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Les musiciens en deuil de MySpace

Les modes en matière de réseaux sociaux évoluent à une vitesse remarquable. Le public en quête de nouveauté peut délaisser brusquement une plateforme qu'il juge désuète. Le réseau MySpace - que les mauvaises langues appellent DeadSpace - est ainsi passé de la stratosphère aux bas-fonds du web. Selon des rumeurs, son interface subira bientôt une cure de rajeunissement complète. Est-ce que cette refonte aura plus d'effet que le nouveau logo dont on l'a affublé il y a quelques temps? Je n'en sais rien. En fait, le but de cet article n'est pas de vous parler de détails techniques, mais bien de souligner le grand vide que MySpace a laissé dans son sillage. Toute la communauté musicale s'en ressent.
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Les modes en matière de réseaux sociaux évoluent à une vitesse remarquable. Le public en quête de nouveauté peut délaisser brusquement une plateforme qu'il juge désuète. Le réseau MySpace - que les mauvaises langues appellent DeadSpace - est ainsi passé de la stratosphère aux bas-fonds du web. Selon des rumeurs, son interface subira bientôt une cure de rajeunissement complète. Est-ce que cette refonte aura plus d'effet que le nouveau logo dont on l'a affublé il y a quelques temps? Je n'en sais rien. En fait, le but de cet article n'est pas de vous parler de détails techniques, mais bien de souligner le grand vide que MySpace a laissé dans son sillage. Toute la communauté musicale s'en ressent.

MySpace est le premier réseau social auquel j'ai adhéré. J'avais snobé Friendster car je me moquais de cette manie de parcourir les listes de contacts pour découvrir qui est ami avec qui. Pour moi, cette attitude était digne de l'opportunisme le plus crasse. Mais enfin, si j'ai fini par ouvrir un compte MySpace, c'est parce que ce réseau offrait une quantité impressionnante de fonctionnalités aux musiciens. En 2006, je devais organiser ma première tournée en tant que tête d'affiche. J'ai trouvé dans le calendrier MySpace un moyen très pratique de publier des mises à jour, des correctifs, des nouvelles dates de spectacles ainsi que leurs inévitables « flyers ».

Plus je me familiarisais avec MySpace, plus je découvrais des outils faits sur mesure pour l'artiste indépendant. La possibilité de personnaliser la mise en page et le fond d'écran nous donnait un plus grand contrôle sur notre image de marque. Bien entendu, il fallait demander l'aide d'un ami familier avec le HTML pour que les résultats soient à la hauteur de nos attentes. Somme toute, cette plateforme de publication était l'équivalent des premiers logiciels qui ont permis aux musiciens de « mixer » à la maison.

Mon ami Kavinsky, qui a signé la trame sonore du film Drive, a su tirer parti du potentiel graphique de MySpace comme nul autre. En 2007, sa page avait déjà la réputation d'être la plus cool d'entre toutes, grâce à une animation 3D inspirée de Tron. En comparaison, la barre bleu foncé et les fonds de cellule grisâtres de Facebook me faisaient penser à un comptoir postal.

En outre, MySpace permettait de mettre en évidence ses « meilleurs amis ». Avant que les relations virtuelles ne deviennent une question de vie ou de mort, il était possible de placer une personne stratégiquement dans votre Top 8 en espérant que celle-ci vous rende la politesse et forge une sorte d'alliance. Il était possible de pimenter cette liste en y ajoutant quelques figures excentriques : une femme séduisante et mystérieuse, David Lynch, le logo d'un obscur label indépendant, etc.

Or la fonction de MySpace qui n'a jamais égalée est certainement sa plus simple. Observez bien les pages Facebook : comment peut-on y ajouter de la musique ? Pour y arriver, bon nombre de musiciens utilisent Bandpage, une application tierce développée par Root Music, accessible via un onglet, et qui importe le contenu d'un autre réseau nommé SoundCloud. La complexité de ces opérations est hallucinante. Or MySpace offrait dès ses débuts un lecteur dans lequel il était possible d'héberger six pièces. L'artiste devait donc effectuer un autre « choix stratégique », afin de diffuser le meilleur de sa production. Les autres usagers du réseau pouvaient à leur tour se bâtir des listes de lecture avec les chansons qu'ils avaient sélectionnées ici et là. Les statistiques centralisées, qui permettaient de voir au jour le jour le nombre de lectures de chaque chanson, étaient une mesure très fiable de la popularité d'un artiste.

Je commence à être nostalgique, et vous?

Sachez que je dirige un label nommé Fool's Gold et depuis sa fondation, nous avons recruté un tas de musiciens sur MySpace. Il y a quelques années, si j'entendais parler d'un rappeur, d'un DJ ou d'un groupe, j'entrais immédiatement l'adresse myspace.com/nom-du-groupe dans mon navigateur web. En un coup d'œil, je pouvais voir ses dates de spectacle, ses photos officielles, les salles dans lesquelles ses membres avaient joué (« Wow, ils ont rempli le Mercury Lounge!»). Je pouvais écouter les chansons de ce groupe tout en lisant, et m'imprégner de son sens esthétique grâce au design de sa page. Désormais, je dois jongler avec des données en provenance de SoundCloud, de YouTube et de Twitter. Je n'ai pas encore trouvé l'algorithme qui pourra compiler toutes ces informations. Pas étonnant que notre label n'ait encore signé aucun artiste cette année.

Il fut un temps où les musiciens avaient leur propre site web. Avec ses fonctionnalités géniales, MySpace a tué ces sites traditionnels. Et depuis que le public a abandonné MySpace, il ne reste plus qu'un grand trou noir.

Pour conclure, je dirais que MySpace a donné aux musiciens la capacité de communiquer. Il était possible d'envoyer un message à toute personne qui était membre du réseau - qu'elle soit répertoriée comme «ami» ou pas. C'est exactement comme ça qu'a débuté ma relation professionnelle avec Boys Noize. J'ai vu ce DJ allemand à Miami un soir et, sans le connaître personnellement, j'ai décidé de lui écrire pour lui témoigner mon appréciation. Après quelques échanges, Boys Noize m'a confié la tâche de remixer l'une de ses pièces.

Nous avons publié le remix sur nos pages MySpace respectives, ce qui m'a valu un prix de musique électronique à la fin de l'année! Voilà une preuve que le système fonctionnait. Si je voulais répéter cette expérience en 2012, je devrais connaître le nom véritable de ce DJ, faire une recherche dans Facebook et lui écrire sur son compte personnel - ce qui est un peu déplacé. L'autre alternative serait de suivre son compte Twitter en espérant qu'il en fasse de même, afin que nous échangions des « télégrammes » d'à peine 140 caractères.

Je n'ai pas écrit cet article dans l'espoir que MySpace renaisse de ses cendres. Mais peu importe quel nom portera le prochain réseau, je souhaite qu'il puisse me redonner un portrait aussi complet de l'industrie musicale.

Sur ce, pardonnez-moi car je dois retourner faire le ménage dans ma Timeline Facebook.

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