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Le Québec et ses minorités visibles

Le Québec fournit des efforts louables pour accompagner cette évolution démographique au travers de ses politiques publiques. Mais force est de constater que le chemin reste encore long, très long, avant de se déclarer victorieux de cette lutte de tous les instants qu'est l'intégration des minorités visibles.
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En écoutant Julie Miville-Dechêne, la présidente du Conseil du statut de la femme, tout juste après l'annonce de la composition du gouvernement Couillard, déplorer la faible représentation des femmes au sein de la députation québécoise et donc, le manque d'équilibre entre les hommes et les femmes ministres dans ce nouveau cabinet - avec seulement huit femmes au cabinet, M. Couillard est bien loin de la zone de parité qu'il avait lui-même annoncée -, je ne pouvais m'empêcher de faire le parallèle entre cette sous-représentation des femmes députées et celle des minorités visibles et de la diversité.

Depuis la Révolution tranquille, on assiste au Québec à une réalité née du brassage de populations venues d'ailleurs et qui choisissent le Québec comme terre d'accueil. Le Québec fournit des efforts louables pour accompagner cette évolution démographique au travers de ses politiques publiques. Mais force est de constater que le chemin reste encore long, très long, avant de se déclarer victorieux de cette lutte de tous les instants qu'est l'intégration des minorités visibles.

Aujourd'hui, la déconnexion semble évidente entre la sphère politique et les enfants issus des minorités visibles. Que faudrait-il faire pour attirer dans les rangs des partis politiques des candidats ou candidates originaires de cette clientèle?

La campagne électorale qui s'achève a été faite dans un contexte social bien particulier où le projet de charte des valeurs du Parti québécois donnait l'impression de véhiculer une laïcité repliée qui, pour beaucoup d'immigrants, avait l'air de servir de prétexte à l'exclusion. Autant dire que le moment n'était pas des plus propices pour inciter les minorités visibles à faire le grand saut dans le marigot politique. À la faveur des résultats électoraux du 7 avril dernier, il faut espérer que le firmament politique au Québec sera plus dégagé et que l'avenir se présentera sous les meilleurs auspices pour les minorités visibles et la diversité. Et c'est tout le Québec qui y gagnera au change, car ce qui fait de notre province une société distincte, à savoir sa langue et sa culture, ne sera défendu avec plus de vigueur qu'en libérant les énergies de ses différences. L'identité québécoise ne devrait plus être une stabilité figée autour de ce «nous» exclusif.

À cet égard, le premier ministre Couillard semble animé d'un volontarisme politique bien affirmé pour préparer le terrain. À en juger par les premiers gestes posés dans son nouveau rôle, on ne peut qu'être rassuré. Il a pris soin de changer l'intitulé du ministère de l'Immigration, devenant désormais le ministère « de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion».

C'est un clin d'œil intéressé à l'endroit des minorités du Québec. On peut présumer que le chef du gouvernement appréhende, au-delà des impératifs socio-économiques qui occuperont son équipe, de nouvelles responsabilités auxquelles le Québec de demain devra faire face : rendre la société plus équitable et plus juste - et en amplifier le mouvement -, pour les minorités présentes sur le territoire québécois. «Être plus équitable et plus juste», ne veut pas simplement dire, du point de vue des minorités visibles, étendre à la discrimination à l'encontre de ces minorités, la solidarité affichée à l'égard d'autres formes de discrimination liées au handicap, à l'orientation sexuelle ou au genre. C'est aussi faire en sorte que la société de demain soit préparée à ouvrir généreusement son espace politique à ses minorités. Et peut-être n'est-ce par pur hasard si le premier ministre a eu ces mots prémonitoires : «L'heure n'est plus aux mesures marginales ou cosmétiques», a-t-il dit.

De même que l'on ne met pas en œuvre une politique de lutte contre l'obésité des jeunes sans données statistiques à l'appui, si la couleur de la peau, le patronyme, le quartier, qui sont des éléments déterminant l'exclusion, ne peuvent pas servir de mesure à l'inclusion de la diversité, toutes les politiques publiques destinées à l'intégration des minorités visibles seront vouées à l'échec.

On croirait, à tort, comprendre la diversité en comparant la situation des minorités visibles à celle des petits-fils de l'immigration européenne. Ce serait oublier que ces derniers n'ont plus à subir - à part ceux dont la différence est plus visible - les discriminations qui touchaient leurs grands-parents. Un petit-fils d'Espagnol ou d'Italien n'est pas «délégitimé» comme Québécois quand le moment arrive de présenter sa candidature à un mandat électif, à la différence du Haïtien ou du Burundais à qui l'on demande constamment de quel pays il vient, alors que son grand-père est établi au Québec depuis des lustres.

De quelque côté que l'on considère la situation, l'évidence est aveuglante. La première responsabilité incombe certes aux immigrants eux-mêmes. Ils se doivent de faire les premiers pas pour militer au sein des partis politiques. Mais la tâche revient aussi aux partis politiques de mettre en place des mécanismes d'efficacité et des mesures incitatives pour permettre à cette clientèle d'exercer leur militantisme politique dans ces partis. Pour le moment, on est témoin des efforts timides qui sont faits de part et d'autre, mais reconnaissons qu'il y a encore des barrières et des tabous à défoncer avant d'avoir des résultats plus probants.

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Lise Thériault

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