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Se laisser gaver de 50 nuances de pablum

Ceci n'est pas une critique de la saveur culturelle du mois,. Cette chronique s'attarde plutôt aux moyens utilisés afin de nous enfoncer dans la gorge ce produit culturel international; comme tant d'autres.
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Pour ceux qui vivent à Saint-Octave-de-L'Avenir, je parle du film-événement planétaire 50 nuances de Grey, adaptation du roman à succès sadomasochiste d'E.L. James. Je n'en ferai pas une critique, quoique la banalisation du sadomasochisme et l'adoption de la pratique par effet de mode à l'échelle planétaire mériteraient certainement quelques réflexions sur notre belle société mondialisée.

Non, cette chronique s'attarde plutôt aux moyens utilisés afin de nous enfoncer dans la gorge ce produit culturel international; comme tant d'autres.

Des outils promotionnels, de plus en plus démentiels, sont mis en œuvre, à l'échelle mondiale, afin de nous convaincre de consommer des produits culturels uniformisés. La qualité n'a rien à voir avec le choix de ces mégaproduits. C'est le potentiel de pénétration de la masse qui compte.

La profitabilité. Un matraquage publicitaire, relayé par des médias nationaux complaisants, impose l'objet. Le bouche-à-oreille et le «Tout-le-monde-le-fait-je-le-fais » font le reste. Que ce soit pour des films, des livres, de la musique, des spectacles.

Comme pour le Super Bowl américain... En quoi un championnat d'un sport américain qui se joue entre deux équipes américaines concerne l'ensemble de la planète!? La finale de février a été suivie dans plus de 200 pays par près d'un milliard de personnes!?.

Partout sur la planète, des milliards de poulets ne pourront plus jamais apprendre à voler à cause de ça... Un évènement qui n'était pourtant que marginalement suivi à l'extérieur des États-Unis, il y a à peine une vingtaine d'années.

Tout comme la connerie du magasinage du Black Friday, qu'on adopte maintenant un peu partout sur la mappemonde. Same-same pour la Thanksgiving américaine. Célébrée de plus en plus au Canada. On mange maintenant de la dinde le quatrième jeudi de novembre.

C'est quoi notre problème!!!???

On a ben peu de fierté!!!

On a déjà notre propre Action de grâce, le deuxième lundi d'octobre, célébrant, comme pour les Américains, la fête des moissons. C'est même notre Samuel de Champlain qui organisait, en 1620, la première grande fête des moissons en Amérique afin de rendre grâce à Dieu des excellentes récoltes de cette année là!

Et on adopte ces rituels comme s'ils étaient plus importants que les nôtres...

Tout cela pourrait bien être risible si ce n'était qu'une partie des spécificités; de la diversité culturelle de la planète n'était bouffée dans le processus. La culture est le parent pauvre de nos budgets. C'est l'argent qui reste quand tous les autres besoins ont été comblés. C'est un budget relativement fixe qu'on y consacre individuellement chaque mois.

Pour la même raison qu'un gars dira qu'il n'a pas d'argent pour se payer l'admission d'un spectacle d'artistes locaux parce qu'il est allé voir le dernier blockbuster américain au cinéma la veille; une personne qui achète le dernier roman Twilight ou Fifty shades of Grey n'aura pas d'argent ensuite pour acheter la dernière BD d'Orbie pour sa nièce.

C'est la première fois de l'histoire de l'humanité que partout sur la planète des humains lisent les mêmes livres, écoutent la même musique et les mêmes films en même temps. Ce n'est pas anodin. La culture définit les humains. Définit les nations.

La mondialisation de la culture menace la pérennité de ce que nous sommes dans son essence même. Bien sûr que ce phénomène existe ici aussi, à plus petite échelle, pour la culture québécoise. Combien de copies se vendraient d'un Le kamasutra selon Véro et Louis?

Entre deux navets toutefois, je préfère qu'un lecteur aide Josélito Michaud à vivre de son « art » plutôt que d'acheter un bouquin parce que c'est la saveur mondiale du mois; que tous ses collègues l'ont lu et qu'il a été brainwashé à se le procurer.

J'ai dit, en début de texte, que je ne ferai pas une critique; que je ne parlerai pas de la qualité des Fifty shades of Grey et autres consorts. J'ai menti.

Beaucoup de gens lisent ce genre de divertissement facile comme il consomme de la télé poche afin d'oublier un instant les tracas quotidiens et le rythme infernal de leur vie imposés par un système qui les maintient dans un état d'asservissement.

Mais en faisant l'effort de choisir ce que l'on consomme au lieu de se laisser imposer ses choix culturels par d'autres; en choisissant progressivement des œuvres plus difficiles permettant éventuellement de mieux appréhender cet état d'asservissement et le monde en général; peut-être aurions-nous le désir d'en sortir et de participer à la construction d'une société où nous pourrions tous mieux vivre et où on aurait peut-être moins besoin de se divertir...

Arrêtons de gober comme des dindes de l'Action de grâce les produits que le marketing mondial tente de nous imposer. Parce que c'est notre spécificité québécoise et même notre humanité qui se fait décapiter petit à petit...

Faire l'effort de choisir la culture qu'on consomme. C'est se choisir soi-même.

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