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Iran: la surprise Hassan Rohani

L'élection dès le premier tour du candidat le plus "libéral" à l'élection présidentielle iranienne constitue un gage de bonne volonté longtemps attendu du régime de Téhéran envers ses adversaires, aussi bien en interne qu'à l'étranger.
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L'élection dès le premier tour du candidat le plus "libéral" à l'élection présidentielle iranienne constitue un gage de bonne volonté longtemps attendu du régime de Téhéran envers ses adversaires, aussi bien en interne qu'à l'étranger. Cela ne préjuge en rien de l'avenir, mais ouvre prudemment de nouvelles perspectives.

Que signifie l'élection d'Hassan Rohani?

Que le régime a refermé la séquence désastreuse de 2009, avec quatre ans de retard. Implicitement, le régime reconnaît même avec subtilité le trucage de la réélection d'Ahmadinejad. Le grand écart dans la mathématique électorale est en effet d'autant plus absurde qu'aucun heurt n'a cette fois été recensé.

Mieux. Des gens ont célébré dans la liesse la victoire de Rohani dans les rues, y compris en scandant des slogans appelant à la libération des dirigeants de l'opposition "verte", Mir-Hossein Moussavi et Mehdi Karroubi. On est revenu à un processus plus classique et serein: l'ensemble des candidats, tout comme le Guide Suprême, ont rapidement félicité le nouveau président.

Son élection est une double surprise. D'abord parce que Rohani était le candidat soutenu par les réformateurs, ensuite parce qu'elle s'est faite dès le premier tour. Ironiquement, il n'est pas exclu de penser que le régime a pu "aider" Rohani. Son score juste au-dessus de la barre symbolique des 50% pourrait l'indiquer.

Contrairement à 2009, où le trucage s'est fait en urgence et de manière grossière, le système a cette fois eu tout le temps de soupeser les possibilités. Sous le régime islamique, les paroles n'ont que très peu d'importance, contrairement aux actes. Et la validation rapide de la victoire de Rohani est un acte symbolique fort de la part du régime.

Il ne représente nullement un "revers" pour le Guide ou le régime lui-même, mais la traduction d'un choix pragmatique (jouer l'apaisement en appuyant le vainqueur) face à une situation de plus en plus inextricable (asphyxie économique et montée de la grogne populaire).

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Hassan Rohani remporte la présidentielle en Iran

Qui est le nouveau président?

C'est un homme du sérail, assez peu charismatique. Son profil en fait un produit on ne peut plus "classique" du régime islamique. Et jusqu'à son nom (qui n'est pas celui de naissance), qui veut dire "spirituel "en Persan. L'hodjat-ol-islam (rang directement inférieur à ayatollah) Rohani passe davantage pour un digne successeur des présidents Rafsandjani et Khatami, tous deux membres du clergé, que du laïc Ahmadinejad.

Contrairement à ce dernier, qui s'était formé durant la répression des débuts du régime islamique, Hassan Rohani fait partie de cette caste d'intellectuels religieux qui ont pu faire des études à l'étranger avant la révolution. Il parle d'ailleurs plusieurs langues.

C'est un très bon connaisseur des questions de sécurité nationale et de l'armée. Il a occupé et occupe encore des postes de responsabilité dans la plupart des instances importantes du régime (Conseil de Discernement, des Gardiens, Conseil suprême de Défense, Parlement, cabinet présidentiel...). Sa légitimité "islamique", tel que définie par le régime, est incontestable.

Il entretient par ailleurs des liens avec les puissants Gardiens de la Révolution (Pasdaran), noués depuis les années 1980. On peut lui reprocher mais c'est un atout dans le contexte de militarisation rampante du régime.

Enfin, pour les Occidentaux, il est l'homme qui, en tant que négociateur international, aura réussi à faire accepter au Guide la seule et unique suspension à ce jour du programme nucléaire, il y a dix ans déjà. Encore une fois tout est dans le symbole !

Que peut-on attendre des prochains mois?

Hassan Rohani prendra ses fonctions en août. Les premiers mois de sa présidence devraient être marqués par de nouvelles tentatives de négociations avec la communauté internationale, sur le nucléaire mais pas seulement. Les questions de sécurité régionale, en particulier concernant la Syrie, devraient être abordées.

Avec ce nouveau président, l'Iran donne aux Etats-Unis un argument supplémentaire pour convaincre son allié israélien de différer une attaque éventuelle des installations nucléaires. L'Etat hébreu perd en effet son meilleur épouvantail en la personne d'Ahmadinejad le provocateur négationniste. Rohani devrait apparaître plus posé et respectable.

Le fond des rapports de pouvoir en Iran n'a par contre aucune raison de changer : c'est le Guide suprême, Ali Khameneï, qui décide des questions les plus importantes pour le pays. Il va retrouver la position d'arbitre de l'ombre qu'il chérit tant, mais qu'il avait écornée en soutenant publiquement Ahmadinejad en 2009.

Il est vraisemblable que ni Khameneï, ni les Pasdaran, n'ont encore pris de décision définitive quant à un éventuel accord international pour soulager la pression des sanctions. Chacun va attendre de voir ce qui va lui être proposé. La dynamique des négociations va également dépendre de facteurs externes, comme l'évolution de la crise syrienne.

Il ne faut donc pas s'attendre à des changements rapides. Il est même possible qu'aucun changement n'intervienne. Au pire, grâce à l'élection de Rohani, le régime n'aura gagné que du temps, une fois de plus. Le scénario "à la birmane" d'une réforme encadrée du régime semble encore tenir de l'utopie.

Hassan Rohani fonde les espoirs de gens aux intérêts trop divergents : les décideurs du régime veulent s'assurer de leur survie, les libéraux réclament l'ouverture politique et les Occidentaux la fin des activités nucléaires controversées. L'équation iranienne compte encore un trop grand nombre d'inconnues pour que l'on entrevoie sa résolution.

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