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Nous ne sommes plus en 1960

Mardi, le Conseil Supérieur de l'Éducation (CSE) a donné un avis défavorable à l'implantation d'un cours d'histoire à la formation obligatoire au CÉGEP. Il serait déjà bien facile pour n'importe qui de sensé, de perdre la tête devant la décision complètement absurde du CSE
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Mardi, le Conseil Supérieur de l'Éducation (CSE) a donné un avis défavorable à l'implantation d'un cours d'histoire à la formation obligatoire au CÉGEP.

Il serait déjà bien facile pour n'importe qui de sensé, de perdre la tête devant la décision complètement absurde du CSE. Manque de vision, amateurisme, défense du statu quo, nous pourrions aussi les accuser de manque jugement ou de négliger l'importance de la connaissance de l'histoire par la population dans une société. Après tout, savoir d'où on vient nous donne toujours une bonne idée d'où ne pas aller. (Insérer ici une blague sur l'élection du PLQ le 7 avril).

Le CSE, en réalité, se dit inquiet de voir la liberté de choix des étudiants réduite par le resserrement des balises dans la formation obligatoire. En d'autres mots, ils ont peur qu'en implantant un cours d'histoire obligatoire qui remplacerait un cours complémentaire, les étudiants perdent une portion de leur «droit» à choisir leurs cours.

Une question beaucoup plus large

Le manque de couilles du CSE dans ce dossier m'a amené à réfléchir longuement sur la pertinence de la formation préuniversitaire dans notre système d'éducation postsecondaire. Est-ce que le cégep est encore une institution au goût du jour?

Rappelons nous le but original des cégeps, qui est d'harmoniser les institutions préuniversitaires au sein d'un même établissement, mais aussi de donner une formation générale dans les domaines dominants de la société avant que les étudiants ne quittent pour l'université et qu'ils n'étudient qu'un champ en particulier.

En gros, enseignons la philosophie à nos jeunes pendant qu'ils sont là, parce qu'après ça, ils n'auront plus l'occasion d'en voir les bases autrement que par eux-mêmes. En quoi est-ce donc inquiétant que l'étudiant ne puisse plus choisir? Bien sûr, je peux comprendre qu'une personne puisse être plus intéressée par son parcours si elle choisit ses cours, mais le devoir de base d'une institution d'État ne prime-t-il pas l'intérêt de l'étudiant pour ses cours? La réalité, c'est que non. Plus aujourd'hui.

Nous en sommes à un point de convergence dans nos valeurs collectives où l'éducation supérieure est devenue la norme au succès. Nous la percevons comme garante d'un bel avenir et les cégeps l'ont compris. Plus besoin de réellement éduquer, juste besoin d'être une usine à «diplômes». «Diplôme» entre guillemets, puisque soyons honnêtes, un diplôme d'études collégiales (DEC) dans un programme préuniversitaire (arts et lettres, sciences humaines, etc.) n'est en fait qu'un laissez-passer pour l'université. Résultat : les étudiants voient le cégep de la sorte. Les universités se retrouvent avec des étudiants de moins en moins éduqués au moment de leur admission.

La triste vérité, c'est que l'intégration dans nos collèges de programmes préuniversitaires qui ne mènent pas directement au marché de l'emploi fut un échec total et une erreur majeure. Ne me méprenez pas, les établissements collégiaux sont absolument primordiaux pour leurs programmes techniques et pour leur expertise dans de nombreux domaines. Ils ne sont simplement plus adaptés à notre société.

Corriger le système

La solution? Les programmes préuniversitaires doivent disparaître. Tous, sauf le programme de sciences naturelles dans lequel les cégeps possèdent une expertise primordiale. Même si les étudiants apprennent quand même dans les programmes pré-universitaires, ils perdent beaucoup de temps simplement à attendre la prochaine étape et les universités québécoises ont la vie trop dure en raison de ce système. Elles ont besoin d'étudiants qui passent plus de temps entre leurs murs afin de se financer et les entreprises de la province ont également besoin de diplômés plus qualifiés, plus prêts à entrer dans le marché du travail.

Que l'on soit péquiste, libéral ou solidaire, force est de reconnaître que l'économie québécoise, aussi prometteuse soit-elle, est à l'arrêt. Je crois qu'une main-d'œuvre plus qualifiée fait partie de la solution, sans en former le tout. Notre monde a bien changé depuis la création des cégeps dans les années 60. Chaque jour, une plus grande part des emplois nécessite une formation universitaire. Notre économie a évolué. Nous avons le même nombre de pêcheurs et de fermiers, mais beaucoup plus de programmeurs, de journalistes, de fonctionnaires et d'entrepreneurs. Voici donc comment j'imagine une réforme du système d'éducation postsecondaire.

Après avoir obtenu leur diplôme d'études secondaires, les étudiants auraient le choix. D'un côté, ils peuvent choisir d'aller obtenir une formation technique dans un cégep afin d'intégrer le marché du travail dans trois ans. Bien évidemment, il serait possible de poursuivre sa formation à l'université comme auparavant, après sa technique. D'un autre côté, les étudiants pourraient choisir de faire ce qui pourrait être présenté comme une année préuniversitaire ou comme une année préparatoire. Au cours de cette année, donnée dans les établissements secondaires selon un horaire 9 à 4 de septembre à juin, les étudiants suivraient une formation générale dont le but premier est d'en faire des universitaires plus prêts au moment de l'admission. On y donnerait un cours de français qui serait axé sur les dissertations, un cours sur la recherche quantitative et qualitative, sur la recherche bibliographique, etc.

C'est également durant cette année que les étudiants étudieraient la philosophie, l'histoire du Québec, l'histoire du monde mais aussi les bases économiques dans un cours d'économie. Je pense à l'inflation, au crédit, aux budgets, etc. Un cours pourrait également porter sur les relations internationales. On y aborderait le rôle de l'ONU, la diplomatie et quelques notions de politique. Ces cours, vous le remarquerez, sont tous déjà donnés dans plusieurs programmes collégiaux et universitaires. Ils sont donnés sur deux ans au travers des sessions relativement courtes, des heures de cours écourtées et des lendemains de veille. L'année préparatoire aurait l'avantage de donner ces cours sur un horaire d'école secondaire, profitant ainsi de plus d'heures de cours et d'une seule session beaucoup plus longue. Les jeunes qui choisissent cette option auraient quand même la chance de vivre dans un milieu plus encadré et de vivre une transition de moins, soit celle entre le secondaire et le cégep. Les écoles secondaires seraient en partenariat direct avec les universités et pourraient monter ce programme ensemble, selon leurs besoins et limitations respectifs.

Cette année préparatoire remplacerait les programmes préuniversitaires en les condensant dans une seule année plus intense, plus axée sur le contenu universitaire en plus de permettre aux universités québécoises de se concentrer à approfondir les programmes de baccalauréat, n'ayant plus à couvrir la philosophie, l'histoire et tous les autres cours offerts en année préparatoire, chose qu'ils ne peuvent faire présentement en raison de la disparité des programmes pré-universitaires et de la complexité du cheminement. Évidemment, comme dans n'importe quel système du genre, une année serait ajoutée aux baccalauréats (BAC). Un BAC québécois durerait désormais quatre ans, comme partout ailleurs dans le monde.

Ainsi, les étudiants passeraient un an de moins à étudier un programme général et un an de plus à approfondir leurs connaissances et leurs compétences dans le domaine qu'ils ont choisi, le domaine dans lequel ils devront se trouver un emploi et dans lequel ils auront une carrière. On parle littéralement de diplômés universitaires 25% plus compétents au moment d'entrer le marché du travail. Cette année ajoutée permettrait aux universités de prendre en charge les étudiants plus tôt et ainsi de former des individus à la hauteur de notre société mondialisée dans laquelle les jeunes sont en compétition avec tous les finissants du monde dans leur domaine. Les entreprises québécoises pourront aussi profiter d'employés de qualité afin de propulser leurs activités.

Bien sûr, nous devrons financer nos universités en conséquence soit par le biais de fonds publics ou par une augmentation des frais de scolarité. Notre système ne peut continuer à se sectariser du reste du monde.

Notre monde change, changerons-nous notre société en conséquence? Historiquement, les sociétés qui n'ont pas su le faire ont été appelées à disparaître. Nous avons la chance de vivre dans un État où le pouvoir politique est fonctionnel et très rarement paralysé, il serait facile d'imposer une telle réforme.

Si les cégeps ne peuvent plus remplir leur mission originale, il est de notre devoir en tant que société de réagir et de réformer le système. Laissons nos institutions collégiales se concentrer sur les programmes techniques et laissons enfin nos universités prendre en charge les universitaires comme il se doit. Il est grand temps que le Québec revoie ses façons de faire en matière d'éducation supérieure. Donnons un coup de pouce à l'économie, aux universités, aux cégeps, aux étudiants et aux entrepreneurs : abolissons le préuniversitaire et instaurons une année préparatoire au secondaire.

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