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Élections américaines: que le festival du rien commence

Qu'est-ce qui va se passer, maintenant que le Grand Ole' Party a le contrôle des deux chambres? Rien.
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Les États-Unis d'Amérique ont choisi! Land of the free, home of the brave. Pas dans cette campagne.

En fait, nous avons eu droit à tout le contraire de la bravoure de la part des candidats démocrates au cours de cette campagne électorale. Une campagne pathétique, à tout dire. Obama étant à son plus bas dans les sondages d'appui, à 41% (Bush a touché le 19% à trois occasions), tout le monde court. Tout le monde se sauve du président, au plus vite. Ça a été jusqu'à un point où la candidate démocrate pour le sénat dans le Kentucky, Alison Grimes, n'a pas voulu répondre aux journalistes à savoir si elle avait voté pour Obama en 2008 et 2012. Bien sûr, la carte électorale américaine n'était pas très favorable aux bleus cette année, eux qui avaient gagné la plupart des états disputés cette année lors de leur envolée de 2008, la fameuse campagne « Yes we can ». (Ce ne sont pas tous les États qui votent en même temps.)

Alors on se retrouve avec un Sénat républicain et une chambre des représentants républicaine. Un peu comme si Philippe Couillard serait premier ministre dans un gouvernement péquiste majoritaire. Le Président devras faire cavalier seul sur les nombreux thèmes majeurs qui sont toujours sur la table, notamment en raison de l'obstructionnisme républicain historiquement sans précédent. On n'a jamais vu un congrès aussi incapable de toute l'histoire. Son taux d'appui est de 13%.

13% des gens croient que le congrès fonctionne. Laissez cela tremper un peu.

Pourtant, l'économie se porte mieux que jamais, l'ACA (Affordable Care Act) a été signé et implémenté avec succès, la bourse bat tous les records, le prix du pétrole est à son plus bas depuis des années et le chômage frôle le 6%. Pour vous donner une idée, Mitt Romney avait promis de le baisser à ce taux après quatre ans, Obama l'a fait en 18 mois. Comment? À coup d'ordres exécutifs. Les présidents se servent de cette mesure lorsqu'une situation est d'un sérieux tel qu'elle doit être adressée immédiatement, même sans l'accord du congrès. Obama a eu recours à ces ordres exécutifs présidentiels à d'innombrables occasions, menant FOX News et la droite conservatrice à le qualifier de tyran et de dictateur fasciste.

Mais qu'est-ce qui va se passer, maintenant que le GOP (Grand Ole' Party) a le contrôle des deux chambres? Rien.

Absolument rien. Pendant les deux prochaines années, il ne va rien se passer.

Alors, dans les rues américaines, le pays ne se transformera pas. Il aurait à peu près l'air de ce dont quoi il avait l'air lors des deux dernières années, alors que le congrès a fait... rien. Bien sûr, la première chose que les républicains vont faire en mettant le pied à Washington sera annuler Obamacare (ACA). Ils n'ont pas le choix. Ils se sont peinturés dans le coin avec. Cela fait depuis son vote initial en 2010 qu'ils menacent de le faire.

Donc, le premier point à l'agenda sera de dépêcher un projet de loi dans la chambre des représentants, ce qui n'est pas un problème. Si cela se trouve, il est déjà écrit et il attend sur le bureau de John Boehner, le leader de la majorité républicaine à la chambre. Ensuite, ils l'enverront au Sénat. Et puis vous savez quoi? Ça va sûrement passer aussi, surtout si les démocrates continuent de fuir le président comme la peste lorsque le vote arrivera. Et c'est probablement ce qu'ils feront. Au lieu de rappeler aux Américains à quel point ils en avaient besoin et de leur démontrer les faits : Obamacare fonctionne et plus de 15 millions d'Américains sont désormais assurés sous la nouvelle police.

C'est la moitié de la population du Canada. Littéralement comme si la moitié d'entre nous venait soudainement d'obtenir le droit d'être soigné sans débourser dans milliers de dollars. Mais non, évidemment, ils vont pisser dans leurs culottes comme ils l'ont fait depuis le début.

Alors, même si le Sénat nouvellement rouge réussit à passer une annulation d'Obamacare, leur maigre majorité d'un seul siège n'est même pas proche d'être suffisante pour contrecarrer un véto présidentiel.

Et oui, un véto présidentiel. La balance du pouvoir revient toujours au président. Sachant cela, pourquoi Barack Obama annulerait-il sa réforme-signature, son legs? Il n'a aucune raison, et c'est pourquoi il ne le fera pas. Ce n'est pas comme s'il se présentait en 2016. Il s'en va, il le sait, et il n'a plus rien à perdre. Il a mené sa dernière campagne électorale. En fait, la seule raison qui pourrait pousser le président à signer une annulation de sa propre réforme serait si les républicains arrivaient avec quelque chose d'encore mieux pour la remplacer. Une loi qui va encore plus loin que l'Affordable Care Act et qui règlerait les dernières anicroches d'une réforme déjà bien établie.

Mais ils ne le feront pas. Ils en sont incapables. Ils en sont pathologiquement, idéologiquement, au plus profond d'eux-mêmes, incapables. De toute façon, ils auraient pu le faire depuis le début en votant des amendements à la loi originale dans la chambre qu'ils contrôlaient. Mais ils ne l'ont pas fait, puisqu'ils en sont incapables.

La réalité, c'est que les républicains s'en contrefoutent de l'assurance-santé. Ce n'est pas à propos de l'assurance-santé. Ce n'est pas à propos du Affordable, du Care ou encore du Act. C'est à propos de battre Obama. C'est à propos de le remettre à sa place une bonne fois pour toutes.

Alors, ils enverront une annulation au président.

Et lui les menacera de véto.

Pourquoi ne le ferait-il pas? Ce n'est pas comme si le GOP allait offrir un compromis.

Et les choses s'arrêteront. Et rien ne va se passer.

Naturellement, la seconde chose que la nouvelle majorité républicaine tentera de faire sera d'impeach le président. (La procédure d'impeachement est la procédure légale américaine pour destituer un Président ou autre élu, par un vote dans la chambre des représentants et un procès public au Sénat.) Je vous le prédis : au début, ils vont s'en servir pour menacer Obama. Ils vont lui demander de hisser le drapeau blanc, d'admettre la défaite ou ils l'impeacheront. Ils seront très sérieux.

Par contre, Obama a prouvé au cours des cinq dernières années qu'il n'est pas gêné outre mesure par les menaces de la droite conservatrice. Mais quand même : les républicains, soulés par leur nouveau pouvoir, vont déchirer leurs chemises, se battre le torse et crier qu'ils vont réellement mettre la procédure en marche.

Ensuite, tout le monde leur dira qu'ils n'ont pas de réelle accusation, que le dossier va mourir et que d'être un Noir gauchiste dans la Maison-Blanche ne constitue pas un « haut crime », tel que stipulé dans la loi de destitution. Peut-être, alors, que la sanité va prévaloir et qu'ils abandonneront. Puis, ils se rendront compte qu'ils ne peuvent pas tapocher Obama à gauche et à droite et que lui aussi, peut se montrer très obstructionniste si son véto lui en dit. À ce moment, peut-être enverront-ils vraiment la procédure à la chambre des représentants. Et ça passeras! Les articles d'impeachement iront ensuite au Sénat.

Et une fois dans le Sénat? Le Sénat devrait juger le président. Publiquement.

Ils devront alors apporter de vraies preuves légales. De réelles accusations criminelles contre le président. Ils devront prouver qu'il est allé à l'encontre de la constitution et des lois du pays. Ils ne pourront pas présenter une autre histoire de bullshit inventée par Fox News et les fanatiques de la théorie de la conspiration. Pas dans un procès public devant le président de la Cour Suprême. La chambre peut agir comme une fosse à lynchage, mais pas le Sénat. Est-ce qu'ils ont quelque chose? Oui et non. Il est vrai que John Boehner poursuit présentement le Président en cour à propos d'une partie de la loi Obamacare initiale que son administration n'aurait pas implémentée.

Boehner poursuit le président pour ne pas avoir suffisamment appliqué une réforme contre laquelle il a voté à 54 occasions. 54. En fait, la poursuite est si ridicule que les deux firmes engagées pour l'exécuter ont démissionné.

Alors lorsque l'on parle de destitution, peu importe ce qui se passe, il faudrait que les républicains réussissent à rallier les deux tiers du Sénat à cette idée. On record, devant la nation. Et ça n'arrivera simplement pas.

Donc ils ne feront rien. Absolument rien.

Parce que c'est les seules choses que leur agenda contient : annuler l'ACA, destituer Obama, et si ça ne fonctionne pas, ne rien faire. C'est tout. C'est tout ce qu'ils ont. Si vous voulez voir une chambre à majorité rouge, regardez la chambre des représentants : ils ne peuvent même pas s'entendre sur quoi ils s'entendent. Et ce n'est même pas les démocrates qui lancent des singes dans les roues du GOP, ce sont les républicains. Ils sont tous hypnotisés par une possible course à la présidence en 2016 et tout le monde défend ses intérêts personnels, oubliant la politique nationale et préférant satisfaire leur base. Alors maintenant qu'ils ont le Sénat, que vont-ils faire? Payer la dette? Ils ne feront pas ça. Amener un budget équilibré? Ils ne feront pas ça. En fait, vous ne trouverez aucun budget équilibré républicain depuis Eiseinhower. Vont-ils toucher au salaire minimum? Ils ne feront pas ça, non plus.

L'enjeu des derniers mois était la sécurité de la frontière sud. Vont-ils enfin « secure the border », comme ils chignent depuis des lunes? Non, puisque cela va nécessiter des centaines de milliards de dollars et une quantité inimaginable d'organisation et de surveillance. Oh, et l'appui du président qu'ils viennent de tenter de destituer.

Une nouvelle politique énergétique? Une réforme bancaire? Une solution au Moyen-Orient? Une action sur le changement climatique? Sur la santé? La dette étudiante, l'inégalité grandissante, le contrôle des armes? Je ne retiendrai pas mon souffle jusqu'à ce que ça arrive.

Au lieu de tout ça, nous aurons droit aux mêmes vieilles niaiseries sur le mariage gai et Benghazi.

Ils ne feront rien et le compteront comme une victoire. Ils ne feront rien et le compteront comme une victoire parce que stopper Obama est la seule chose qui leur importe depuis le début.

Que le festival du rien commence.

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