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Pakistan, les ismaéliens pris au piège des fondamentalistes

La problématique du Pakistan reste celle du terrorisme. Bien qu'il s'agisse d'un pays qui puisse faire parfois preuve d'immenses actions d'ouverture, il n'en demeure pas moins que cette tentaculaire tâche du terrorisme tarie totalement le tableau qu'on essaie d'en dresser.
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Nous étions en cours de guérison des trois dernières douloureuses attaques ayant été perpétrées majoritairement par le TTP (Parti des Talibans Pakistanais) contre la minorité chrétienne, les enfants de Peshawar et la militante pour les droits de l'Homme, Sabeen Mahmud que le Pakistan doit faire le deuil de la perte de 43 autres personnes. Désormais, c'est un nouveau deuil national qui doit être décrété pour les ismaéliens du Pakistan, minorité chiite revendiquant un islam "moderne" qui s'est vue être ciblée dans le cadre d'un attentat

La "nouveauté" de l'attaque, si l'on peut se permettre de l'écrire ainsi, réside dans la revendication de l'attentat. Malgré une confusion généralisée, il semble que ce ne soit pas le Tehrik-e-Taliban Pakistan qui l'ait revendiqué, mais bien les militants du Daech. Cette revendication nécessite de se poser plusieurs questions. D'abord, les réseaux de Daech (à travers un groupuscule nommé Jundullah, bien que les liens présumés entre les deux soient flous) ont-ils réellement infiltré le Pakistan ? Ces derniers, ayant l'habitude de recourir aux pires atrocités contre les minorités, on pense notamment aux Yezedis d'Iraq, auraient opté pour le même mode opératoire au Pakistan ? Pour l'heure rien de confirmé et les analyses demeurent parsemées de doutes. Ensuite, à considérer que le Daech ait bien passé les frontières pakistanaises, comment ses militants ont pu se rendre à Karachi, l'apanage des mouvements fondamentalistes étant normalement la zone du Nord-Ouest du Pakistan ? Bien entendu, tant que ces informations ne sont pas confirmées, nous ne pouvons que ponctuer nos affirmations de conditionnels.

Des signes avant-coureurs ?

Mais que se passe-t-il exactement au Pakistan ? Les minorités religieuses sont constamment sous le feu des projecteurs de sorte qu'il est difficile de penser qu'une minorité est protégée. En mars dernier, Le Monde annonçait qu'un double attentat a été perpétré contre deux églises chrétiennes à Lahore au Pakistan. 14 morts et 70 blessés. Il y a quelques semaines, c'était la militante des droits de l'Homme, Sabeen Mahmud, une étoile filante du Pakistan qui nous quittait. Le 8 mai dernier, la mosquée des musulmans ahmadis à Chakwal a fait l'objet d'un mandat de destruction par un juge.

Parce qu'il faut le dire, le PML-N (Ligue Musulmane Nawaz) compte désormais beaucoup d'attentats meurtriers et graves à son actif (ou du moins à l'actif de son mandat). Alors que l'unité nationale semblait se dessiner suite à l'attentat de Peshawar contre l'école de l'armée (Army School of Peshawar), le défi actuel est le suivant: comment dessiner cette même unité alors qu'on est en présence d'une minorité religieuse? L'attentat contre la Army School de Peshawar avait atteint des enfants qui portaient un double symbole: celui d'être des enfants innocents, mais également celui d'être des enfants avec des parents issus du corps de l'armée, une des institutions les plus puissantes du Pakistan.

Mais qui des ismaéliens, une communauté musulmane chiite pacifique et apolitique, travaillant principalement dans les secteurs de la santé et de l'éducation? Sous l'égide de leur maître spirituel Karim Aga Khan, 49e imam chiite de leur communauté, les ismaéliens pratiquent un islam moderne et progressiste, ce qui en fait la cible privilégiée des intégristes sunnites. Désormais, le chef spirituel est sous le choc et les coups de fil s'enchainent. L'armée était présente sur les lieux tandis que le cabinet du premier ministre discutait sur l'opportunité de reporter une réunion ministérielle ou pas. Cela ressemblait presque à une scène de film trop bien joué.

Le Pakistan, pris au piège de Daech ?

43 morts et 23 blessés. Un bus rose criblé de balles en plein cœur de Karachi. Des coups de fil venant de partout. Le Chief Minister de la Province du Sindh est arrivé à Karachi en condamnant les attaques et prenant les mesures de sécurité qui s'imposaient. Asif Ali Zardari, ancien président du Parti Pour le Peuple réputé être très influent à Karachi et ancien président de République islamique du Pakistan, a condamné cette attaque particulièrement lâche.

Selon les premières informations, l'attaque serait revendiquée par le Jundullah, un groupe proche de Daech et plusieurs tracts de ce groupe auraient été trouvés non loin des lieux. Ce qui est d'autant plus inquiétant est que si le Jundullah est réellement derrière cet attentat, deux grands groupes fondamentalistes se retrouvent au Pakistan - les Talibans et le Daech (bien que les liens entre les deux groupes demeurent parfois très peu clairs, surtout au Pakistan). Les deux ont une manière de procéder et une vision différentes. Nous voyons également que l'assassinat aveugle des membres d'une minorité est un procédé commun aux deux groupes. Si Daech revendique l'attaque contre les ismaéliens, il n'en demeure pas moins que les Talibans avaient revendiqué les deux attentats contre les chrétiens et le double attentat de 2010 contre les musulmans ahmadis.

Ce qui est d'autant plus terrifiant est que le porte-parole du groupe Jundullah, Ahmed Marwat, a affirmé qu'il continuerait à perpétrer de telles attaques tout en précisant que les shiites et les musulmans ahmadis demeuraient leur principale cible.

Plus générale, la problématique du Pakistan reste celle du terrorisme. Bien qu'il s'agisse d'un pays qui puisse faire parfois preuve d'immenses actions d'ouverture, il n'en demeure pas moins que cette tentaculaire tâche du terrorisme tarie totalement le tableau qu'on essaie d'en dresser. Cette attaque contre les ismaéliens a été unanimement condamnée par les différentes parties prenantes du débat pakistanais. L'unité reste la clef et les débats passionnés devraient être mis de côté. Si le terrorisme est la plaie, l'unité du Pakistan contre les terroristes reste la solution. Reste à savoir si le leadership politique aura la hauteur et la vision pour la mettre en place.

Nos pensées vont aux familles des défunts de cet attentat lâche, injustifié et injuste.

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