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Trayvon Martin: quand le procès de George Zimmerman rencontre la fiction

Mark Twain a écrit: "La seule différence entre la réalité et la fiction, c'est que la fiction doit être crédible". Un commentaire très pertinent qui pourrait facilement s'appliquer à l'issue récente du procès de George Zimmerman à la suite du meurtre de Trayvon Martin.
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TRAYVON MARTIN - Mark Twain a écrit: "La seule différence entre la réalité et la fiction, c'est que la fiction doit être crédible". Un commentaire très pertinent qui pourrait facilement s'appliquer à l'issue récente du procès de George Zimmerman à la suite du meurtre de Trayvon Martin.

Le verdict a tellement surpris et l'affaire est tellement incroyable qu'il ne fait pas un doute que cette histoire sera adaptée à l'écran. Cependant, on peut déjà imaginer les difficultés des scénaristes à faire tenir tout cela debout. Voilà à quoi pourrait ressembler leur discussion...

[DANS LE FUTUR]

INT. SALLE DE RÉDACTION - JOURNÉE

SCÉNARISTE PRINCIPAL: J'ai regardé le script. Cette histoire est un peu trop dingue pour moi, je n'y crois pas.

SCÉNARISTE: C'est inspiré d'une histoire vraie. C'est comme cela que ça s'est passé à l'époque.

Le scénariste principal regarde ses notes.

SCÉNARISTE PRINCIPAL: Un homme traque un jeune. La police lui demande de ne plus le suivre. Mais il continue quand même. Le jeune est au téléphone avec un de ses amis et lui dit qu'un inconnu le suit. L'ami entend ensuite le jeune dire: "Lâchez-moi, lâchez-moi!". Ils se battent et le jeune est tué. Et tu me termines ça comme une histoire d'auto-défense?!

SCÉNARISTE: C'est ça.

SCÉNARISTE PRINCIPAL: Attends, l'homme suivait le jeune. Comment ça peut être de l'auto-défense? Il faut que tu ajoutes du doute là. Les gens qui vont regarder ça ne vont pas y croire sinon. On va perdre les téléspectateurs avant même de passer la première pub avec un truc pareil!

SCÉNARISTE: Tu ne comprends pas? Le mec essayait de sauver sa peau. Le jeune l'a poussé par terre, il fallait qu'il sorte son flingue pour tuer le jeune.

SCÉNARISTE PRINCIPAL: Non mais tu nous as écrit que cet homme prenait des cours d'arts martiaux trois fois par semaine. Pendant des sessions de deux heures. Depuis un an. Et le jeune le pousse par terre juste comme ça?

SCÉNARISTE: Il n'était pas très doué pour le sport qu'il faisait.

SCÉNARISTE PRINCIPAL: Pas très doué? Comment ça?

SCÉNARISTE: Cet homme dit ne pas être très sportif.

SCÉNARISTE PRINCIPAL: Il fait six heures par semaine de sport de combat pendant un an et il ne peut même pas repousser un môme qui fait 25 kilos de moins que lui? Impossible, il faut que tu nous changes ça. Personne n'y croira.

SCÉNARISTE: D'accord, j'enlève cette partie du script.

SCÉNARISTE PRINCIPAL: Et dans les scènes de flashback, tu nous montres que ce mec est videur et qu'il s'est fait renvoyer parce qu'il était trop agressif avec les clients...

SCÉNARISTE: Ok, j'enlève ça aussi.

SCÉNARISTE PRINCIPAL: Maintenant, page 38. Après que la police lui demande de ne plus suivre le gosse, le mec dit "Merde, il court".

SCÉNARISTE: Oui.

SCÉNARISTE PRINCIPAL: Je ne comprends pas. Il court? Pourquoi? Il n'a rien fait donc la seule chose qui pourrait le faire fuir serait ce gars?

SCÉNARISTE: Hmm. Ce n'est peut-être pas très clair.

Le scénariste principal saute quelques pages.

SCÉNARISTE PRINCIPAL: Ensuite, sans que l'on ne comprenne comment ni pourquoi, ce môme a mis cet homme par terre. Ils se battent et l'homme sort un flingue puis tire sur le jeune, en plein cœur?

SCÉNARISTE: Le gars n'avait pas le choix, c'était de l'auto-défense.

SCÉNARISTE PRINCIPAL: Je ne comprends rien. Le mec par terre hurle: "Au secours, au secours" et se met à crier. Et juste après, il tire sur le gosse?

SCÉNARISTE: Voilà.

SCÉNARISTE PRINCIPAL: Tu as déjà vu une scène de film dans laquelle une personne crie puis tire sur quelqu'un? C'est généralement l'inverse qui se passe, la personne qui crie est celle qui se fait tirer dessus. C'est trop absurde.

SCÉNARISTE: Ok, je vais rendre ça plus subtil.

SCÉNARISTE PRINCIPAL: Pourquoi il ne lui tire pas dans le bras? Ou la jambe? Ou le ventre?

SCÉNARISTE: Ils se sont débattus.

SCÉNARISTE PRINCIPAL: Oui, mais quand je lis le script ça n'est pas crédible. Ça ressemble plus à un tir pour tuer.

SCÉNARISTE: Non, c'est une scène d'auto-défense.

SCÉNARISTE PRINCIPAL: Je n'y crois pas. C'est bien plus simple de tirer dans le bras ou la jambe du môme. Ça demande plus d'effort de lever le pistolet. Ce mec vise le cœur, donc il sait qu'il va tuer. C'est trop absurde, change ça.

SCÉNARISTE: Mais c'est ce qu'il s'est passé.

SCÉNARISTE PRINCIPAL: Ça n'est pas assez crédible pour faire une bonne scène dramatique. À moins que l'on veuille marcher dans les pas de Paddy Chayefsky et faire dans l'absurde. Un peu comme dans Main basse sur la TV. Donc à moins que tu ne veuilles me faire une satire montrant à quel point notre système judiciaire est détraqué, écris-moi un script sensé.

Vous comprenez maintenant le dilemme qu'il y aurait à tirer un scénario de cette histoire tragique. La logique nous échappe et la réalité nous hante.

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