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Élections: La mascarade de l'économie Britannique

Alors que les Britanniques seront appelés aux urnes le 7 mai prochain afin d'élire leur prochain gouvernement, l'économie du pays se porte mieux que jamais. Du moins, c'est ce qu'elle laisse croire, jusqu'à ce que l'on s'y attarde vraiment.
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Alors que les Britanniques seront appelés aux urnes le 7 mai prochain afin d'élire leur prochain gouvernement, l'économie du pays se porte mieux que jamais. Du moins, c'est ce qu'elle laisse croire, jusqu'à ce que l'on s'y attarde vraiment.

Le gouvernement prétend que l'économie s'est presque totalement remise de la crise financière globale de 2008. Écoutez l'opposition parlementaire parler, par contre, et vous aurez l'impression que la classe moyenne anglaise a peine à survivre, loin de sentir les effets d'une rémission de 2008. Observons les chiffres afin d'en tirer un portrait plus clair, plus nuancé.

Tout d'abord, il est vrai que dans sa mesure la plus générale, l'économie du pays a repris de plus belle du point de vue exclusif de la croissance du produit intérieur brut (PIB), celui-ci ayant progressé de 2,8 % en 2014, excédant la croissance de la plupart des économies majeures et doublant la moyenne de l'Union européenne, à 1,4 %. L'emploi se porte merveilleusement bien également, alors que plus de gens sont sur le marché du travail que jamais auparavant. La confiance des consommateurs est à un niveau sans précédent dans la dernière décennie et les taux d'intérêt sont à leur plus bas. Le tout, encouragé et renforcé par le prix du pétrole, qui a éliminé les effets de l'inflation. Si le dernier paragraphe vous donne envie de quitter pour le pays de l'Union Jack, pas si vite.

Une classe moyenne laissée derrière

L'Angleterre ayant un déficit budgétaire de 5 % (la moyenne de l'Europe avoisine les 3 %), le gouvernement a engagé, je suis sûr que ça vous rappellera quelque chose, un programme d'austérité afin de rétablir l'équilibre budgétaire. Le déficit zéro avait déjà été promis auparavant, mais des années de faible croissance et de revenus de taxes décevants (ou surestimés) ont rendu la tâche irréalisable. La façon de faire britannique semble être légèrement différente qu'au Québec, par contre. Le gouvernement conservateur de David Cameroun a choisi d'épargner les portefeuilles de la santé et celui des pensions, préférant plutôt couper dans les programmes d'assistances sociales de l'État et dans ses propres ressources humaines.

Les conditions budgétaires de l'Angleterre ne sont pas sur le point de changer non plus, puisque les États-Unis continuent à mettre de la pression sur le pays afin qu'il augmente ses dépenses militaires dans le cadre de l'OTAN et que les deux partis majeurs s'entendent pour prolonger l'austérité jusqu'en 2020, année projetée du premier budget équilibré. Cette projection est sérieusement remise en question par des prédictions de croissance revues à la baisse par les banques.

Ma question est la suivante : est-ce que la classe moyenne anglaise peut subvenir aux ambitions de son économie dans de telles conditions sur le long terme? La croissance l'a laissée derrière : les revenus des foyers ont stagné au mieux dans la dernière année, baissé le plus souvent. En fait, la London School of Economics (LSE) a estimé que les salaires nets ont baissé de 10 % depuis la crise. Mais alors donc, si les gens qui font de l'argent ne font pas plus d'argent, pourquoi est-ce qu'ils en dépensent plus qu'avant? La réponse se trouve dans la baisse du prix du pétrole, qui a envoyé les prix d'intérêt au plus bas dans une économie confiante, rendant l'emprunt presque gratuit pour les consommateurs. Comme effet direct de la baisse des taux et d'une situation économique qui ne s'améliore pas significativement pour les citoyens réguliers, ceux-ci empruntent plus qu'avant. Depuis la crise, l'endettement non hypothécaire a augmenté de près de 10 %. Cette statistique prend tout son sens sachant que le plus gros vecteur de croissance économique pour l'Angleterre est la dépense des consommateurs, selon l'Institute of Fiscal Studies. L'Angleterre s'enrichit sur le dos de la carte de crédit de ses citoyens. Une autre raison qui pousse les salaires à stagner est le gouvernement lui-même, qui tient un double discours dans ce dossier, en demandant aux entreprises anglaises de mieux payer leurs travailleurs, mais en gelant de son côté les salaires des employés de la fonction publique. Dans les trois dernières années, la banque alimentaire d'Angleterre a rapporté une augmentation de 618% dans ses demandes d'assistance alimentaire, figure qui exprime bien la difficulté de la classe ouvrière à suivre la parade.

Les changements apportés à l'âge de la retraite y sont également pour quelque chose. Le gouvernement de Cameron a choisi d'augmenter l'âge de la retraite à 69 ans, faisant de celui-ci le plus haut du monde industrialisé. L'effet nocif de cette mesure a été d'inonder le marché du travail de travailleurs qualifiés prêts à travailler pour un salaire moindre, entraînant les salaires de tous vers la stagnation. En raison de tous ces facteurs, l'économie de la Grande-Bretagne est l'une des moins efficaces des pays du G7, les données étant faussées par l'endettement, par un boom immobilier ainsi que par la baisse des prix du pétrole, qui a relâché l'étau autour du secteur primaire et secondaire.

Élections et Brexit

À quelques semaines des élections, ça n'est rien pour rassurer les marchés. D'autant plus qu'il est difficile pour ceux-ci d'imaginer une situation qui leur serait avantageuse stratégiquement. La tension raciale à son comble en Angleterre, les gens en ont assez de l'Union européenne, qu'ils voient comme un boulet exportateur d'immigrants pour leur nation. Il faut dire qu'il est vrai que les conséquences d'une sortie de l'Angleterre de l'Union européenne (Brexit) seraient plus grandes du côté européen, le Royaume étant un pilier de l'union. Pour être honnête avec vous, et ce sera probablement la seule fois que je donnerai une opinion dans ce billet, j'ai toujours trouvé ce rejet de l'UE comme adéquat, mais mal justifié. Les raisons qui motivent un Brexit devraient selon moi être plus philosophiques, devraient abonder dans un courant de décentralisation du pouvoir politique et de reprise de celui-ci par le peuple, seul vrai souverain de son avenir. Les motivations actuelles frôlent le racisme, flirtent avec le repli sur soi-même et la frustration. Quelles seraient les conséquences concrètes d'un Brexit suivant un référendum promis par Cameron en 2017?

Tout d'abord, cela fermerait la porte à plusieurs centaines de milliers d'immigrants européens qui circulent librement chaque année à travers les frontières du pays et qui peuvent y travailler légalement, réduisant significativement la main-d'œuvre disponible et idéalement, faisant augmenter les salaires.

Certes, l'Europe est de loin le plus gros partenaire d'échange de l'Angleterre et il est difficile d'estimer les conséquences engendrées par de nouvelles mesures de politique extérieure. (Droits de douane? Fluctuations dans l'Euro?) De plus, les Anglais doivent se rappeler que le prix du pétrole ne demeurera pas aussi bas indéfiniment, même si la remontée sera ralentie par la levée des sanctions sur l'Iran et que le marché peut sembler stable. Afin de vous imager l'ambivalence des experts au sujet des conséquences d'un Brexit, le think tank Open Europe a estimé qu'une sortie réussie pourrait bonifier l'économie de 1.6 % entre 2017 et 2030, alors qu'une sortie ratée pourrait l'amputer de 2.2 % sur la même période. Bien évidemment, ce sont des prédictions, je le répète, dures à réaliser étant donnée l'étendue de celles-ci dans le temps, mais aussi le nombre de variables et d'impondérables qui entrent en ligne de compte.

L'Union européenne, elle-même, survivra-t-elle au départ de l'un de ses plus gros joueurs? Plusieurs États ont songé à quitter l'Union récemment et un effet domino est une réelle possibilité, d'autant plus que la viabilité de l'alliance diplomatique et économique perdra beaucoup de sa pertinence advenant un Brexit.

Les marchés boursiers ne pourront pas tout à fait dormir sur leurs deux oreilles dans le cas d'une victoire du Labour d'Ed Miliband non plus. Le parti a beaucoup changé depuis Tony Blair et semble être plus prompt à intervenir dans le libre marché. Il prévoit réguler certaines industries et augmenter les taxes des foyers faisant plus de 220 000 $ de 45 % à 50 %, entre autres mesures visant à réduire l'écart de richesse laissé par le programme d'austérité qu'il entend poursuivre, dont 39 % des coupes visent les jeunes et les plus démunis.

Je note en terminant qu'une coalition parlementaire est difficilement envisageable, à la vue des sondages actuels. Miliband et Cameron seraient nez à nez, accompagnés d'un nombre record de députés originaires des plus petits partis comme les LibDems ou le UK Independance Party (qui récolte jusqu'à 20 % des intentions de vote dans certaines régions, tous en faveur du brexit.) L'entente à Westminster sera délicate, les marchés boursiers vont marcher sur les œufs qu'est la situation économique et politique, et plus ça va, plus j'ai l'impression que quelqu'un va se salir les souliers.

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Mai 2017

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