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Davos 2013: la résistance, impératif du 21ème siècle

Si nous avons vraiment l'intention de construire une résistance planétaire - comme avec notre corps - nous allons devoir fournir à nos économies ce dont elles ont besoin pour grandir. Les régimes, s'ils sont fait correctement, sont bénéfiques, mais ne pas manger du tout n'est pas un régime, c'est une grève de la faim. Quand il est affamé, notre système commence à flancher et à se dévorer lui-même - un phénomène plutôt familier à qui a observé le paysage européen politique et économique ces dernières années.
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AFP/Getty Images

Davos, Suisse. Le temps est frais, le paysage enneigé, mais l'avenir mondial paraît toujours bien sombre depuis le 43ème Forum économique mondial. "Est-ce que le capitalisme mondial traverse une longue période de convalescence" demande Larry Elliott, chef de la rubrique économique du Guardian, "ou est-ce qu'il souffre d'une maladie incurable ?"

Il y a bien des raisons de se laisser aller au pessimisme : le principal moteur de l'économie mondiale - les Etats-Unis - encore à la traîne avec un taux de chromage a 8% ; le Royaume-Uni qui se dirige vers une triple récession sans précédent ; l'Union européenne toujours au bord de l'implosion ; et le sentiment général que les institutions politiques et financières qui ont marqué l'entrée dans la formidable croissance de l'après-guerre pour les classes moyennes, ne marchent définitivement plus, ou du moins ne sont plus en mesure de garantir la reproduction d'une telle croissance pour le siècle à venir. C'est pourquoi le thème du rassemblement de cette année est particulièrement bien choisi : dynamisme de résistance.

C'est un concept complexe - il va être défini de bien des façons cette semaine - mais pour moi, il s'agit d'explorer l'idée selon laquelle la croissance ne va plus être quelque chose qui peut simplement se produire. Et qu'elle survienne ou pas, va dépendre de notre capacité - personnelle, collective, mondiale - à répondre aux crises. On ne sait peut-être pas en quoi consisteront ces nouvelles crises mais on est certain qu'elles vont se produire. Et notre habilité collective à y répondre collectivement va être déterminante. En effet, comme la directrice de la Fondation Rockefeller, Judith Rodin, l'écrit : "Ce qui distingue les menaces d'aujourd'hui de celles d'hier est l'augmentation considérable de leur survenue, ainsi que l'interdépendance grandissante de notre planète."

Cette interdépendance en plein essor a donné au monde de grandes opportunités, mais elle a aussi crée de nombreux défis. Les conséquences d'une crise dans une partie du monde n'est désormais plus contenue par des frontières, une langue, une monnaie ou des océans. Un pays qui se porterait bien ne peut plus désormais s'offrir le luxe d'ignorer les difficultés rencontrées par un autre pays. En un sens, c'est l'inverse du vieux principe économique : "a rising tide lifts all boats." ("la marée montante soulève tous les bateaux"). Désormais, un bateau qui prend l'eau peut avoir le pouvoir de diminuer la hauteur de la marée, et de faire échouer tous les autres.

Nous avons vu ce principe à l'oeuvre avec l'Union européenne, dont les difficultés des membres les plus faibles peuvent déstabiliser l'ensemble du système économique. C'est assez proche du corps humain dont la partie malade ne peut être ignorée simplement parce que le reste du corps est en bonne santé. Une résistance de l'ensemble du système est la clé de la santé - l'équivalent d'un système immunitaire solide. Ce n'est pas l'absence de crise qui détermine notre santé mais notre capacité à y répondre - et la façon dont nous acquérons, et conservons cette capacité.

Alors, comment peut-on bâtir ce type de résistance dans un corps politique collectif ? Rodin écrit que des dizaines d'années de recherche à la fondation Rockefeller ont montré qu'il y avait cinq caractéristiques essentielles que les systèmes résistants ont en commun :

L'aptitude à s'économiser. La flexibilité : une capacité de changement, d'évolution, et d'adaptation face à une catastrophe. L'échec limité ou échec "contrôlé", qui empêche les échecs de se propager à l'ensemble du système. Une reprise rapide - une capacité à rétablir les fonctions et éviter ainsi les longues interruptions. Un apprentissage constant.

Mais avant même de commencer à construire ces capacités, un élément clé est requis : la volonté - nous devons avoir envie d'être résistant. Et pour y parvenir, nous devons utiliser cette même interdépendance pouvant nous mettre en danger, pour cette fois nous permettre d'accéder à encore plus d'empathie. Or, plus nous sommes conscients des épreuves des autres, plus nous y reconnaissons notre humanité commune, et plus nous parvenons à imaginer des solutions communes - une approche qui manque cruellement au système politique américain actuel. Cette semaine, la Fondation à but non lucratif Crossroads, basée à Hong Kong, retournera à Davos avec son : "Se battre pour survivre". C'est une sorte de camp d'entraînement pour développer l'empathie, et qui vise de mettre les participants à la place de ceux qui doivent se battre pour survivre dans le monde réel. C'est une expérience dont les organisateurs disent qu'elle "approfondit la réflexion sur des défis tels le combat pour l'éducation, le logement, les soins médicaux, la nourriture et les choix auxquels doivent faire face ceux qui vivent avec cette réalité".

Une autre raison d'être optimiste à Davos est que le programme du Forum économique mondial va nourrir la prochaine génération de leaders. Parce que si nous nous apprêtons vraiment à mettre en œuvre la résistance nécessaire pour faire face à un nouveau siècle de défis sans précédents, nous allons avoir besoin de nouvelles façons de voir le monde. Et cela devrait plus logiquement venir de personnes n'étant pas embourbées dans d'anciens raisonnements, qui ne sont plus en adéquation avec les défis d'aujourd'hui. Parfois, une grande expérience est précieuse. Mais d'autres fois, elle signifie se limiter à proposer d'anciennes solutions à de nouveaux problèmes.

Les Global Shapers, du nom qui leur a été donné par le Forum économique mondial, est un réseau international "de jeunes leaders de 20 à 30 ans dotés d'un grand potentiel pour jouer un rôle dans l'avenir de la société et qui travaillent à améliorer la situation de leurs communautés respectives". Des jeunes gens comme Omnia Eteyari, ingénieur ferroviaire, qui se consacre à améliorer le système de transport, pour en faire une plateforme d'échanges au sens propre ; comme Arun Raj, récemment diplômé de l'université, et qui travaille en Inde dans le secteur à but non lucratif pour apporter un approvisionnement durable en eau salubre aux régions urbaines du pays ; et comme Andrea Latino, fondateur de la Green Geek School Education, un projet basé à Rome qui a pour but d'éveiller chez les jeunes innovateurs, férus de technologies, une conscience environnementale.

Ces Global Shapers sont d'une génération qui a grandi dans un monde de connexions où la volonté d'empathie fait partie de leur quotidien. Et nous allons avoir besoin d'eux. Comme Jeremy Kahn de Businessweek l'écrit : "En 2012, l'économie américaine a rebondi avec toute la vitalité d'une limace se réveillant après une longue sieste." Il cite un article écrit l'an passé par le Professeur Robert Gordon de l'université Northwestern, et intitulé "Est-ce la fin de la croissance américaine ?" Selon Gordon, la future croissance du PIB "sera plus lente qu'à n'importe quel moment de l'histoire depuis le 19ème siècle." L'un des facteurs cités par Gordon est "la nécessité de réduire l'endettement du gouvernement et des consommateurs" et "le paysage politique conflictuel", conséquence des luttes sur la manière d'opérer ces réductions.

Mais si nous avons vraiment l'intention de construire une résistance planétaire - comme avec notre corps - nous allons devoir fournir à nos économies ce dont elles ont besoin pour grandir. Les régimes, s'ils sont fait correctement, sont bénéfiques, mais ne pas manger du tout n'est pas un régime, c'est une grève de la faim. Quand il est affamé, notre système commence à flancher et à se dévorer lui-même - un phénomène plutôt familier à qui a observé le paysage européen politique et économique ces dernières années. Bref, toute tentative de mise en œuvre d'une résistance va devoir commencer avec une reconnaissance des conséquences si on affame le patient. Comme pour l'empathie, nous avons ici besoin de croissance, pas de contraction.

Comme Rodin l'écrit : "Bâtir une résistance n'est pas un luxe, c'est un impératif du 21ème siècle." Je suis impatiente de participer à une semaine de discussions autour des moyens de réaliser cet objectif.

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