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Connaissez-vous l'un des canyons les plus profonds du monde?

Avec notre équipe, nous sommes partis pour une expédition en canoë itinérante sur 5 rivières parmi les plus sauvages d'Europe. Nous voici pour ce premier billet sur la rivière Tara au Monténégro, connue pour être le plus grand canyon d'Europe.
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Avec notre équipe, nous sommes partis pour une expédition en canoë itinérante sur 5 rivières parmi les plus sauvages d'Europe. Nous voici pour ce premier billet sur la rivière Tara au Monténégro, connue pour être le plus grand canyon d'Europe.

La Tara coule au fond de gorges calcaires. Comme l'Ardèche ou le Tarn, me direz-vous. Ajoutons alors que ce canyon est le second plus profond au monde (1300 mètres) et que son environnement lui a valu d'être classé par l'Unesco au Patrimoine mondial. Voilà ce qui nous a poussé à faire du Monténégro, petit Etat blotti dans les Alpes dinariques à la capitale bien connue, la deuxième étape de notre périple.

Malgré les dimensions impressionnantes de ses gorges, la Tara reste relativement hospitalière pour qui veut tremper la pagaie. Elle comporte peu de difficultés excédant la classe III2. Nous nous sommes donc élancés de la petite ville de Kolasin à quelques dizaines de kilomètres de la frontière albanaise pour une navigation d'environ 120 km jusqu'à la frontière bosniaque, une traversée du Monténégro en canoë en quelque sorte.

La Tara vue du ciel

Mais au-delà de la navigation, nous sommes venus voir comment ces épaisseurs de calcaire profondément entaillées par une rivière témoignent du passé géologique et climatique de l'ensemble de l'Europe. Un voyage dans le temps géologique, cette fois.

Sur la route qui nous emmène à l'embarquement, nous embrassons du regard ce canyon qui nous rappelent tour à tour les gorges de l'Allier pour l'impressionnante descente dans les pentes boisées, les gorges du Tarn pour les pins qui s'accrochent aux crêtes ou encore les gorges du Verdon pour la couleur de l'eau... Nous embrassons également du regard les nuages noirs qui s'amoncellent à l'horizon après une semaine de préparation radieuse...

Premiers coups de pagaies dans l'eau cristalline, premier orage. Le soleil revient et avec lui le fourmillement de la rivière. Elle vit, en cette fin de printemps, au rythme des éclosions d'éphémères et de plécoptères. Ces invertébrés passent le plus clair de leur vie à l'état de larves aquatiques. Ils se métarmophosent en mouches, vocable qui ne rend pas hommage à leur grace, pour une parade amoureuse aussi élégante qu'éphémère (d'où le nom...) et ... risquée. Ils sont en effet une proie facile pour bergeronnettes des ruisseaux et cincles plongeurs qui les chassent frénétiquement sous nos yeux. Sans oublier les truites qui les gobent aussi allègrement ! Toute la chaine alimentaire se déploie sous nos yeux quand, quelques minutes plus tard, nous apercevons un épervier en quête de passereaux et aussi des crottes de loutres qui, remplies d'écailles, portent les stigmates d'un festin de truite. Seule ombre à cette fresque naturaliste : nous rentrons bredouilles de notre première partie de pêche ! Qu'à cela ne tienne, nous sommes conquis dès la première journée par cette rivière, son eau limpide, sa vie fourmillante et ses espèces devenues rares ailleurs en Europe. Pour ne rien gâcher, le propriétaire du terrain sur lequel nous plantons le bivouac, nous dit "for one night, for one year, no problem !".

Plécoptère

Pas de répit en revanche avec notre seconde journée qui démarre par les premiers rapides... Plus question de contempler béatement la rivière sous peine de s'écharper sur les rochers qui affleurent, la faute à un hiver trop sec. A peine avons-nous le temps d'identifier quelques arbres sur les berges, aulnes glutineux, frênes, érables notamment.

En fin de journée, le début du canyon se présente et avec lui des rapides infranchissables. Heureusement, le gérant d'un camping local se propose pour nous transporter en aval avec tout notre matériel. Au passage, il nous donne quelques leçons d'histoire : selon lui Mitterrand était intervenu pour éviter que le Monténégro soit bombardé pendant la guerre des Balkans. La France et le Monténégro seraient ainsi des amis historiques ! Tant mieux pour nous : au camping, cela nous vaut un accueil... balkanique avec force claques dans le dos et verres de vodka, tout cela au milieu d'une clientèle tchèque, serbe ou polonaise, tous ces slaves se comprenant plus ou moins.

Nous descendons le lendemain au coeur du canyon. Nous voilà au coeur de ce que nous sommes venus chercher : les parois vertigineuses de calcaires qui se dressent de part et d'autre de la rivière.

Le calcaire s'est déposé au fond d'une mer qui recouvrait, pour des raisons complexes, l'Europe (et même une partie de l'Amérique du Nord) à l'ère secondaire3,c'est-à-dire au temps des dinosaures. Les rivières ne transportent pas que des sédiments solides mais aussi des minéraux dissous. Arrivés en mer, ils sont utilisés par certains animaux, de taille microscopique pour la plupart, pour construire leur coquille. Quand ces derniers passent de vie à trépas, les coquilles se déposent sur le fond. Les couches qui s'empilent continuellement exercent une pression colossale sur celles situées en dessous, l'eau en est expulsée et c'est ainsi que nait la calcaire. Il ne reste plus à la mer qu'à se retirer et voilà notre calcaire à la surface de la Terre. C'est ce calcaire déposé par la mer du Secondaire que nous retrouvons un peu partout dans le sud de la France.

Notre troisième journée est donc placée sous le signe du calcaire. Pour le meilleur, les écrevisses que nous dégustons le soir venu (et oui, ces crustacés utilisent le calcaire dissous dans l'eau pour construire leur carapace)...

... et pour le pire, ces gros blocs qui parsèment la rivière nous donnent des sueurs froides et nous obligent même, horreur, à passer un rapide à la cordelle. Si nous avions su ce qui nous attendait, peut-être nous serions-nous opposés plus vigoureusement à la vodka qui remplissait nos verres...

Céiste obligé de passer un rapide à la cordelle du fait de la présence d'un bloc de calcaire de l'ère secondaire au milieu de la rivière

Malgré ces quelques difficultés, ces premiers jours de navigation comblent toutes nos attentes ! Espérons que la navigation se poursuive aussi bien qu'elle a commencé, nous avons tous hâte de découvrir la partie profonde du canyon... Suite au prochain épisode !

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[1] Ne cherchez plus, il s'agit de... Podgorica !

[2] Les amateurs d'eau vive classent les rivières de I à VI en fonction des difficultés de navigation qu'elles présentent.

[3] L'ère secondaire s'est étendue de -245 à -65 millions d'années. Pour mémoire, la création de la Terre date d'il y 4,5 milliards d'années. Les derniers 540 millions d'années sont les mieux connus parce qu'une bonne partie des terrains antérieurs a été engloutie ou transformée par la tectonique des plaques et parce que de nombreux fossiles liés au foisonnement de la vie permettent de les dater aisément.

"Sur les rivières d'Europe" est un projet d'expédition en canoë et en autonomie sur 5 rivières parmi les plus sauvages d'Europe. A l'initiative d'Aurélien Rateau, l'équipe va naviguer sur près de 1000 km dans cinq pays différents: Italie, Monténégro, Pologne, Roumanie et Norvège au cours de l'été 2014.

• Notre site internet : http://destination-rivieres.org/

• Sur Facebook : https://www.facebook.com/rivieresdeurope

Le canyon le plus profond du monde, aux abords de la rivière Tara

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