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Le meilleur pays au monde

Bon nombre de démocraties occidentales ont choisi de mettre en place des lois et des pratiques censées assurer la sécurité de leurs citoyens au détriment réel de la protection de leurs droits.
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«Le Canada est le meilleur pays du monde», a écrit Johanna Quinney par courriel. «Nous sommes fiers de notre dossier en matière de droits de la personne, ici comme à l'étranger.»

Cette manie des élus fédéraux de répéter ad nauseam que le Canada est un leader en droits humains vient finalement me chercher, moi qui me pensais pourtant habituée des tactiques de communication contrôlantes, voire propagandistes, de ce gouvernement, sur le thème des droits humains comme sur celui de la sécurité, d'ailleurs.

Quand le ministère des Affaires étrangères «demande à ses fonctionnaires de fournir au ministre Rob Nicholson «trois déclarations par semaine à l'intention des médias concernant la sécurité en lien avec le terrorisme», je peux raisonnablement m'attendre à ce que les messages répétés jonglant entre «le Canada est le meilleur pays du monde» et «le monde est dangereux, il faut renforcer la sécurité» minimisent la gravité de l'état des droits humains au pays.

Le but du rapport du comité des droits de l'homme de l'ONU n'est pas de comparer le bilan des droits humains du Canada avec celui d'autres pays. Mais de comparer son bilan par rapport au même bilan d'il y a 10 ans.

Les droits humains sont universels, tous les pays signataires du Pacte international sur les droits civils et politiques doivent rendre des comptes, car ceux-ci garantissent l'État de droit et permettent dignité et liberté à ses citoyens.

Nivellement par le bas

Bien sûr, le bilan du Canada est bien meilleur que celui d'un bon nombre de pays répressifs dans le monde. Pourquoi se comparer aux pires? N'aspirons-nous pas à nous comparer à ceux qui ont les standards les plus élevés, même si ceux-ci ont tendance à fléchir ces dernières années sur un certain nombre de points?

Bon nombre de démocraties occidentales ont choisi de mettre en place des lois et des pratiques censées assurer la sécurité de leurs citoyens au détriment réel de la protection de leurs droits. Lois anti-terroristes octroyant des pouvoirs larges aux services de renseignement, offrant peu de recours pour les personnes concernées par des détentions arbitraires ou des interdictions de prendre l'avion (no-fly list), permettant des programmes de surveillance de masse, des partages d'information obtenues parfois sous la torture, limitant la liberté d'expression en criminalisant l'apologie du terrorisme (elle-même définie en termes vagues) et tout cela, sans aucun mécanisme de contrôle, ni obligation à rendre des comptes.

Bon nombre de démocraties occidentales ont choisi de fermer leurs frontières aux migrants et réfugiés, les laissant même mourir en mer.

Bon nombre de démocraties occidentales ont décidé de limiter la fondamentale liberté d'expression en octroyant des pouvoirs militaires à leur police, des pouvoirs discrétionnaires sur qui peut ou non manifester, qui doit être ou non arrêté.

Sur ces trois exemples, le Canada est un élève zélé, il suit la tendance, voire parade en tête.

Cela nous concerne

Ce triste constat a des conséquences sur bon nombre de gens au pays. Les défenseurs de droits humains ou de l'environnement, les organismes de femmes, les syndicats et organisations étudiantes, les réfugiés et les migrants, ont tous vu leurs activités quotidiennes changer, et la peur ou l'autocensure commencent à s'installer.

Le rapport de l'ONU, par ailleurs, couvre des thèmes récurrents et de nouveaux thèmes depuis son dernier rapport, qui touchent des personnes concrètement dans la réalisation de leurs droits.

Qui porte attention, au gouvernement du Canada, à l'ensemble des violations des droits des peuples autochtones? Sans une écoute et une volonté politique suffisantes, comment parler de réparation et de justice? Femmes assassinées et disparues, exploitation des territoires sans consentement libre, éclairé et informé, sous-financement des services à l'enfance et à la famille sont tous nommés dans ce rapport. Cela fait beaucoup de personnes concernées. La discrimination et les violence envers les femmes, c'est aussi un sujet de préoccupation récurrent, et pourtant le gouvernement coupe le financement quand il s'agit de défendre les droits des femmes.

La mise en place inadéquate, à travers des lois et des pratiques, des engagements internationaux du Canada? Encore une critique récurrente que le Canada ignore. À quoi bon signer des traités s'ils ne sont pas mis en place?

Non seulement nous ne améliorons pas sur ces thèmes, mais nous ajoutons des nouveaux thèmes d'inquiétude: loi anti-terroriste, restrictions du droit à la dissidence, restriction de la liberté d'expression et d'association, contrôle des activités des entreprises minières à l'étranger, restriction aux soins de santé aux réfugiés, détention indéfinie des migrants. Cela fait vraiment beaucoup de monde concerné.

Il n'y a pas eu de rencontre des ministres au niveau fédéral, provincial et territorial concernant les droits humains depuis 1988. Une génération! Les relations entre les gouvernements et la société civile ont besoin de retrouver un niveau de confiance suffisant pour qu'ensemble ils élaborent un plan d'action.

Car ce n'est pas avec un plan de communication «propagandiste» que le Canada sera meilleur. C'est avec de la volonté et des gestes concrets, des élus et de nous tous, ensemble.

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