Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Comment le Canada peut protéger les écoles dans les zones de guerre?

Le Canada doit veiller à ce que sa présence à l'étranger n'entrave jamais la capacité des enfants à aller à l'école en toute sécurité.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

«Sébastian» portait une chemise d'uniforme scolaire d'un blanc éclatant assortie à des chaussures de sport très sales. Nous nous sommes rencontrés dans une église de la ville de Mweso dans l'est de la République démocratique du Congo, car il voulait me raconter ce qui s'était passé dans son école.

Les yeux rivés sur ses chaussures pétries de boue, le garçon de 12 ans m'a raconté comment les soldats de l'armée congolaise avaient pris le contrôle de quelques salles de classe de son école un peu plus tôt dans l'année, pour les utiliser comme baraquements et base provisoire. Sébastian m'a expliqué comment il a vaillamment essayé de continuer ses études dans la salle de classe située à côté, qui faisait littéralement office de ligne de tir en cas d'attaque des rebelles. Lorsque nous avons discuté, il m'a dit qu'il espérait bientôt pouvoir continuer ses études en paix.

Il semble bien que les choses s'améliorent pour les élèves comme Sébastian au Congo. Le mois dernier, le Gouvernement congolais s'est joint à un engagement international connu sous le nom de Déclaration sur la sécurité dans les écoles (Safe Schools Declaration, en anglais). Lors de l'annonce de l'appui du Congo en faveur de cette Déclaration au Conseil de sécurité des Nations Unies, l'ambassadeur du Congo a déclaré que cet acte était la preuve de l'engagement de son pays de ne plus jamais utiliser des écoles à des fins militaires. Il a cité une ordonnance militaire congolaise qui interdit cette pratique. Il s'agit là d'un progrès majeur.

Pourtant, un bon nombre de personnes seront surprises d'apprendre que contrairement au Congo, le Canada ne dispose pas de politiques ou de règlementations militaires stipulant clairement que ses forces armées s'abstiendront d'utiliser les écoles à des fins militaires. Le Canada ne s'est pas non plus joint aux 56 pays qui ont d'ores et déjà endossé la Déclaration sur la sécurité dans les écoles. Il se doit de faire les deux.

Les pays qui ont signé la Déclaration sur la sécurité dans les écoles conviennent non seulement de restaurer l'accès à l'éducation plus vite lorsque les écoles font l'objet d'assauts, mais ils s'engagent également à limiter les risques d'attaques à l'égard des élèves, des enseignants et des écoles, avant toute chose. Leur objectif est de prévenir de telles attaques en s'engageant à mener des enquêtes et des poursuites judiciaires contre des crimes de guerre impliquant des écoles. Et ils acceptent de limiter l'utilisation des écoles à des fins militaires, comme baraquements ou bases, de manière à ne pas faire des écoles la cible d'attaques.

Le Canada a traditionnellement joué un rôle de premier plan pour défendre l'idée selon laquelle le pays doit préserver le respect de l'humanité en temps de guerre.

En outre, et ce point est peut-être encore plus important, la Déclaration sur la sécurité dans les écoles crée une communauté internationale engagée en faveur du respect du caractère civil des écoles, mais aussi du développement et du partage d'exemples de meilleures pratiques de protection des écoles face aux attaques et à l'utilisation militaire.

Le gouvernement Harper a refusé d'approuver la Déclaration lorsqu'elle a été lancée en mai 2015. Pour les autorités, les législations existantes relatives à la guerre, c'est-à-dire les normes minimales de base en fonction desquelles les acteurs étatiques et non étatiques doivent se battre, étaient suffisantes. De leur point de vue, le Canada n'avait pas besoin de faire mieux.

Et pourtant, le Canada a traditionnellement joué un rôle de premier plan pour défendre l'idée selon laquelle le pays doit préserver le respect de l'humanité en temps de guerre. À chaque fois que le Canada a l'opportunité d'adopter des mesures raisonnables pour limiter les préjudices et les destructions causés par la guerre, il devrait le faire.

De tels principes humanitaires ont conduit le Canada à défier le monde en 1996 pour interdire la production et l'utilisation de mines antipersonnel. Le Traité d'Ottawa qui en a résulté a depuis été ratifié par 162 pays, ce qui a permis de sauver la vie d'innombrables civils à travers le monde.

Ces principes ont mené le Canada à devenir le premier pays à ratifier, en 2002, un traité visant à éradiquer l'utilisation d'enfants soldats à travers le monde ; et, lors de sa dernière participation au Conseil de sécurité de l'ONU, à veiller à ce que le forum pour la paix et la sécurité internationales le plus important du monde consacre enfin du temps à la manière dont les conflits armés touchent les enfants.

La Déclaration sur la sécurité dans les écoles n'a rien d'un exercice hypothétique. En tant que membre de l'OTAN ayant des troupes déployées à l'étranger, et sachant que d'autres militaires vont bientôt être envoyés en tant que Casques bleus, le Canada doit veiller à ce que sa présence à l'étranger n'entrave jamais la capacité des enfants à aller à l'école en toute sécurité. Les 600 militaires canadiens récemment affectés à des missions de maintien de la paix seront tenus de respecter la règle de l'ONU qui stipule qu'ils ne doivent jamais utiliser les écoles durant leurs opérations - une norme encore plus stricte que dans la déclaration. La signature de la Déclaration représenterait donc peu de difficultés pour ces militaires.

Au Canada, environ 10 000 réfugiés syriens arrivés récemment vivent une situation nouvelle : une école sûre. Nous avons interrogé des centaines d'enfants syriens et leurs parents, et bon nombre d'entre eux nous ont dit que le fait de ne pas pouvoir bénéficier d'une éducation était une des raisons principales pour laquelle ils ont décidé de fuir leur pays - parce que leurs écoles étaient ciblées, utilisées par l'armée ou ne fonctionnaient tout simplement pas. Et cette situation n'est pas seulement le fait de la Syrie - les enfants réfugiés venant d'autres pays où les écoles sont en ligne de mire, tels que l'Afghanistan, le Congo, le Nigéria, et la Somalie, sont à présent tous scolarisés dans des écoles sûres au Canada.

C'est une excellente nouvelle - mais le Canada pourrait faire encore davantage pour aider les enfants vivant dans des pays où les écoles sont devenues des champs de bataille. Si vous partagez l'avis de Human Rights Watch que le Canada devrait signer la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, veuillez rajouter votre voix sur notre site web.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST (Disponible en anglais seulement)

Adeline Nsimire

Congolese Women Activists Mobilize For Change

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.