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Hommage à Gary Becker, l'homme qui a fait de l'économie une science sociale

La justification rendue par le comité Nobel pour lui décerner son prix en 1992 résume bien son œuvre. Selon eux, Gary Becker «a su étendre le domaine de l'analyse microéconomique à un vaste éventail de comportements et d'interactions humaines, y compris à des comportements qui ne relèvent pas du marché».
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Enseigner l'économie reste une tâche fastidieuse tant les angles d'approche sont nombreux. D'un côté les tenants de la branche mathématicienne se focalisent sur une modélisation de décisions et d'allocations très chiffrées (Roger Myerson, par exemple, économiste politique réputé, peut expliquer à ses élèves une campagne électorale avec des suites arithmétiques). De l'autre côté se tient l'école comportementaliste, fondée dans les années 1970 par Herbert Simon. Ce dernier trouvait (à juste titre d'ailleurs) que l'être humain n'était ni si rationnel que ses collègues le prétendaient, ni capable de résoudre un système de dix équations à autant d'inconnues pour savoir lequel du pain au chocolat ou du croissant il allait acheter à la boulangerie. Les économistes de ces différents courants se sont à de nombreuses reprises opposés, accusant l'autre camp d'être incapable de comprendre les choix individuels en étant, soit trop abstrait, soit érigeant des exemples en règles

Au-delà de ces querelles, il y avait Gary Becker.

La justification rendue par le comité Nobel pour lui décerner son prix en 1992 résume bien son œuvre. Selon celui-ci, il a su "étendre le domaine de l'analyse microéconomique à un vaste éventail de comportements et d'interactions humaines, y compris à des comportements qui ne relèvent pas du marché".

En d'autres termes il a réussi à rendre à l'économie sa définition première de science sociale, en basant toute son analyse sur les comportements humains. Ce n'est que de l'agrégation d'un grand nombre d'observations qu'il tirait une théorie.

Pour Becker, chaque situation de la vie de tous les jours, chaque tranche de cette vie pouvait être sujet à une analyse économique. Dans sa théorie du capital humain, il a démontré que l'éducation est un investissement comme un autre (et donc un capital). Ainsi, la décision de poursuivre ou non des études se base sur une analyse toute simple de coûts/bénéfices. Dans cette même théorie, il a souligné que les parents sont tout sauf altruistes lorsqu'ils choisissent de financer les études de leur progéniture. Le taux de rendement de l'investissement dans l'éducation de celle-ci est juste plus élevé qu'un plan retraite habituel.

Au-delà même des théories, sa conception très factuelle de l'économie se ressentait dans sa façon d'enseigner. Chaque cours commençait par une histoire simple, souvent un fait divers. Un voleur s'étant fait arrêter sur le campus de l'université de Chicago le matin même était une excellente accroche pour développer la théorie de la criminalité. Grâce à Gary Becker, chaque étudiant comprenait que l'économie était omniprésente dans chacun des choix qu'il pouvait faire. Alors il n'apprenait plus une matière comme un autre, avec ses règles et ses contraintes, avec ses théories et ses démonstrations. Il apprenait juste à vivre.

J'ai eu la chance de suivre l'un de ses cours (qu'il enseignait avec un autre excellent économiste, Kevin Murphy). Le sentiment qui me reste, et qui est partagé par les étudiants avec qui j'ai pu discuter, est que Gary Becker n'était pas un professeur qui enseignait. Il était un professeur qui collectait, analysait puis retranscrivait. Il a contribué à faire de l'économie ce qu'elle devrait toujours être: une boîte à outils utilisable par le plus grand nombre.

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