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Le Sénégal montre l'exemple dans la lutte pour éradiquer le paludisme

Nous arrivons à un moment charnière : si la communauté internationale ralentit aujourd'hui ses efforts dans la lutte contre le paludisme, elle met en danger tout ce qu'elle a investi - et les avancées obtenues - au cours de la dernière décennie.
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C'est une ville dans le nord du Sénégal, sur la côte ouest de l'Afrique, qui ressemble à bien d'autres communautés prospères de par le monde : les enfants sont sains et heureux, la plupart des adultes sont employés par une grande exploitation sucrière et l'économie locale est dynamique. Pourtant, il est une chose fondamentale qui différencie cette ville, appelée Richard-Toll, des autres communautés : le combat qu'elle mène contre le paludisme.

Transmis par la piqûre d'un moustique, le paludisme tue des centaines de milliers de personnes chaque année, des jeunes enfants en Afrique pour la plupart. La maladie est endémique au Sénégal et les champs de canne à sucre irrigués (où travaillent bon nombre des résidents de Richard-Toll) constituent une aire d'éclosion idéale pour les moustiques. Pourtant, la région n'a enregistré que quelques cas de paludisme transmis localement en plus d'un an. Grâce aux efforts coordonnés du ministère de la Santé et de la compagnie sucrière, les outils éprouvés recommandés par l'Organisation mondiale de la Santé ont été utilisés pour faire reculer la maladie. Les mesures adoptées portaient notamment sur la mise à disposition de traitements efficaces dans les établissements de santé, le recours à des tests de dépistage rapide portables et la distribution à grande échelle de moustiquaires gratuites. Aujourd'hui, le paludisme a pratiquement disparu dans la région.

Après des années d'investissement et d'efforts considérables, le Sénégal s'est engagé à éradiquer le paludisme sur tout son territoire. Cet objectif audacieux s'inscrit dans la durée et n'est possible que grâce à un partenariat solide pour la direction et le financement des actions entre les autorités publiques et des organisations confessionnelles et à assise communautaire, le tout avec le soutien de grands bailleurs de fonds extérieurs comme l'Initiative présidentielle pour lutter contre le paludisme (États-Unis), la Fondation Gates et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

Bien que le Sénégal ait nettement renforcé ses investissements dans la lutte contre le paludisme, l'éradication de la maladie ne pourra se faire sans l'aide de partenaires. L'exemple de Richard-Toll illustre bien comment le Fonds mondial a contribué au lancement de programmes nationaux efficaces de lutte contre le paludisme et comment l'investissement dans l'élaboration de programmes de santé durables peut rapidement faire chuter le nombre de cas et de décès liés à la maladie. Allié à l'utilisation d'outils et de stratégies récents et innovants, le Sénégal dispose de tout ce dont il a besoin pour éliminer la maladie. Enfin... presque tout.

Si le taux de mortalité lié au paludisme a chuté de 26 pour cent dans le monde ces dix dernières années, plusieurs facteurs donnent à réfléchir : selon une analyse publiée dans le Malaria Journal (1), dans les pays qui ont réduit la transmission du paludisme au cours du siècle dernier, on dénombre 75 cas où la maladie est réapparue, presque tous liées à une baisse des ressources et à un ralentissement des programmes de lutte. De plus, d'après les calculs d'un récent rapport (2), si le financement mondial de la lutte contre le paludisme diminuait, la maladie pourrait tuer jusqu'à 196 000 personnes de plus et en infecter 430 millions de plus chaque année. Autant d'infections et de décès qui auraient pu être évités. Les faits parlent d'eux-mêmes : le Fonds mondial doit disposer de crédits suffisants pour terminer le travail commencé en matière de lutte contre le paludisme et soutenir des pays comme le Sénégal dans l'élaboration de nouvelles stratégies visant à éradiquer la maladie.

L'autre option, qui consiste à tenter de maintenir des niveaux élevés de lutte et de prévention contre le paludisme sans chercher à en venir à bout, revient à essayer d'éteindre un incendie en s'attaquant à une partie des flammes seulement. L'expérience a montré que si nous relâchons nos efforts, ne serait-ce que de manière infime, des cas de paludisme peuvent réapparaître en l'espace de quelques mois seulement. Des difficultés, comme un parasite qui résiste mieux à nos meilleurs traitements et des moustiques moins sensibles aux insecticides, rendent l'élimination de la maladie encore plus urgente. Nous arrivons donc à un moment charnière : si la communauté internationale ralentit aujourd'hui ses efforts dans la lutte contre le paludisme, elle met en danger tout ce qu'elle a investi - et les avancées obtenues - au cours de la dernière décennie.

Alors, à quoi ressemble la vie à Richard-Toll, à présent que la région est pratiquement libérée du paludisme ? Moins d'enfants tombent malades ou manquent l'école ; la productivité au travail s'améliore ; il est possible d'économiser de l'argent ou de lui trouver une autre destination, plutôt que de couvrir des coûts liés à la lutte contre le paludisme ; les systèmes de santé ont le temps de se consacrer à d'autres questions et le niveau de vie général s'améliore. Toutes ces avancées sont une excellente nouvelle, mais le travail n'est pas encore terminé.

Le Fonds mondial a lancé sa quatrième reconstitution des ressources en décembre 2013. Elle signe le commencement d'un effort triennal de mobilisation des ressources. Pour chaque promesse de don de 2 dollars engagée par les bailleurs de fonds du monde entier, les États-Unis donneront un dollar, et ce jusqu'en septembre 2014. Or, chaque dollar est absolument essentiel à la lutte contre la maladie et rien ne doit être négligé.

Ces prochaines années, le Fonds mondial entend élargir sa collaboration avec les autorités publiques et encourager une hausse des investissements du secteur privé et du cofinancement national. Êtes-vous prêts à mobiliser avec nous les ressources nécessaires pour éliminer définitivement le paludisme et donner aux communautés une chance de vivre libérées du paludisme, à l'instar de Richard-Toll ?

Awa Marie Coll-Seck est ministre de la Santé et de l'Action sociale au Sénégal. Elle fut également directrice exécutive du Partenariat Faire reculer le paludisme, un organisme international fondé par l'OMS, le PNUD, l'UNICEF et la Banque mondiale. M. Mark Dybul est directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, principale source de financement de la santé publique dans le monde.

  1. Malaria resurgence: a systematic review and assessment of its causes. Cohen, Justin M.; Smith, David L.; Cotter, Chris; Ward, Abagail; Yamey, Gavin; Sabot, Oliver J.; Moonen, Bruno. Publié dans le Malaria Journal, 24 avril 2012.
  2. Cost of Inaction: A report on how inadequate investment in the Global Fund to Fight AIDS, Tuberculosis and Malaria will affect millions of lives. International Civil Society Support. 12 septembre 2013.

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Avril 2018

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