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Cruz est détesté par presque tous les autres sénateurs et plusieurs d'entre eux l'évitent comme la peste.
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Dans une course présidentielle où toute l'attention semble être monopolisée par le cirque de la campagne Trump, il est important de se rappeler que l'élection ne fait que commencer et que plusieurs autres candidats peuvent causer une surprise, particulièrement dans un cycle électoral où toutes les lois de la gravité politique semblent avoir été abrogées.

Même si Donald Trump continue d'être de loin le favori des électeurs du Grand Ole Party (GOP), Ted Cruz est-il le fameux candidat modéré que le parti recherche, ayant remporté l'Iowa et défait Trump? En fait, il s'avère que Cruz est un autre boulet à la cheville des républicains.

Jeunesse et études

Ted Cruz est né à Calgary d'un père cubain et d'une mère américaine. Évidemment, cela cause tout un malaise dans la primaire, surtout considérant que Donald Trump lui-même accusait Obama d'être inéligible pour des raisons similaires il n'y a que quelques années, ce qui avait forcé le président à publier son certificat de naissance dans sa forme longue afin de taire les soupçons. L'ironie est savoureuse.

Ayant déménagé aux États-Unis très jeune, Cruz y poursuit son éducation et se fait remarquer lors de ses études secondaires comme étant un élève particulièrement alerte à la chose publique. À la fin de son secondaire, il a déjà donné plus de 70 discours sur la Constitution à travers le pays et est admis à Princeton, où il fera partie de l'équipe de débatteurs de l'université. Subséquemment, il fut nommé le meilleur orateur des États-Unis et termina en deuxième position au concours universitaire mondial. Graduant avec tous les honneurs, il entre ensuite à la faculté de droit de Harvard avant d'y graduer parmi la crème, encore une fois.

Dès cette époque, quiconque aurait pu prévoir que Cruz était destiné à un grand avenir. Ses professeurs le qualifiaient d'exceptionnellement brillant, mais déjà reconnaissaient l'arrogance crasse de l'homme, peut-être un peu trop conscient de sa douance. Encore aujourd'hui, il présente un confort déconcertant dans les débats télévisés de la primaire. Par moments, c'est presque caricatural. Il regarde la caméra droit dans l'objectif avec les étoiles dans les yeux, puis se lance dans un frivole oratoire sur peu importe ce qui est le sujet du moment, prenant des pauses bien calculées qui ne sont pas sans donner l'impression d'assister à une pièce de théâtre répétée des milliers de fois. C'est à la fois spectaculaire et intrigant, puisqu'on se demande un peu comment quiconque peut y croire.

La Maison-Blanche

En observant les accomplissements du jeune Ted Cruz, il est désormais plus facile de comprendre l'ascension fulgurante qu'il a connu jusqu'à être un candidat sérieux à la présidence des États-Unis. Collaborateur à la campagne de George W. Bush en 2000, il fait sa marque en politique. C'est d'ailleurs Ted Cruz qui a écrit la plainte à la Cour suprême des États-Unis à propos du recomptage de la Floride. En 2003, il est nommé solliciteur général du Texas avant d'être propulsé par le Tea Party et l'aile religieuse du GOP au poste de sénateur de l'État en 2012, dans ce qui est aujourd'hui reconnu comme la plus grosse surprise politique de l'élection.

Lors de ses quatre années dans le Sénat, Ted Cruz ne s'est fait que peu d'amis. Plutôt, il s'est fait des ennemis. Cruz est détesté par presque tous les autres sénateurs et plusieurs d'entre eux l'évitent comme la peste.

Certes, la haine et le mépris envers le sénateur Cruz ne sont pas incompréhensibles. Il est un idéologue, un partisan de la droite religieuse et du traditionalisme culturel. Un peu comme Donald Trump, Cruz dépeint dans ses discours un pays sur le chemin de la déchéance, se présentant comme l'intervention «reaganesque» de l'Amérique conservatrice.

Devant un piratage en règle de l'identité nationale au profit de ce qu'il appelle «l'establishement de Washington», Cruz propose à sa base de rétablir leurs voix dans le processus politique. Cependant, il a des méthodes bien peu diplomatiques. Le Sénat fut, en partie à cause de lui, une institution obstructionniste et inefficace comme jamais auparavant lors du dernier mandat d'Obama. Cruz menant la charge, le Sénat bloqua des douzaines de nominations présidentielles et alla même jusqu'à mettre en péril les efforts diplomatiques du président en envoyant une lettre au leader suprême de l'Iran afin de saboter les négociations de paix.

Dans une croisade encore plus vicieuse avec le Congrès, Cruz empêcha ce dernier de soulever le plafond de la dette du pays, forçant le gouvernement à littéralement fermer. En quelque sorte, il représente la politique spectacle et le populisme de droite dans sa forme la plus pure.

Et ça ne s'arrête pas là. Afin de consolider sa victoire serrée en Iowa, Cruz eut recours à des tactiques malhonnêtes dignes de l'époque de Nixon et du Watergate. Dans les heures qui ont précédé le caucus, sa campagne faisait des appels chez des partisans de Ben Carson prétendant que Carson se retirait de la course et qu'ils devraient rejoindre Cruz pour le caucus. Trois Pinocchio réunis pour comploter n'auraient jamais pensé à un mensonge aussi effronté. Évidemment, c'était complètement faux et Cruz fut crucifié sur la place publique pour sa malhonnêteté.

Il faut dire que Trump n'a pas tout faux quand il dépeint Cruz comme un menteur pathologique. Lorsqu'on lui pose une question, Cruz entend plutôt une nouvelle occasion de mentir sur quelque chose. Un exemple fort éloquent de ce vilain défaut a eu lieu lors d'une entrevue avec Fox News, où le journaliste interrogeait Ted Cruz par rapport à sa musique préférée. Cruz commence alors par dire qu'il était un grand fan de musique rock avant le 11 septembre et qu'à cette date, ses goûts musicaux ont «changé» vers le country, car il n'a pas aimé la façon dont la musique rock «a réagi» aux attaques de 2001. Sérieusement, il a sorti la carte du 9/11 quand on lui a parlé de sa musique préférée.

Ses positions

Comme je l'ai mentionné plus haut, Ted Cruz est un idéologue convaincu et convaincant.

Ses valeurs ne sont toutefois pas toujours alignées avec les positions du Parti républicain et c'est précisément pour cette raison que le GOP ne veut pas de Cruz. Trop radical, trop bruyant, trop brusque et trop abrasif pour la marque républicaine.

D'abord, il est contre le mariage homosexuel, provision législative pourtant validée par la Cour suprême. Puis, il est catégoriquement contre l'avortement même en cas de viol (sauf si la mère est en danger de mort). Ensuite, il est un ardent défenseur de la droite chrétienne et, pour être honnête, c'est un combat de plus en plus difficile à justifier à l'extérieur de son État du Texas, où la population est encore profondément religieuse.

Afin de réduire la taille de l'État, le candidat propose d'instaurer une unique «flat tax» de 10 % sur les individus et de 16 % sur les entreprises. Évidemment, les économistes prédisent un trou de 8 trillions de dollars dans le trésor. Pour combler ce trou, Cruz abolirait plusieurs départements fédéraux, dont le département de l'Éducation.

Du côté environnemental, je ne surprendrai probablement aucun lecteur en vous apprenant que Cruz nie l'existence même du réchauffement climatique et ridiculise le problème.

Étonnamment, les idées de politique étrangère de Cruz ont beaucoup changé et ses positions sont souvent aux extrêmes du spectre. En 2013, il flirtait avec l'aile libertarienne du parti et affirmait que les États-Unis n'avaient «pas de chien dans la bagarre» en Syrie et qu'ils devraient laisser la région se stabiliser d'elle-même. Puis, lors d'un débat télévisé, il fit un appel à la fibre guerrière des Américains en proclamant qu'une fois président, il allait «carpet bomb» (terme militaire désignant un bombardement indiscriminé) la Syrie afin d'éliminer l'État islamique.

La violence et la naïveté de cette remarque ne furent pas ignorées par les médias, qui sont restés stoïques devant une incompréhension aussi flagrante et une vulgarisation aussi grotesque de la délicatesse de la situation au Moyen-Orient.

Après avoir été une vraie force de la nature dans le Sénat pendant 4 ans, Cruz se retrouve donc un candidat peu envisageable dans ce qui est déjà une élection imprévisible. Il est un homme extrêmement articulé, un politicien surdoué et un être humain exceptionnellement intelligent, probablement de l'ordre des plus grands. Cependant, sa personnalité désagréable a aliéné le seul allié qui aurait pu lui rendre la victoire possible face à Trump : l'establishement du parti.

La question est donc la suivante : est-ce que le GOP est prêt à se boucher le nez et à soutenir Cruz afin qu'il batte Trump ? Non. Le parti se réveille la nuit pour haïr les deux hommes et Trump représente une meilleure chance de victoire à l'élection générale.

Alors, pourquoi ne pas soutenir quelqu'un qui serait bénéfique pour le parti, direz-vous ? Car, que ce soit Jeb Bush ou Marco Rubio, Chris Christie ou Scott Walker, personne ne semble tenir le coup de la pression médiatique et les options commencent à manquer pour reprendre le contrôle du parti.

Ultimement, Donald Trump semble de plus en plus inévitable.

Cette série couvre les élections présidentielles américaines. J'y analyserai les différents candidats ainsi que la course au sens général, d'un point de vue d'observateur critique.

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