avant que le FPR ne commette l'attentat du 6 avril 1994 et que les combats et les tueries ne reprennent. En revanche, le FPR avait sa radio de propagande, Radio Muhabura, qui, bien avant que la RTLM ne se mette à déraper, incitait à la violence, camouflait les crimes de guerre du FPR et critiquait tantôt l'inaction, tantôt les interventions militaires de la communauté internationale.

Mythe 5 : Les extrémistes hutus déshumanisaient les Tutsis en les traitant de cafards.

En kinyarwanda, le mot inyenzi veut dire effectivement « cafard », mais c'est aussi un acronyme désignant une milice tutsie et ayant pour signification « le combattant de la milice Ingangurarugo qui s'est donné pour objectif d'être le meilleur ». Les membres de la milice Inyenzi se félicitaient de s'être nommés ainsi parce que le cafard illustrait bien leurs méthodes lors de leurs incursions et leurs attaques au Rwanda, dans les années 1960. Les cafards ont de la facilité à se multiplier, à disparaitre et à apparaitre partout, surtout là où on les attend le moins. En 1994, avant le début du génocide, le mot inyenzi était employé pour désigner non pas les Tutsis en général, mais les combattants du FPR, qui ravageaient le Rwanda depuis octobre 1990.

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