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En tournage pour Grandes Causes, une série documentaire qui décrypte la communication de 12 causes sociétales que je développe avec Infopresse Télé pour Télé-Québec, impossible de ne pas faire de comparaison entre le cancer du sein, la cause chérie des médias, et celle, trop souvent oubliée, du virus du Sida.
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Thousands of people wearing a pink t-shirt participates in the 'The Young Ladies of Bugatti' race against breast cancer on October 23, 2011 at the Le Mans’ racetrack, western France. AFP PHOTO / JEAN FRANCOIS MONIER (Photo credit should read JEAN-FRANCOIS MONIER/AFP/Getty Images)
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Thousands of people wearing a pink t-shirt participates in the 'The Young Ladies of Bugatti' race against breast cancer on October 23, 2011 at the Le Mans’ racetrack, western France. AFP PHOTO / JEAN FRANCOIS MONIER (Photo credit should read JEAN-FRANCOIS MONIER/AFP/Getty Images)

Dimanche 30 septembre, la Fondation du cancer du sein du Québec et la Fondation Farha de lutte contre le Sida ont décidé d'organiser leurs deux plus gros événements de levée de fonds le même jour. En tournage pour Grandes Causes, une série documentaire qui décrypte la communication de 12 causes sociétales que je développe avec Infopresse Télé pour Télé-Québec, impossible de ne pas faire de comparaison entre le cancer du sein, la cause chérie des médias, et celle, trop souvent oubliée, du virus du Sida. Explications.

Ruban Rose...

Il est 8h30 ce dimanche matin lorsque le taxi me dépose à l'entrée du parc Maisonneuve à Montréal. Pas besoin de franchir les grilles métalliques pour savoir ce qui se passe derrière: déjà dans la rue, le rose est partout. Les dames portent des perruques roses. Les petites filles se sont transformées en princesses. Les messieurs, plus discrets, arborent des chandails aux couleurs de Barbie. Aujourd'hui, comme plusieurs milliers de personnes, ils vont marcher ou courir, seuls ou en groupe pour permettre à la fondation du cancer du sein du Québec de récolter des fonds. Arrivé à la tente média, je prends un café d'un des nombreux commanditaires de la journée, je m'achète une paire de gants (roses) pour se préparer au froid et à l'attente qui s'en vient et je fais le tour du site. Partout, la bonne humeur, la musique pop à fond et les cadeaux que l'on me remet tous les cinq mètres (dont un indispensable accessoire pour cuire mes oeufs aux micro-ondes).

Nous prenons quelques images pour la série que nous tournons pendant le départ de la course puis de la marche et échangeons quelques mots avec Mitsou, porte parole de la fondation et avec les nombreuses célébrités de télé-réalité dont je ne saurais dire les noms. Sur la grande scène financée la banque CIBC (l'événement porte son nom, "La course à la vie CIBC"), se succèdent tantôt les témoignages de "survivantes" (le nom donné à celles qui guérissent leur cancer du sein), tantôt un cours d'aérobie, tantôt un défilé de mascottes en poil. Toutes les chaines de télé sont là. Mitsou passe d'une entrevue à l'autre, d'une photo à l'autre, le même sourire radieux sur le visage, les mêmes gants roses que les miens. Il est 10h30, et c'est déjà l'heure de partir pour notre second tournage, celui sur le Sida.

... Contre Ruban Rouge

A quelques kilomètres de là, sur la rue Sainte-Catherine, nous interceptons la marche annuelle de la fondation Farha, qui, depuis 20 ans, amasse de l'argent pour différents organismes de prévention et de soutien aux malades du VIH/Sida. Sur place, l'ambiance est très différente. Pas un bruit ou presque, aucune marque sinon Bristol-Myers Squibb, le laboratoire pharmaceutique qui distribue le médicament pour contrôler le virus et qui, à travers le site Une vie-One life, offre de l'information pour les personnes atteintes du VIH. Ce qui me frappe le plus, c'est le nombre de gens présents, probablement moins de 3000 personnes. Un contraste étonnant avec la marche du cancer du sein.

Je croise Linda Farha, la porte parole de la fondation avec qui j'avais réalisé une entrevue quelques semaines plus tôt pour la série. Étonné, je lui demande si le temps y est pour quelque chose. "Il y a 10 ans, il y avait plus de 15 000 personnes qui marchaient dans la rue pour amasser de l'argent pour le Sida. L'an passé, nous étions à peine 4 000″ me confie Linda. Et nous devons nous battre pour amasser de l'argent. C'est de plus en plus difficile. Pourtant, le virus se propage plus que jamais, avec une recrudescence du nombre d'infection dans les dernières années, particulièrement chez les jeunes". Pourquoi ce manque d'intérêt des médias, des pouvoirs publics et de la population en général pour un virus, qui, selon les experts, pourrait être stoppé en menant des actions de prévention et d'éducation soutenues?

De retour de cette journée de tournage, je ne peux m'empêcher d'être frappé par le contraste de ces luttes, qui toutes deux, à bien des égards, méritent que l'on s'y intéresse. Je n'ai pas encore assez de recul sur les témoignages et les avis des experts que nous avons interrogé sur les deux sujets, mais il est clair que dans l'écosystème des causes (Sida, Cancer, violence conjugale, tabac, alcool etc), le cancer du sein est de loin la plus "sexy". Il touche en effet un attribut sacré et porteur de multiples symboles (maternité, sensualité) et une cible importante pour les entreprises de tout type d'industrie: la femme. Il est également un cancer dont on ne connait pas la cause immédiate, et qui place les malades dans le rôle de victimes.

A contrario, le Sida, pour beaucoup, touche un enjeu plus profond, celui de la sexualité, un tabou qui persiste, surtout lorsqu'il touche des communautés spécifiques, comme la communauté gay. C'est aussi une maladie qui se transmet, dont l'acte sexuel en est la cause. Une maladie que l'on peut éviter, selon certain, et qui est le résultat d'une action voulue. Encore faut-il être conscient des risques. Lors d'une autre entrevue menée avec le Docteur Réjean Thomas, fondateur de l'Actuel, la première clinique de dépistage VIH/SIDA, j'ai découvert que pour bien des jeunes, le Sida est une maladie de vieux: "lorsque nous recevons des nouveaux patients, beaucoup sont peu informés par les risques qu'engendre leurs pratiques sexuelles, et de plus en plus de jeunes pensent que le Sida se soigne très bien. Le manque de communication autour du VIH/Sida (le gouvernement a d'ailleurs annoncé qu'il retirait son budget annuel de communication pour le Sida cette année) et le manque d'éducation (il n'y a plus de cours d'éducation sexuelle dans les écoles du Québec) à une conséquence directe sur les populations, principalement les plus jeunes. Moins informés, ils sont plus vulnérables".

La lutte contre le cancer du sein est une cause essentielle, qui a besoin d'argent pour subventionner la recherche et le dépistage. L'apport moral et le soutient financier de la population et des entreprises, lorsque leurs intentions ne frôlent pas avec le "pink washing", sont nécessaires pour les patientes. Le Sida, lui, est un virus qui se propage. En plus de l'argent, c'est d'attention que cette cause requiert: ou sont les campagnes de communication gouvernementales? Ou sont les portes-paroles? Ou sont les actions de prévention dans les écoles? Si la recherche permettra certainement de trouver un vaccin contre le VIH, organisons-nous d'ici là pour stopper la propagation de la maladie. Et si l'abstinence, comme le prônait le pape, ne semble pas fonctionner aussi bien qu'il le souhaitait, faisons du bruit pour que l'éducation et la sensibilisation des nouvelles générations leur permettent de faire les bons choix.

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