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Euthanasie: les dérives vendues comme des progrès souhaités

Si la mort est vendue comme une solution à la souffrance et si le suicide est perçu d'un bon œil quand c'est un médecin qui le provoque, la vraie question n'est pas tant de savoir pourquoi certains s'y opposent, mais « pourquoi dire oui aux uns, et non aux autres »?
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Un mois après la lettre publiée par le Dr Yves Robert, secrétaire du Collège des médecins - dans laquelle il faisait part de ses inquiétudes face à l'émergence « d'un discours réclamant une forme de mort à la carte » et où il dénonçait ceux qui interprètent les refus d'euthanasie comme une forme d'exclusion - voilà que l'avocat Jean-Pierre Ménard a décidé de porter devant les tribunaux la cause de deux personnes vivant avec un handicap qui se sont vu refuser l'aide d'un médecin pour se suicider. Les plaignants demandent à ce qu'on élimine de la loi fédérale le critère de « mort raisonnablement prévisible », et de la loi québécoise, la notion de « fin de vie ».

Plusieurs voix se sont jointes au chœur des insurgés pour décrier la cruauté de tout critère qui ose faire référence à la proximité de la mort. Pourtant, il n'y a pas si longtemps, nos élus québécois s'autofélicitaient de la sagesse de leur loi qui faisait mention... de la fin de la vie.

Ce revirement de logique s'inscrit dans la longue liste des changements de discours auxquels nous avons déjà eu droit.

Ainsi, à l'époque de l'adoption de la loi québécoise, les mots « balises de protection » revenaient sur toutes les lèvres pour apaiser les craintes du peuple qui se méfiait qu'on veut permettre l'homicide dans certaines circonstances. Aujourd'hui, on justifie les élargissements potentiels en parlant de « consensus » et en évoquant « la volonté du peuple », pendant que les « balises de protection » sont devenues des « barrières à l'accès ». Parallèlement, les mêmes promoteurs de l'euthanasie qui affirmaient qu'il était seulement question de « demandes exceptionnelles pour des cas exceptionnels » ont mis à jour leur rhétorique pour justifier l'explosion des demandes d'euthanasie : il s'agirait en fait d'une « réponse à un besoin ».

Pourtant, avant la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté chez nous, les mises en garde contre les risques de dérive provoquaient instantanément les ricanements de ceux qui embrassent le suicide médical à bras ouvert. Au mieux, on répondait à cet avertissement prudent, pourtant basé sur l'expérience des pays qui ont légalisé l'euthanasie avant nous, en rétorquant qu'il s'agissait d'un épouvantail brandi par les alarmistes pour semer la peur. « Les dérives, ça n'existe même pas! », répondaient les anti-sceptiques et autres marchands de mort.

Aujourd'hui, à peine une année après l'entrée en vigueur de la loi québécoise qui a légalisé l'euthanasie, nous voyons apparaître les premiers signes évidents de dérapage: nous sommes passés de l'exception à la promotion.

Aujourd'hui, à peine une année après l'entrée en vigueur de la loi québécoise qui a légalisé l'euthanasie, nous voyons apparaître les premiers signes évidents de dérapage: nous sommes passés de l'exception à la promotion. Déjà, le critère de « fin de vie » est présenté comme une discrimination qui empêche les personnes handicapées de se suicider, sous-entendant que leurs conditions de vie justifieraient leur désir de mourir. Ensuite, l'argument selon lequel « l'euthanasie concerne les personnes aptes et consentantes » est en train de céder le pas à l'idée qu'on puisse tuer une personne inapte (Alzheimer, démence) sans égard à son consentement au moment de sa mise à mort.

Finalement, la réalité démontre que l'icône du malade tordu de douleur sur son lit de mort se trouve plutôt à être, selon une étude canadienne publiée au mois de mai, une personne en crise existentielle face à sa perte d'autonomie (handicap).

Ne nous étonnons donc pas si demain, on nous sert d'autres théories abracadabrantes, comme celle actuellement en cours aux Pays-Bas voulant qu'on accorde une "aide médicale à mourir" aux personnes âgées qui ont le sentiment d'avoir accompli leur vie. Il faut dire que ce n'est pas du jour au lendemain qu'une société en vient à accepter l'idée que l'État cautionne le suicide d'une personne âgée et en santé, simplement parce qu'elle en a marre de vivre. Au préalable, il faut s'être habitué aux malaises profonds qui accompagnent chaque nouvelle dérive qu'on nous vend comme un progrès souhaité...

En fait, quand on y réfléchit bien, il n'y a que les dérives du suicide médicalement assisté qui soient « raisonnablement prévisibles ». Si la mort est vendue comme une solution à la souffrance et si le suicide est perçu d'un bon œil quand c'est un médecin qui le provoque, la vraie question n'est pas tant de savoir pourquoi certains s'y opposent, mais « pourquoi dire oui aux uns, et non aux autres »?

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