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Burundi: la démocratie tuée dans l'œuf

Comment expliquer que le Canada persiste dans son mutisme à l'égard du Burundi, ce petit pays des rêves brisés en voie de devenir celui de tous les cauchemars?
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Le Burundi, ce petit pays des rêves brisés est en voie de devenir celui de tous les cauchemars.

Il y a quelques semaines, le parti au pouvoir à Bujumbura, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD) a désigné le chef de l'État sortant, Pierre Nkurunziza, comme celui qui sera son candidat aux élections présidentielles de juin prochain. M. Nkurunziza termine son deuxième mandat et beaucoup de Burundais jugent un troisième mandat anticonstitutionnel et non conforme à la lettre et à l'esprit des accords d'Arusha qui, en août 2000, sous la houlette de Nelson Mandela, ont permis de mettre fin à une sanglante guerre civile qui ravageait le pays depuis les années 1970.

Dès l'annonce de la décision du parti CNDD-FDD réuni en congrès, la contestation ne cesse de monter dans le pays. Les manifestations se multiplient. La Cour constitutionnelle, à qui les plus hautes autorités burundaises avaient soumis la question de constitutionalité de ce troisième mandat, a rendu son verdict. Sans surprise, les «Sages» burundais ont validé la candidature controversée du président Nkurunziza.

La répression subie par les membres des partis d'opposition est de plus en plus violente. Des opposants pacifiques - intellectuels, journalistes et militants de la société civile - réclament un report des élections présidentielles en attendant l'issue d'une conférence régionale qui vient d'être convoquée par la Tanzanie voisine.

La réaction des autorités burundaises face aux manifestations démontre la dérive totalitaire du régime burundais. Pourtant, ce pays était en passe de donner une leçon de démocratie aux autres pays de la région dont les présidents sortants sont, de leur côté, tentés par une révision constitutionnelle pour se maintenir au pouvoir. Pensons au Rwanda de Paul Kagame et à la République démocratique du Congo de Joseph Kabila. À la différence avec le Rwanda voisin, ne manquent, jusqu'ici à Bujumbura, que la parodie des aveux et les autocritiques «spontanées» des opposants jetés en prison.

Devant ce spectacle affligeant qu'offre le Burundi, l'observateur attentif de la scène politique de la région des Grands Lacs africains a envie de dire son indignation et sa colère. Il faut appeler les gens et les choses par leur nom: Pierre Nkurunziza est tout simplement un dictateur! Aurait-il oublié de sitôt le sacrifice suprême consenti par ses illustres prédécesseurs Melchior Ndadaye et Cyprien Ntaryamira pour la démocratie et la paix dans la région?

Et l'on éprouve une certaine stupéfaction à l'égard de ce qu'il faut appeler le silence et l'atonie de la communauté internationale.

Les leçons tirées des événements du Burkina Faso devraient conduire davantage la communauté internationale à plus de fermeté envers Bujumbura. Or, rien n'est dit officiellement contre M. Nkurunziza. Comment expliquer que le Canada, pourtant si sourcilleux pour d'autres causes, persiste dans son mutisme à l'égard du piétinement de la Constitution par le régime burundais?

La clameur qui monte des manifestations à Bujumbura ne doit pas être étouffée. Plusieurs associations de la société civile se mobilisent. Tant mieux! Il faut les accompagner et les aider. Diverses initiatives devraient être prises sans tarder. Par exemple, même si c'est un geste modeste, les Canadiens originaires de la région des Grands Lacs africains devraient être nombreux à manifester devant l'ambassade du Burundi à Ottawa. Ce sont de petits faits symboliques, mais non sans conséquences sur l'opinion publique.

Les dictatures prospèrent à la faveur du silence du monde. Mais la mobilisation des citoyens finit toujours par les affaiblir. Les exemples d'Ouagadougou ou du Printemps arabe en sont une parfaite illustration.

À l'échelle diplomatique, le Canada devrait engager au moins deux démarches: mettre un peu plus de pression sur Bujumbura pour que le président Nkurunziza revienne sur sa décision de briguer un troisième mandat qui n'est pas sans conséquences pour la paix dans la région; demander l'arrêt immédiat et sans condition de la répression violente exercée sur des manifestants. Si les autorités burundaises refusent de se plier à ces injonctions minimales, des sanctions devraient être prononcées. Ces autorités devraient alors être traduites devant la Cour pénale internationale pour crimes contre l'humanité.

Au-delà du dossier burundais, c'est la mission du Canada - pays dont les valeurs de respect des droits de la personne sont inscrites en lettres d'or dans la Charte canadienne des droits et libertés-, avec d'autres pays, de se mobiliser pour le respect ou l'émergence de la démocratie en Afrique.

Les Burundais ont un urgent besoin de l'appui de la communauté internationale. Mais pour cela, il faut que cesse l'étrange mansuétude envers Bujumbura. Les dictatures ne sont pas «africaines». Elles sont sans frontières. Et elles sont infâmes. Au Burundi aujourd'hui, comme hier en Afrique du Sud ou à Cuba, pays pour lesquels le Canada s'est courageusement battu, la communauté internationale doit agir pour la solidarité et la sauvegarde des institutions démocratiques.

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