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Au-delà de cette dimension complexe mêlant religion, pouvoir de police et autorité administrative, Jérusalem demeure au centre de la construction idéologique et territoriale de l'État-nation israélien et palestinien.
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Alors que Mahmoud Abbas vient de reconnaître le caractère «caduc» des accords d'Oslo, Jérusalem se trouve au cœur d'un énième cycle de violence qui laisse planer le spectre d'une nouvelle intifada. La ville symbolise à elle seule le caractère complexe et multidimensionnel du conflit israélo-palestinien: religieux, certes, mais surtout idéologique/nationaliste et territorial. Ces trois aspects sont intimement liés et sont constitutifs de ce haut lieu de la «géopolitique de la Méditerranée»*.

Jérusalem abrite les lieux saints des trois religions monothéistes. Une ville «trois fois sainte», en somme, et source de tensions interreligieuses continues et plus ou moins intenses. Le «noble sanctuaire» (selon les musulmans) est le troisième lieu saint de l'islam: il recouvre le dôme du Rocher et la mosquée d'Al-Aqsa. Selon la tradition juive, le mont du Temple (détruit en 70 par l'Empire romain) était en lieu et place d'Al-Aqsa. Depuis l'annexion de Jérusalem-Est, Israël a pris le contrôle du mont du Temple, qui demeure administré par le Waqf, l'office des biens musulmans sous la souveraineté de la Jordanie. Un accord conclu en avril 2013 entre la Jordanie et l'Autorité palestinienne a officialisé le rôle du royaume comme gardien des lieux saints musulmans de Jérusalem. Toutefois, la police et l'armée israéliennes assurent l'ordre et contrôlent l'accès au site (autorisé en principe aux seuls musulmans qui viennent y prier, et interdits aux juifs à l'exception de certaines heures).

Au-delà de cette dimension complexe mêlant religion, pouvoir de police et autorité administrative, Jérusalem demeure au centre de la construction idéologique et territoriale de l'État-nation israélien et palestinien. C'est la représentation (unitaire/partagée) qui est en jeu. Ainsi, après l'annexion de la partie arabe de la ville, la Knesset a déclaré - en décembre 1980 - Jérusalem «réunifiée» comme «capitale» («éternelle et indivisible») de l'État d'Israël. Une revendication -rejetée par la communauté internationale, y compris par les puissances occidentales- qui s'oppose frontalement à la volonté des Palestiniens de faire de Jérusalem-Est la capitale de leur hypothétique futur État. Ces prétentions antagonistes s'inscrivent dans l'histoire même du conflit israélo-arabe et israélo-palestinien. Si la partie arabe de la ville fait partie intégrante de la Cisjordanie, la résolution onusienne n° 181 du 29 novembre 1947 sur le plan de partage de la Palestine reconnaît à la ville sainte un statut d'entité séparée qui la place sous le contrôle des Nations unies. Elle devait ainsi être dotée d'un statut international. À l'issue de la première guerre israélo-arabe, la partie orientale de Jérusalem a été conquise par l'armée jordanienne, la partie occidentale étant annexée par Israël qui en a fait sa capitale. La «guerre des Six Jours en 1967 marque un tournant symbolisé par l'annexion israélienne de Jérusalem-Est. Le gouvernement de Levy Eshkol entreprend une politique de «colonisation-judaïsation» de Jérusalem-Est, qui se traduit encore aujourd'hui par une succession d'expropriation et de construction de logements. Pourtant la résolution 242 du Conseil de sécurité (22 novembre 1967) évoque «le retrait des forces armées israéliennes de(s) Territoires occupés» dans le cadre de l'instauration d'une paix durable.

La politique de «colonisation-judaïsation» est prolongée par un autre phénomène également condamnable. Le 14 avril 2002, le gouvernement israélien dirigé par Ariel Sharon a décidé la construction d'ouvrages formant, selon Israël, une «barrière de sécurité» dans certaines parties de la Cisjordanie et de Jérusalem. Le 1er octobre 2003, le conseil des ministres a adopté un tracé complet formant une ligne continue sur une distance de 720 km le long de la Cisjordanie, au nom de la sécurité d'Israël. L'Assemblée générale a alors saisi la Cour internationale de justice (CIJ) pour obtenir son avis sur les conséquences, au regard du droit international, de l'édification de ce mur. Ainsi, dans son avis consultatif du 9 juillet 2004, la CIJ a conclu à l'illégalité du mur de séparation, car il concrétise une annexion de territoires occupés et son emplacement ne peut être justifié par des raisons de sécurité nationale. Dans son argumentaire, la Cour précise que «l'édification du mur qu'Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, et le régime qui lui est associé, sont contraires au droit international». Et de conclure: «Israël est dans l'obligation de réparer tous les dommages causés par la construction du mur dans le territoire palestinien occupé, y compris à l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est».

Si le droit international est suffisamment clair et univoque sur l'illégalité de la stratégie israélienne à Jérusalem, l'État hébreu continue de faire montre d'une défiance manifeste à l'égard d'une communauté internationale qui en appelle de plus en plus à la création d'un État palestinien avec Jérusalem-Est pour capitale. Une paix durable est à ce prix.

*Voir Béligh NABLI, Géopolitique de la Méditerranée, Armand Colin, octobre 2015.

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