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La démission de Jean-François Fortin a fait couler beaucoup d'encre, probablement trop.
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La démission de Jean-François Fortin a fait couler beaucoup d'encre, probablement trop. Plus que ce qu'elle vaut réellement. S'il était le seul dans son cas, il serait inutile d'en rajouter. Malheureusement, le geste de Fortin témoigne d'un problème plus vaste dont il faut parler.

Cette semaine, donc, le député de Haute-Gaspésie-La Mitis-Matane-Matapédia claquait la porte du Bloc québécois prétextant que le nouveau chef détourne le parti de sa vocation, en plus de faire preuve d'un manque d'ouverture. Au-delà de ses nombreuses déclarations peu élogieuses à l'égard de son ancien chef, Fortin admet avoir pensé à fonder son propre parti. Un parti qui, dans sa définition, ne comprend aucunement le mot « indépendance » ni même un timide « souveraineté ». Peut-être devrait-on rappeler à Monsieur Fortin que le premier article de déclaration de principes du Bloc concerne directement l'indépendance, et ce, depuis sa fondation.

Peut-être, dis-je, mais au fond... nous sommes encore bien loin du problème.

Le réel détournement du Bloc Québécois s'est fait au fil du temps et les propos de Fortin en sont la parfaite démonstration. Il semble que certains membres actifs du parti en ont oublié la raison d'être au point de voir la réaffirmation de son objectif comme une menace, une nuisance, une nouveauté allant à l'encontre de leur engagement. Force est de constater que fondamentalement, Monsieur Fortin ne croyait aucunement en la vocation du parti qu'il représentait, ne voyant visiblement aucunement la contradiction entre celle-ci et sa sortie fracassante.

En fait, Fortin est un des symptômes d'une maladie bien répandue que l'on nomme généralement opportunisme. Une maladie qui se déclare si fréquemment dans les dernières semaines qu'il y a matière à avoir froid dans le dos. Pourquoi ? Parce qu'elle dénature ce qu'est la politique. D'ailleurs, on semble l'avoir oublié depuis si longtemps qu'un rappel s'impose: la politique est par définition l'organisation du pouvoir dans l'État, la gestion des affaires publiques. Elle concerne donc, d'abord et avant tout, le collectif. Du moins, en théorie. Dans cette définition, la gestion de l'État passe entre les mains de plusieurs partis qui se mènent une lutte de pouvoir basée sur des convictions qui divergent. Dans les faits, on ne peut pas dire que c'est systématiquement le cas.

Non, je ne dis pas qu'il en va de même pour tous les politiciens, cependant, combien de fois avons-nous vu dans les dernières années certains candidats ou députés se contredire drastiquement en l'espace de quelques semaines ? Affirmer leur appui total à une idée, à une stratégie pour lui tourner le dos à la suite de son échec auprès de la population ou au gré des sondages ? Se mettre en scène avant de parler de contenu ? Combien de politiciens sont passés d'un parti à l'autre: d'un parti dit indépendantiste à un parti fédéraliste, jonglant entre la gauche et la droite ?

Et après on se questionne sur le désintérêt des gens face à la chose publique, on se demande pourquoi ils sont si peu à se rendre aux urnes. Ou pire, on les croit trop bêtes pour comprendre, trop distraits par une partie de hockey ou une nouvelle télé-réalité pour bien s'imprégner des développements politiques, pour prendre part aux débats. S'ensuivent des stratégies un peu bêtes, du clientélisme, n'importe quoi pour camoufler le vide.

Vraiment, il faut une bonne dose d'arrogance pour ainsi blâmer l'autre de son propre échec. Il faut être vraiment loin de la collectivité pour la juger incapable de comprendre, incapable d'avoir vu qu'il n'y avait rien à voir. Pour penser qu'il faut faire un cirque au lieu de parler à son intelligence. Mais bon, encore faut-il être apte à le faire...

Dans son autobiographie, Pour tout vous dire, publiée au printemps 2013, Jean Garon écrivait des propos d'une grande justesse: «Je n'ai jamais méprisé mes adversaires pour leurs idées quand ils agissaient sur la base de leurs convictions et non pas pour servir leur intérêt personnel. Par contre, j'ai toujours eu en horreur ceux dont la principale motivation est la défense d'avantages non dits, les leurs ou ceux de leurs puissants commanditaires.» Homme de conviction, Monsieur Garon est, sans contredit, un exemple d'homme politique qui était près de la population et qui conférait une grande importance à ses concitoyens. Il avait des convictions, des idées, il ne s'est jamais gêné pour les défendre et c'est, sans aucun doute, un des éléments qui lui ont valu le respect et la confiance des électeurs.

Et il avait raison. Il est effectivement préférable d'avoir un adversaire avec des convictions, qu'un prétendu allié opportuniste. Le second se révèle bien souvent, pour ne pas dire immanquablement, plus nuisible que le premier. Le déferlement de sorties depuis l'élection de Mario Beaulieu en est un bel exemple. Lorsque l'on travaille pour soi et non pour des idées, pour la collectivité, on ne fait plus de la politique, on ne fait que se donner en spectacle aux dépens des gens qui se battent pour des causes qui leur tiennent à cœur. Mais surtout, on rit des électeurs et de leur intelligence, on se sert d'eux.

Tristement, c'est ce qu'ils osent appeler de la politique. On ose se réclamer d'elle alors que l'on offre seulement des jeux de lumière, des envolées de fumée. De l'éphémère.

Monsieur Fortin, vous et plusieurs autres avez détourné beaucoup plus que la vocation d'un parti politique. Vous jouez sur les mots, salissez des concepts et dénaturez quelque chose de noble: le désir de travailler à rendre possible un idéal, non pas seulement pour soi, mais aussi pour les autres.

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