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Haïti: l'opposition dans le viseur du pouvoir «Tèt Kale»

Le président haïtien, qui semble être allergique à toute opposition à son pouvoir, se rend-il vraiment compte de la portée de sa déclaration quand il qualifie ses opposants de «communistes»?
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Le président haïtien Michel Martelly est-il entré en campagne électorale pour son premier ministre, son ami Laurent Lamothe, dans la perspective des prochaines élections présidentielles de 2015, sous la bannière de son parti Tèt Kale? La réponse est oui si l'on suit le mensuel Haïti Monde dans son édition spéciale de mai 2014 intitulée «2015, la bataille présidentielle est lancée: Lavalas contre Tèt Kale». Fanmi Lavalas étant le parti politique de l'ancien président Jean-Bertrand Aristide, dont l'Assemblée des «candidats à la candidature» vient de désigner officiellement la coordinatrice du parti, Dre Maryse Narcisse, comme candidate à cette bataille présidentielle.

Le samedi 19 juillet 2014, un pas a été franchi du côté du pouvoir en place dans cette campagne non encore officielle. Ce jour-là, le président haïtien a prononcé un discours devant un public, apparemment acquis à sa cause, à Miami, à l'occasion de la 9e édition du programme "Gouvènman an lakay ou" (Le gouvernement chez vous). Dans cette ambiance qui ressemblait fort bien à une réunion électorale, il a vanté les actions du gouvernement Tèt Kale et mis en garde ses compatriotes de la diaspora quant à l'idée de voter pour un "communiste"! Cette allusion au communisme n'est pas passée inaperçue en Haïti, pays où de nos jours, répertorier un communiste reviendrait presque à chercher une aiguille dans une botte de foin. Elle rappelle, surtout, de tristes et macabres souvenirs de la période où régnait le régime des Tontons Macoutes des Duvalier père et fils.

En effet, sous la dictature duvaliériste et à l'époque de la guerre froide, les opposants au régime étaient souvent qualifiés de «communistes», de «Kamoken». Recherchés, chassés, emprisonnés, torturés, tués. De nombreux opposants ont dû prendre l'exil pour sauver leur peau. L'écrivain canado-haïtien Dany Laferrière de l'Académie française le raconte dans ses livres. Lui qui a dû fuir son pays natal en plein été 1976 pour le Canada de peur de se faire emprisonner, torturer ou tuer par les sbires de ce qu'il appelle la «dictature tropicale» dans Chronique de la dérive douce (Grasset, 2012).

Et aujourd'hui, c'est l'actuel président haïtien, Michel Martelly - grâce à qui le dictateur Jean-Claude Duvalier se la coule douce au pays après ses années passées sur la Côte d'Azur sous protectorat de la France, et dans l'indifférence totale de la «communauté internationale», au mépris des milliers de victimes répertoriées sous son régime sanguinaire- qui se met à taxer, à son tour, ses opposants de «communistes». Mauvais signal!

Trois remarques supplémentaires

D'une part, le président haïtien, qui semble être allergique à toute opposition à son pouvoir, se rend-il vraiment compte de la portée de sa déclaration quand il qualifie ses opposants de «communistes»? Avec une telle déclaration, ne donne-t-il pas raison à la coalition de l'opposition qui considère son pouvoir comme étant l'incarnation d'un néoduvaliérisme new look? Ou bien s'agit-il de sa part d'une énième provocation délibérée comme il en a l'habitude à la manière de Sweet Micky, son nom de scène?

D'autre part, le plus burlesque dans cette affaire, c'est que parmi les pays qui apportent une aide substantielle à Haïti figurent, hormis les "amis" habituels tels que les États-Unis, la France, le Canada, etc., d'autres pays notoirement communistes comme le Venezuela et Cuba. Venezuela avec les fonds du programme "Petrocaribe" -accord du gouvernement vénézuélien garantissant aux pays de la Caraïbe et de l'Amérique Centrale un approvisionnement pétrolier à des conditions préférentielles. Et Cuba qui envoie régulièrement en Haïti des centaines de médecins dont l'immense contribution au fonctionnement du système de santé haïtien est reconnue de tous. Comment les partenaires vénézuéliens et cubains vont-ils réagir face à ce qui pourrait ressembler à une faute politique sur le plan diplomatique?

Enfin, sur le plan sociopolitique interne, cette déclaration du président Tèt Kale montre à quel point l'opposition haïtienne, censée incarnée des valeurs de gauche, de progrès, de justice sociale, doit retrousser ses manches pour offrir une alternative crédible au peuple haïtien à travers un solide travail idéologique et programmatique pour sortir Haïti de l'impasse dans laquelle elle se trouve depuis tant d'années.

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