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Haïti: halte à la mascarade électorale!

Mais, le peuple, souverain - dont la jeunesse qui veille via les réseaux sociaux - n'est pas dupe! En boudant clairement les urnes, il a voulu certainement manifester non seulement son ras-le-bol d'un système sociopolitique et économique complètement, mais également son refus de cautionner cette mascarade électorale
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Le dimanche 9 août 2015, les 5,8 millions d'électeurs haïtiens étaient appelés aux urnes pour élire l'ensemble de leurs députés et deux tiers du Sénat. Près de 48 heures après la fermeture des bureaux de vote - ceux qui avaient pu ouvrir -, le taux de participation n'était toujours pas connu, et encore moins le verdict des urnes. Estimée à 15% avant le scrutin, la participation devrait être, finalement, beaucoup plus faible, compte tenu du très peu d'engouement qu'a suscité ce scrutin chez les électeurs. À moins que les ordinateurs du centre de tabulation du Conseil électoral provisoire (CEP) nous sortent, comme par hasard, un chiffre miracle!

Manifestement, les conditions n'étaient pas réunies pour l'organisation, ce 9 août, d'élections démocratiques, honnêtes, libres et crédibles en Haïti. Commandés à l'étranger (Dubaï, Afrique du Sud) par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) chargé de la gestion des dizaines de millions de dollars alloués aux opérations électorales, les isoloirs et les urnes disposés dans les bureaux de vote n'étaient, en réalité, que des objets de pacotille. La risée de tous sur les réseaux sociaux!

Les mandataires, représentants des différents partis politiques, n'ont pas reçu leurs mandats à temps pour pouvoir suivre les opérations électorales au sein des bureaux de vote. Si pour le conseiller électoral, Néhémy Joseph, la responsabilité de cet imbroglio incombe au PNUD), le président du CEP, Pierre-Louis Opont, a, en revanche, accusé le Chef de service, Joseph Hébert Lucien, de s'être enfui avec des mandats et du matériel appartenant au CEP, et a porté plainte contre lui. Celui-ci a démenti catégoriquement cette accusation.

Visé par une poursuite ordonnée très rapidement par le ministère de la Justice et de la Sécurité publique - ce qui sème un certain doute compte tenu de la passivité de la justice à l'égard des vrais délinquants et "bandi legal" dans ce pays -, il "dit avoir subi des menaces de la part de représentants de partis politiques pour expliquer son départ inopiné. Il affirme être à la disposition de la justice tout en rejetant l'accusation selon laquelle il aurait emporté des mandats destinés aux représentants de partis ainsi que du matériel appartenant au Cep. Lucien affirme aussi avoir été agressé verbalement par Pierre Louis Opont, alors qu'il faisait face à d'énormes difficultés dans son travail."

Il a néanmoins "reconnu comme le président du CEP qu'il y avait un problème avec les matériels d'impression. Il n'y avait pas d'encre. Il n'y avait pas non plus le support papier de couleur bleue sur lequel on devait imprimer les mandats, selon l'ancien chef de service du CEP. Une situation qui a occasionné beaucoup de retard dans le processus de production des mandats."

Alors, qui dit la vérité? Pierre-Louis Opont -ancien Directeur Général du CEP de 2010, connu pour avoir avoué récemment au micro du journaliste Valéry Numa de la radio Vision 2000 que les résultats qu'il avait transmis au premier tour de la présidentielle de 2010 n'étaient pas ceux publiés officiellement par le président du CEP de l'époque, Gaillot Dorsainvil-, serait-il en train de chercher en la personne de son chef de service un bouc émissaire pour cacher l'ampleur des irrégularités observées dans l'organisation de ces présentes "élections"? Quelle confiance accorder à ce personnage?

Une chose est sûre, les législatives de ce 9 août 2015 se sont déroulées dans une pagaille indescriptible. Depuis quelques semaines, la tension était à son comble dans de nombreuses localités du pays, au point que le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) avait mis en garde les autorités haïtiennes contre un désastre électoral et une crise postélectorale majeure à venir.

Comme il fallait s'y attendre, peu après ce premier tour très particulier, plusieurs partis politiques, dont la Fusion des sociaux-démocrates, Fanmi Lavalas, Renmen Ayti, Consortium, Ayisyen pou Ayiti, Mouvman Revolisyonè Ayisyen, ont vivement contesté la régularité, l'honnêteté et la crédibilité de ce scrutin. Alors que le CEP évoque le chiffre de 4%, ces "organisations politiques estiment que [au moins] 45% des centres de vote sur tout le territoire national ont été vandalisés ou ont enregistré des fraudes massives".

Elles ont noté, par ailleurs, que "de multiples cas d'agressions physiques, de meurtres et de bourrages d'urnes signalés par tous les médias à travers le pays ont été souvent effectués avec la complicité ou la passivité des pouvoirs publics". Comme dans la commune de Ouanaminthe, où Samuel Fidèle, a été arrêté pour bourrage d'urnes, le soir du vote, par des policiers nationaux au centre de vote logé au Collège Georges Muller, puis relâché par un juge. C'est à se demander décidément si, en refusant d'organiser des élections locales depuis 4 ans, et en remplaçant les maires par des "agents exécutifs", le pouvoir Tèt Kale n'était pas en train de préparer son coup.

En s'appuyant sur les rapports d'observateurs internationaux et nationaux, triés sur le volet, qui sont loin d'être totalement indépendants, la communauté internationale, le CEP et le gouvernement Martelly-Paul se disent satisfaits de la tenue de ces "élections" alors qu'ils savent pertinemment qu'elles se sont déroulées dans des conditions calamiteuses. En fait, comme on le voit régulièrement en Afrique, ces observateurs électoraux sont, en général, en service commandé. Si bien que la conclusion de leurs rapports, conformément aux attentes de leurs commanditaires, est généralement connue d'avance: les élections se sont globalement bien déroulées en dépit de quelques incidents observés ici et là qui ne sont pas de nature à entacher la régularité et l'honnêteté du scrutin...

Mais, le peuple, souverain - dont la jeunesse qui veille via les réseaux sociaux - n'est pas dupe! En boudant clairement les urnes, il a voulu certainement manifester non seulement son ras-le-bol d'un système sociopolitique et économique complètement tèt anba, mais également son refus de cautionner cette mascarade électorale, disant que ke li bouke pran Nana pou Sizann ! D'autant qu'il ne veut absolument pas tomber dans le piège qui lui est tendu par les organisateurs de ce scrutin qui tentent de lui fourguer à tout prix une 50e législature dont les principaux représentants pourraient être, selon le RNDDH, des délinquants, des dealers, des "bandi legal" bien connus de la Police et de la Justice, mais jouissant d'une impunité sans limites.

Ainsi donc, après la parenthèse démocratique qui aura duré environ huit mois (7 février 1991 - 30 septembre 1991) à la suite des élections présidentielles du 16 décembre 1990, nul ne peut contester que la démocratie est devenue, en Haïti, une véritable escroquerie en bandes organisées, qui se résume à un système de consultations électorales sans idéal et sans valeurs communes, et surtout sans le peuple.

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