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Enfin, des Casques bleus en Centrafrique!

On a l'impression d'une guerre de tous contre tous, où la survie individuelle a pris le dessus sur la survie collective, installant la RCA dans un chaos qui s'appréhende en termes de milliers de morts, de refugiés et de déplacés. Le déploiement de la MINUSCA augure-t-il d'une sortie prochaine de crise?
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Depuis le 15 septembre dernier a débuté le déploiement de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation en Centrafrique (MINUSCA), 22 mois après le déclenchement de la grave crise armée qui secoue la République centrafricaine (RCA). Depuis décembre 2012, la RCA est devenue un vaste champ de bataille où il n'existe guère de ligne de démarcation, car la guerre éclate de toute part ; l'armée régulière est aussi violente que les groupes armés ; des civils s'érigent spontanément en milices dont les machettes et autres armes blanches se sont montrées aussi meurtrières que les kalachnikovs. On a l'impression d'une guerre de tous contre tous et où la survie individuelle semble visiblement avoir pris le dessus sur la survie collective, installant ainsi la RCA dans un chaos qui s'appréhende désormais en termes de milliers de morts, de réfugiés et de déplacés internes. Tout ceci sous l'indifférence à peine voilée d'une « communauté internationale » qui s'était contentée jusque-là d'interventions symboliques. Le déploiement de la MINUSCA augure-t-il d'une sortie prochaine de crise ?

La Résolution 2149 du Conseil de Sécurité du 10 avril 2014 qui établit la MINUSCA sous le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies lui donne mandat de « prendre tous les moyens nécessaires » (y compris l'usage de la force) « pour rétablir la stabilité ainsi que l'autorité de l'État ». Rarement le Conseil de Sécurité a été aussi généreux en attribuant un mandat aussi large et imprécis - à dessein - à une Mission de l'ONU. Même si la MINUSCA devrait définir les actions concrètes à entreprendre de commun accord avec le gouvernement de transition centrafricain comme le stipule la Résolution 2149, on ne voit guère comment cette dernière empêchera des interprétations abusives comme celles auxquelles avait donné lieu la résolution 1973 du Conseil de Sécurité du 17 mars 2011 concernant l'intervention en Libye. Déjà le 7 août dernier, la MINUSCA et le gouvernement centrafricain de transition ont signé un Mémorandum qui permet à la MINUSCA d'ouvrir des prisons et une Cour Criminelle Spéciale pour juger les criminels. On s'achemine vers une mise sous tutelle de la RCA où l'État, de fait, n'est plus désormais que l'ombre de lui-même.

La MINUSCA a-t-elle plus de chance de réussir que les nombreuses précédentes interventions internationales ? Les premières interventions étrangères avaient été entreprises par la Communauté économique des États d'Afrique centrale (CEEAC) qui avait mis sur pied en octobre 2002 la FOMAC (Force multinationale des États d'Afrique Centrale) qui fut remplacée par la MICOPAX (Mission de consolidation de la paix en Centrafrique) en juillet 2008, avant d'être transformée en décembre 2013 en MISCA (Mission internationale de soutien à la Centrafrique) sous la responsabilité de l'Union africaine. La MISCA bénéficia du soutien des soldats français de l'opération Sangaris depuis décembre 2013 et des soldats de l'Union européenne de l'opération EUROFOR RCA déployée depuis avril 2014. Cependant, en plus d'être sous-équipés, les soldats de la MISCA sont en nombre insuffisant, environ 4 000 soldats.

De même, l'opération Sangaris comptait environ 1 600 soldats et celle de l'EUROFOR prévoyait un maximum de 1 000 soldats. Le cumul des effectifs des différentes forces étrangères était d'environ 6 600 soldats, ce qui était insuffisant à rétablir la sécurité sur l'ensemble du territoire nationale, et avait conduit au confinement des troupes essentiellement à Bangui, la capitale. La MINUSCA qui prend le relais des forces étrangères en RCA comptera à terme 12 000 personnels et dont 11 200 soldats. C'est donc une force capable de se déployer sur l'ensemble du territoire et d'imposer l'arrêt des violences.

Toutefois l'obtention d'un cessez-le-feu sur l'ensemble du territoire ne signalera guère la fin des crises en Centrafrique. Car, la RCA n'est pas confrontée qu'à une crise sécuritaire et militaire, mais à une crise protéiforme qui se décline en diverses crises: crise de l'État et de ses administrations incapables de se projeter comme puissance publique sur l'ensemble du territoire national; crise sociétale avec la désagrégation de la société et des affrontements intercommunautaires; crise humanitaire avec des milliers de réfugiés et de déplacés internes; crise socio-économique où la grande pauvreté, la mauvaise gestion et le pillage des ressources ont installé durablement la population dans l'indigence humiliante; crise sociodémographique avec une population jeune sans structures d'encadrement adéquates; crise démocratique avec l'absence de structures de médiation pacifique des intérêts divergents des citoyens, etc., Autant de facteurs qui alimentent le conflit en RCA et qu'on ne saurait occulter dans la recherche d'une sortie de crise.

En outre, le conflit en RCA entretient des rapports directs avec les conflits et l'insécurité dans les régions d'Afrique centrale et orientale. La quasi-totalité des pays limitrophes de la RCA sont confrontés à des rébellions qui ont contribué à l'insécurité qui prévaut en RCA. C'est le cas de la République Démocratique du Congo, du Tchad, du Soudan (Darfour) et du Soudan du Sud. Quant aux deux autres pays frontaliers, le Cameroun et le Congo-Brazzaville, qui ne sont pas confrontés à des rébellions internes, ils restent tout de même fragiles. De plus, même des rébellions dans les pays non limitrophes de la RCA exploitent son territoire comme base arrière. C'est le cas de l'Armée de Résistance du Seigneur de Joseph Kony de l'Ouganda, active dans le sud-est de la RCA depuis 2008.

Ainsi, la stabilisation de la RCA passe aussi par la pacification du sous-continent d'Afrique centrale et de l'Est. Mais surtout par l'instauration d'un dialogue politique et sociétal entre les Centrafricains et entre les 14, environ, groupes armés en présence et dont la coalition rebelle la Seleka n'en représente que cinq. Le succès de la MINUSCA ne dépendra pas seulement de sa capacité militaire, mais également et surtout de son habilité à encourager l'instauration du dialogue politique. Or, la Résolution 2149 du Conseil de Sécurité privilégie l'option militaire. L'espoir est-il permis ? L'avenir nous le dira.

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