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Les chrétiens de Syrie: ils étaient les premiers, seront-ils les derniers?

La Syrie est onzième dans la liste des pays où les chrétiens sont le plus persécutés. C'est ce qu'indique l'ONG Portes Ouvertes dans son récent classement intitulé Index Mondial de Persécution 2013...
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La Syrie est onzième dans la liste des pays où les chrétiens sont le plus persécutés. C'est ce qu'indique l'ONG Portes Ouvertes dans son récent classement intitulé Index Mondial de Persécution 2013 qui met en évidence les 50 pays dans les mondes où les chrétiens sont le plus persécutés, en se basant sur la notion de liberté religieuse.

Les chrétiens de Syrie se retrouvent aujourd'hui engloutis dans un gouffre social et politique où certains demeurent fidèles au gouvernement Assad pour assurer leur survie, tandis que d'autres auraient refusé les armes que leur proposait le gouvernement, pour choisir de se battre au côté de l'Armée syrienne libre ou bien encore se retrouvant soit déplacés dans leur propre pays ou bien encore dans les camps de réfugiés en Turquie, en Jordanie et au Liban.

Cette division illustre parfaitement l'idée que le conflit syrien n'est en aucun cas confessionnel, mais bien politique. Car en Syrie, et cela bien avant l'arrivée au pouvoir du Parti Baas il y a 40 ans, l'on est Syrien avant d'être Sunnite, Alaouite, Chrétien ou Druze. Le poète Adonis, considéré par beaucoup comme l'un des plus grands poètes arabes du XXe siècle, avait donc à tort décrit cette révolution comme "émanant des mosquées".

La Syrie a souvent été considérée comme modèle de multiculturalisme religieux dans la région et les chrétiens -que l'on retrouve principalement dans les zones urbaines- constituent environ 5 à 10 pour cent de la population.

Historiquement divisés, ces derniers se partagent une douzaine d'églises: les unes séparées de Rome, les autres liées à Rome. Sur le plan socio-politique, parmi ceux qui ont eu les moyens de s'installer à l'étranger -que ce soit au Liban, au sein de l'Union Européenne, aux États-Unis ou bien encore au Canada- beaucoup reprochent aux hautes autorités chrétiennes en Syrie d'être encore trop proches du gouvernement de Bachar al-Assad après deux ans de massacres.

Ils auraient réalisé que le président qui leur offrait une certaine protection en tant que minorité cherchait, en fait, à instrumentaliser leurs peurs afin d'obtenir leur appui face à une écrasante majorité sunnite. Il semblerait alors que le désir de Bachar al-Assad de transformer ce conflit en affrontement religieux doive faire face aux sentiments patriotiques des Syriens qui se retrouvent déchirés entre leur amour pour la terre natale et l'idée d'un meilleur avenir pour leurs enfants.

Le billet se poursuit après la galerie

Camps de réfugiés en Syrie

Depuis les années 1970, sous le régime baasiste de Hafez al-Assad, et ensuite de son fils Bachar -un régime notamment fondé sur l'idéologie panarabe de l'écrivain et homme politique syrien Michel Aflak- les communautés chrétiennes ont vécu relativement en paix, bénéficiant de tolérance et de liberté quant à la célébration de leur culte.

Bien que ce conflit n'ait pas encore atteint le niveau de lutte interconfessionnelle, plusieurs camps se sont dessinés: d'un côté certains chiites alliés au gouvernement Alawite et au Hezbollah; et de l'autre de nombreux sunnites membres de l'Armée syrienne libre soutenus notamment par l'Arabie Saoudite, la Turquie, le Qatar et autres pays du Golfe.

Dans un tel contexte, on est alors en droit de se demander ce qu'il adviendra des communautés chrétiennes de Syrie: seront-elles condamnées à suivre la mobilité forcée, à l'image de leurs voisins irakiens en 2003?

Dans un paysage politique global où se fondent et s'entremêlent la religion, le nationalisme, et la langue, les chrétiens se retrouvent alors au cœur d'une crise identitaire avec comme force principale l'argument selon lequel leur langue liturgique, l'Araméen serait non seulement l'une des langues les plus anciennes de Syrie, mais elle constituerait de plus la forme essentielle de l'héritage culturel du pays. Comment concilier alors la préservation d'une langue et d'un héritage religieux ancien et sacré et la protection de ses droits politiques et civiques dans un pays en pleine crise humanitaire?

Bien que beaucoup se battent pour l'effondrement du régime de Bachar al-Assad, une peur subsiste quant à la suite des événements. L'exemple de l'Égypte, ou bien encore celui de l'Irak, montre qu'il n'est pas forcément nécessaire que l'ère post-Bachar prenne un tournant démocratique. Les groupes religieux extrémistes étrangers ou en association avec des groupes étrangers -la milice islamiste Jabhat al-Nusra par exemple- constituent une menace pour la survie des chrétiens de Syrie et pourraient bien les forcer à l'exode, comme ce fut le cas pour les chrétiens irakiens qui eux-mêmes avaient trouvé refuge en Syrie.

Mais si la situation actuelle se transforme en conflit sectaire au sein duquel se feraient face extrêmes de tous bords, il demeure malgré tout l'espoir qu'il faudra beaucoup d'efforts pour détruire des millénaires de tolérance religieuse.

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