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Ce que peut nous apprendre la pneumonie atypique d'Hillary Clinton

On a écrit énormément de choses sur la pneumonie atypique d'Hillary Clinton, et tous les Américains découvrent cette maladie. C'est l'occasion rêvée de parler d'un mal beaucoup plus insidieux: une société qui pousse nos responsables politiques à devenir de véritables zombies.
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On a écrit énormément de choses sur la pneumonie atypique d'Hillary Clinton - qui va réapparaître en public jeudi - et le pays tout entier découvre cette maladie. C'est l'occasion rêvée de parler d'un mal beaucoup plus insidieux: une société qui pousse nos responsables politiques à devenir de véritables zombies.

La campagne présidentielle américaine de 2016 atteint des sommets dans l'absurde. En voici un exemple supplémentaire: nous vivons dans une société où a) la candidate du parti démocrate et ses conseillers ont jugé bon de ne pas ralentir la cadence quand elle a été diagnostiquée, et b) on parle tellement de la santé des candidats que le fait d'admettre qu'ils ne sont pas surhumains et qu'ils ont parfois besoin de repos (de préférence avant d'attraper une pneumonie) est considéré comme un signe de faiblesse.

Ce n'est pas un hasard si Hillary a commis une énorme gaffe -quand elle a dit que "la moitié des partisans de Donald Trump" étaient "lamentables"- le soir où on lui a diagnostiqué une pneumonie atypique. La maladie a indubitablement affecté son esprit critique. Quant à son adversaire, il s'est déjà montré totalement inapte à la fonction présidentielle, en se vantant notamment de ne dormir que quatre heures par nuit, et en manifestant tous les symptômes du manque de sommeil chronique: incapacité à retenir les choses les plus simples, sautes d'humeur, accès de colère, souvenirs fictifs, tendances paranoïaques et régurgitation de théories incompréhensibles.

Les maladies comme la pneumonie atypique ne surviennent pas par hasard.

La science nous dit clairement que la fatigue n'influe pas seulement sur notre santé, mais sur notre capacité de réflexion. Pourtant, trop de gens - y compris la plupart des électeurs, bon nombre de journalistes et, apparemment, les deux candidats - continuent de penser que le fait de prendre soin de soi, de recharger les batteries et de dormir suffisamment est un aveu d'impuissance.

Comme me le disait le Dr Ali Rezai, directeur de l'institut neurologique de l'université de l'Ohio, les maladies comme la pneumonie atypique ne surviennent pas par hasard. "Nous sommes constamment entourés de virus et de bactéries, mais nous ne tombons malades que lorsque notre système immunitaire n'est plus en mesure de lutter efficacement contre les infections, et que nous sommes épuisés. De plus, en étant attentif aux signes annonciateurs de pathologies comme la pneumonie atypique, il est possible d'agir efficacement, en dormant plus et en mettant la pédale douce."

C'est peut-être l'occasion idéale de redéfinir le concept obsolète de "présidentiable". Si vous voulez avoir les idées suffisamment claires pour être capable de gérer une situation de crise à trois heures du matin, il vaut mieux vous assurer que vous êtes bien réveillé-e quand le téléphone sonnera.

La science est on ne peut plus explicite à ce sujet, et il est grand temps que nous l'acceptions. Pour ne citer qu'un exemple, une étude récente a démontré que l'épuisement et le manque de sommeil engendraient des troubles cognitifs à peu près équivalents à ceux d'une personne ayant dépassé le taux légal d'alcoolémie. Pourtant, nos candidats continuent d'affirmer qu'ils sont toujours à la tâche, comme si c'était un signe de santé et de volonté. La science nous montre en fait qu'ils tentent de nous faire croire qu'ils sont capables de fonctionner comme s'ils étaient constamment en état d'ivresse. Il n'y a pas de quoi se vanter. C'est pourtant ce qu'a fait Bill Clinton lundi, en disant au journaliste Charlie Rose qu'il n'était pas sûr de "pouvoir empêcher un jour de plus [sa femme] de repartir en campagne" et que, même si elle était épuisée, elle continuait à ne pas ménager ses efforts. Cette attitude est contre-productive, comme nous l'avons vu la semaine dernière. Pire, les réactions du camp Clinton pendant la convalescence de la candidate continuent à nier le lien entre santé et performance, ce qui a sans doute contribué à ses problèmes actuels.

Quand on travaille tellement que notre corps s'effondre (comme cela lui est arrivé tandis qu'elle regagnait sa limousine après avoir quitté plus tôt que prévu la cérémonie du souvenir consacrée aux victimes du 11-Septembre), ça n'est pas un signe de santé ni de volonté. Les candidats se vantent de mener des campagnes factuelles, mais ils ignorent les données scientifiques qui prouvent que le plus performant des deux est celui qui est suffisamment sûr de lui et discipliné pour s'accorder des moments de repos.

Ce n'est pas une découverte pour Hillary Clinton. En janvier, elle confiait à l'animateur Jimmy Fallon que lorsqu'elle était aux Affaires étrangères, elle était parfois tellement épuisée lors des rencontres protocolaires avec des chefs d'État étrangers qu'elle "plongeait ses ongles dans la paume de sa main pour rester éveillée" afin de pouvoir "représenter les intérêts de notre pays". Quand elle avait quitté ses fonctions en 2012 -après avoir effectué plus d'un million et demi de kilomètres et visité 112 pays-, elle avait dit au New York Times que son objectif prioritaire était de trouver le moyen de ne plus être aussi épuisée.

Alors, ça suffit! Il est temps que la candidate, qui est déjà allée plus loin qu'aucune autre avant elle, ouvrant par la même occasion le champ des possibles à des millions de femmes à travers le monde, brise aussi l'illusion collective qui consiste à penser que les femmes doivent prouver qu'elles sont dignes de briguer la fonction présidentielle (ou même d'occuper un poste de direction) en étant encore plus en burn-out que les hommes.

Un candidat à la présidence des États-Unis ne devrait pas avoir besoin de contracter une pneumonie atypique pour qu'on accepte qu'il se repose.

Les théories absurdes sur la santé de la candidate, véhiculées par les mêmes groupuscules qui accusent depuis des décennies les Clinton d'avoir du sang sur les mains, sont à nouveau alimentées par l'incident survenu dimanche. Parce qu'ils ont cru que faire campagne impliquait de ne jamais cesser de travailler, Hillary Clinton et ses conseillers se sont tiré une balle dans le pied, au moins le temps que l'affaire se tasse. Cependant, bien qu'elle ait perdu une bataille, je vous promets qu'elle sera encore mieux placée pour gagner la guerre si elle retient la leçon. Et nous aussi par la même occasion.

Son médecin, le Dr Lisa Bardack, dit qu'elle lui a "suggéré de se reposer et de modifier son emploi du temps". Mais un candidat à la présidence des États-Unis ne devrait pas avoir besoin de contracter une pneumonie atypique pour qu'on accepte qu'il se repose: c'est un conseil avisé, que ferait bien d'écouter n'importe quel responsable politique, quel que soit le moment.

On dépense - à juste titre - beaucoup d'argent pour assurer la sécurité du président. Mais c'est à l'intéressé de faire en sorte que son emploi du temps comporte des périodes de repos, afin d'être le plus souvent au meilleur de sa forme physique et intellectuelle. C'est cela, la force, l'endurance. C'est à l'aune de ces précautions qu'une personne est apte à exercer la fonction suprême.

Ce billet de blogue, publié sur le Huffington Post US, a été traduite par Bamiyan Shiff pour Fast for Word.

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