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Lettre au Pape François à l'occasion de Noël

Je suis un «catholique à gros-grain», pour reprendre une vieille expression du terroir québécois. Je ne suis guère le plus chrétien, le plus fervent, le plus vertueux, le plus enthousiasme et le plus saint.
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Je suis un «catholique à gros-grain», pour reprendre une vieille expression du terroir québécois. Je ne suis guère le plus chrétien, le plus fervent, le plus vertueux, le plus enthousiasme et le plus saint. Bien en contraire! Je ne vais pas à la messe à chaque semaine, mais souvent. Et même si j'aime les valeurs de l'Évangile, elles ne trouvent pas toujours un écho dans mes comportements du quotidien.

Et puis, comme vous et bien d'autres personnes, j'ai mes rigidités, mais je ne suis guère fondamentaliste.

Je fuis toute forme de radicalisme. Je suis un pacifique. J'ai en horreur les conflits. Comme l'ancien premier ministre canadien Wilfrid Laurier, j'aime la conciliation. Un jour, peut-être que c'est moi qui permettra à Dieu et au diable de trouver un terrain d'entente.

Ainsi, on ne me verra guère dans les manifestations anti-avortement ou contre l'aide médicale à mourir. Je suis pro-vie dans ma vie personnelle et pro-choix pour la sphère publique. Je crois fermement que je n'ai pas à imposer mes valeurs morales et religieuses à l'ensemble de la société.

J'aime «spiritualiser» les vieilles images religieuses. Pour moi, la croix est un signe de croissance. Les mots croix, crise et croissance n'ont-ils pas la même racine langagière? Lorsque je vois un crucifix, je vois avant tout un symbole mathématique. La croix est un « plus ». Ce « plus » est une invitation au dépassement et à additionner les gestes de charité envers les autres, surtout envers ceux qui ne m'aiment pas.

Je suis de mon époque et de ma culture. Celle où j'ai grandi et évolué ébranle mon identité catholique. Elle me force à continuellement me remettre en question, convertir ce qui doit l'être en moi et à nommer en qui et quoi je crois.

Ma foi chrétienne se vit comme si je portais un secret, voire un trésor dans un vase d'argile. J'en parle avec peu de verbes et avec beaucoup de gestes. Plus ces derniers paraissent anodins, plus ils semblent parler forts. De toute manière, au Québec tous les mots issus du christianisme sont perçus comme des maux. Ils allument la suspicion.

Devant ma société qui est devenue réfractaire au religieux, je dois rester humble et discret, ferme et debout.

Il n'est pas facile d'être catholique au Québec. Les Québécois n'aiment pas la religion ou, en d'autres mots, en sont venus à haïr religieusement la religion. Dans un sondage CROP paru en 2014, 45% des répondants disaient avoir une perception négative de la religion.

Je fais sourire lorsque je dis que je suis allé à la messe. Je sens les préjugés : «Ça va bien dans sa tête? »; «Tiens, il est allé parler à ses bonshommes imaginaires! Est-il devenu schizophrène? »; «Donnez-y des pilules quelqu'un!».

Avoir la foi au Québec s'est assurément devoir la professer sans porte-voix, sans trop la nommer dans la sphère publique et sans dire qu'elle inspire plusieurs de mes idées. A moins de vivre sur une île nordique au fond du Nunavut, on a affaire à des propos méprisants lorsqu'on ose le faire.

On dirait qu'il est interdit d'être différent, que tout le monde doit être pareil, qu'on ne doit pas avoir d'identité individuelle, qu'on doit se fondre dans la masse...

Est-ce que le Québec serait en train de vivre une forme de génocide ou de suicide culturel? Ici, on a élevé la laïcité en dogme. Je suis d'accord avec la séparation de la politique et la religion, mais mal à l'aise devant le « laïcisme » sectaire et intolérant. Il est devenu une sorte de vérité à croire, une philosophie dogmatique: hors du « laïcisme », point d'avenir. Cela rappelle le discours passéiste: «Hors de l'Église, point de salut». Mon peuple est passé d'un fondamentalisme religieux à un fondamentalisme laïc. Est-il possible de trouver un juste milieu entre les deux?

Il y a plusieurs années qu'on tente de chasser toutes traces du passé catholique de ma société. Bien entendu, au nom de l'art, on préserve et rénove quelques vieilles églises, mais on investit peu dans l'héritage humain et spirituel de Marguerite Bourgeoys, Jeanne Mance, Marie de l'Incarnation, Marguerite d'Youville, François de Laval, Isaac Jogues et tous les autres qui ont bâti mon pays. Devant l'adage «Je me souviens» affiché sur l'Hôtel-du-Parlement, à Québec, il est triste de constater que la mémoire est limitée « par chez nous ».

Ces temps-ci, on va même jusqu'à s'interdire de parler du Noël traditionnel dans les écoles québécoises. Que peut-il y avoir de dangereux à parler qu'un enfant qui a transformé les valeurs de l'humanité soit né dans la plus stricte pauvreté entre un âne et un bœuf? N'y a-t-il pas une plus belle histoire - un conte devenu sacré pour les chrétiens - pour rappeler que c'est dans la pure simplicité que naissent les grandes choses?

J'étais d'accord en vous, lorsque vous affirmiez, en novembre, que «notre identité n'est pas à vendre» qu'il ne faut pas la mettre «aux enchères sous prétexte de vouloir être comme tout le monde» et que «la pensée unique est le fruit de la mondanité et conduit à l'apostasie».

J'aime me souvenir des propos du Dalaï-Lama: «La meilleure des religions, c'est celle qui fait de toi un meilleur humain».

A l'occasion de la fête de la Nativité, je tiens à vous exprimer mes souhaits de bonheur. L'Enfant Roi nous invite à garder le cœur ouvert.

En 2017, à l'occasion du 475e anniversaire de la fondation de Montréal et du 150e du Canada, j'espère vous savoir près de nous. Ici, on a besoin qu'on nous invite à nous souvenir du «gros grain» de nos origines. Comme dans le récit merveilleux de la naissance de l'Emmanuel, il y a quelque chose de divin dans l'histoire du Canada.

Avec l'assurance de mes prières - et merci de le faire pour mon pays et ma famille -, recevez mes salutations les meilleures.

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